06/08/2009

Prédation / Nathalie Hug et Jérôme Camut

Un corps nu est retrouvé dans une zone désaffectée, le bras arraché suite à l'explosion d'un bracelet qu'il avait au poignet.Un homme se tire une balle dans la tête, en plein centre commercial. Un autre se réveille dans une cellule, avec pour dernier souvenir sa balade avec sa fille dans un square de Paris. Trois affaires, trois mystères sur lesquels plane l'ombre d'un être machiavélique se faisant appeler Kurtz. Ce dernier se joue des hommes comme certains le font des bêtes. Il enlève des couples, ou des enfants et leurs parents, les sépare et les soumet à des missions, avec le chantage comme moyen de pression, avec la vie de l'autre, l'être aimé, dans la balance. Bien sûr, ces événements ne sont pas sans interpeler la police, et c'est à l'inspecteur Rufus Baudenuit, un râleur désabusé, alcoolique à ses heures, que va incomber l'insigne honneur de remonter la trace de Kurtz. La partie n'est pas des plus aisées.

On entend encore ici et là que le polar ou les romans policiers ne sont que des sous-genres de la Littérature (et je ne parle même pas de la science-fiction) avec un grand L. Souvent, le thriller est lui-même perçu comme un sous sous-genre du polar, autant dire sans grand intérêt si ce n'est celui d'offrir un bon moment de lecture-détente. Et quand bien même ! On aurait tort de se priver, non ? Tant que l'histoire est bonne, que le style et l'intrigue tiennent la route. Ah, et que les ficelles ne soient pas trop grosses, tant qu'à faire.

Et parmi toute la masse de thrillers qui paraissent chaque année, il arrive qu'il y en ait (plusieurs , heureusement !) qui sortent du lot. C'est le cas de Prédation. Parce qu'avec celui-ci, Nathalie Hug etJérôme Camut n'ont pas cédé à la facilité, parce qu'ils n'ont pas jeté leur texte sous prétexte qu'ils tenaient une bonne histoire. Bien mieux, ils sont parvenus à écrire un thriller où l'énigme ne repose pas sur l'identité d'une personne, ou en tout cas, pas sur son dévoilement. Car c'est bel et bien autour de Kurtz, avec Kurtz, d'une certaine manière, que les auteurs ont bâti leur livre. Tout tourne autour de sa folie, de son génie, de son amoralité. Il est l'électron libre autour duquel gravitent un ensemble de personnes, pour le moins intéressantes elles aussi. Qu'il s'agisse d' Andréas, détenu par Kurtz, ou de Beaudenuit, un énième revêche solitaire à la descente facile, de Cécile son assistante, ou même des enfants séparés de leurs parents, tous sont tenus, maîtrisés. Comme dans tout bon film populaire réussi qui se respecte (et, passage obligé, on ôte bien sûr le caractère péjoratif que ce terme colporte désormais), Kurtz remplit à merveille son office de « Méchant » révèle une identité complexe que nous n'avons d'ailleurs pas fini d'explorer. Il ne fléchit pas. Son intelligence ne vacille jamais au détour d'une page, comme c'est ponctuellement le cas dans les thrillers. Mais ça je l'ai déjà évoqué...

Pour finir, on retrouve ici des thèmes chers à Jérôme Camut – et que l'on devine tout aussi chers à Nathalie Hug –, des thèmes déjà explorés dans Malhorne, à savoir la nature de l'homme, le formatage qu'il subit, conditionné par un environnement souvent hostile. Sans oublier non plus l'individualisme croissant et galopant se caractérisant par une indifférence notoire sur ceux qui nous entourent, sorte d'acceptation, voire de déni, des folies relayées quotidiennement par nos chers outils d'information.

Alors je sais que l'heure est aux vacances (enfin, hum..., pour certains...), mais justement, si vous voulez vous laisser entraîner par un thriller digne de ce nom, haletant et tout le toutim, je vous fiche mon billet qu'avec Prédation, vous n'êtes pas au bout de vos peines... Et c'est peu de le dire.

Le frisson se poursuit donc avec : Stigmate et Instinct

Prédation, Nathalie Hug et Jérôme Camut, Le Livre de Poche (Thriller), 576 p.