04/09/2012

La Cité des jarres / Arnaldur Indridason

Pour prendre la mesure d'une œuvre et de son évolution, voire de sa maturation, il convient parfois de revenir aux sources de celle-ci. En règle générale, je commence toujours un cycle romanesque par le premier tome qui le constitue. Cependant, ma première rencontre avec le sombre inspecteur Erlendur ne s'étant pas pas faite avec son enquête initiale mais avec Hiver Arctique (avant de continuer avec l'écoute de Hypothermie, puis avec La Rivière noire, même si Erlendur en est absent), il me semblait important de combler les trous, tant pour les enquêtes en elles-mêmes que pour l'histoire personnelle tourmentée du personnage, pour laquelle l'auteur use d'un saupoudrage méticuleux dans la succession des ouvrages.

L'hiver est aux portes de l'Islande. La pluie s'invite, la température baisse. C'est dans ce climat pas encore franchement hostile qu'un homme est retrouvé mort dans son appartement. N'était ce message laissé sur le corps du défunt, la police aurait pu conclure à un accident domestique. Erlendur, accompagné des inspecteurs Elinborg et Sigurdur Oli entament l'enquête selon les procédures classiques. Très vite, la nature de l'homme qu'ils ont découvert se révèle et oriente les investigations vers des faits perpétrés il y a plus de quarante ans. A cette époque, Holberg, la victime du meurtre, aurait violé une jeune femme. Celle-ci serait tombée enceinte, aurait mis au monde une petite fille qui devait périr quelques années plus tard à la suite d'une tumeur au cerveau.

Tout comme dans La Rivière noire, La Cité des Jarres soulève le problème du viol fait aux femmes, de la reconnaissance d'un tel acte aux yeux de la justice et de la société. Si le premier roman fait état de l'utilisation du Rohypnol, la drogue du viol, les circonstances de ceux perpétrés dans La Cité des jarres – le cas n'étant pas isolé – remonte à bien plus longtemps, comme si d'une manière implicite, au fil de ses ouvrages, Arnaldur Indridason avait voulu montrer que la problématique n'avait pas changé, les femmes redoutant toujours d'être considérées comme coupables quand elles ne sont que victimes, au point de ne pas déclarer les violences qu'elles ont subies.

Autre point soulevé dans la Cité des Jarres, et pas des moindre, le programme de fichage génétique entrepris - et abandonné depuis 2003 - en raison d'une homogénéité ethnique issue de son Histoire. Entre Recherche et affaire de gros sous, Arnaldur Indridason frappe tout droit entre ces deux approches, avec l'éthique comme cœur de cible, quand bien même le fichage incriminé n'est pas sans importance dans le résolution et l'explication de l'affaire.

A la lecture de La Cité des Jarres, on comprend aisément pourquoi le livre a remporté le succès qui fut le sien à sa parution. Outre le « dépaysement » qu'il suscite, aussi bien par les lieux et les noms des personnages que par des codes comportementaux qui peuvent parfois sembler atypiques, notamment dans les dialogues, La Cité des jarres comblera le lecteur de polar par la qualité de son intrigue et la richesse de ses personnages. Ça fait un peu cliché de dire ça, mais rassurez-vous, le livre lui, en est dénué (de clichés!) et par les temps qui courent, par les livres qui paraissent, ça mérite d'être souligné.

Pour finir, une petite précision quand même, La Cité des Jarres pourrait très bien combler aussi ceux que le polar rend frileux...

La Cité des jarres, Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury, Seuil (Points), 330 p.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a bien 5 ou 6 ans que j'ai lu ce livre et je me souviens encore de cette histoire, surtout de la banque génétique, ça doit être un signe...

BiblioMan(u) a dit…

...de qualité, oui je pense. En tout cas, jusqu'à présent aucun des livres que j'ai lus de cet auteur ne m'a déçu. Bien au contraire.

La Petite Souris a dit…

Moi j'ai eu la chance de découvrir cet auteur par ce premier roman publié en France. Je navigue donc dans le sens du fleuve de son imagination créatrice!^^ J'aime beaucoup cet écrivain et l’atmosphère si particulière qui se dégage de ses romans. Par contre je n'ai pas encore eu le temps de lire les deux derniers ! Content de retrouver mon cher Bibliomanu !! ^^

BiblioMan(u) a dit…

@La Petite souris : et content de te trouver ici ;) Les deux derniers ne mettent pas en scène Erlendur mais successivement deux des inspecteurs qui l'accompagnent. J'aime bien cette approche qui permet de fouiller d'autres personnages en les mettant sur le devant de la scène.