25/02/2014

La Rivière de sang / Jim Tenuto

Si je vous parle tout à coup d'une combi Waders, de monter une Adams en 16, d'une Olive Soft Hackle ou d'une Serendipity, il est fort probable que des points d'interrogation vont éclore au dessus de vos têtes. Ou bien vous aurez tout simplement compris qu'il va sans doute être question de pêche dans La Rivière de sang.

Parce qu'il n'y a pas que Joe Pickett dans la vie, ni le très regretté Stoney Calhoun, on va cette fois-ci s'offrir une petite virée avec Dahlgren Wallace, ancienne star du football américain, vétéran de la guerre du Golfe et actuel guide de pêche pour le compte de Fred Lather, le propriétaire, dit-il, de la « plus grosse chaîne d'info du monde ». Ce dernier s'est fait un petit plaisir en achetant un ranch dans les terres très étendues du Montana, dont les terres très étendues suscitent bien des convoitises. Les fonctions de Dahlgren sont simples. Il doit amener les invités de marques de Lather à la pêche, les guider, leur montrer les plus beaux coins et leur sortir le «satané putain de grand jeu » dans le but de les éblouir. Au moment où commence cette histoire il emmène justement un couple de mormons californiens richissimes. Manque de bol, Dahlgren déteste les mormons et les californiens. Manque de bol bis, l'homme qu'il est chargé d'accompagner est assassiné dans le bras d'une rivière reculée. Je vous laisse deviner qui va être suspecté en premier.

Alors, alors, alors... J'aurais bien du mal à vous dire ce que j'ai préféré dans ce roman. La Rivière de sang tire toute sa force et son impact de l'ensemble des éléments qui le constituent. A savoir les grands espaces, cette nature dévoilée, cet appel au calme et au silence cependant brisé par des hommes trouvant toujours le moyen de tout ramener à des considérations mercantiles.

Il y a aussi tous les ingrédients d'un polar efficace dont le rythme est loin d'être indolent. Quand on parle de pêche on aurait tendance à croire que tout se passe dans une lente contemplation. C'est loin d'être le cas. Les personnages brillent de leur présence, révélés tous autant qu'ils sont par un sens du dialogue aussi vif que percutant. Et puis il y a l'humour, aussi, qui finit de faire de La Rivière de sang un bon et grand polar. Il faut voir toute la dérision dont fait preuve Jim Tenuto à l'égard des miliciens néo-nazis, des éco-terroristes protecteurs d'animaux, des ranchers avides, tous prêts à suggérer sans trop se mouiller non plus, attention, qu'ils sont à l'origine du meurtre. Il faut voir cette relation particulière que noue Dahlgren avec un agent du FBI faisant office d'ange gardien, comme il faut entendre, enfin, les répliques cinglantes et dévastatrices fusant de la bouche de notre héros lors de réunions de ranchers.

Alors ce sont des mots tout prêts, tout mâchés, bon à utliliser pour n'importe quel chroniqueur emballé par un ouvrage mais puisqu'ils sont là et qu'ils reflètent une réalité, j'aurais bien tort de m'en priver : en ce qui concerne La Rivière de sang, le cocktail est explosif et dépasse toutes les attentes. Aussi, avant que Jim Tenuto ne nous livre une nouvelle aventure de Dahlgren Wallace, n'hésitez pas à piocher dans le catalogue Gallmeister. On n'est pas loin de toucher à du « à tous les coups on gagne »...

La Rivière de sang, de Jim Tenuto, traduit de l'américain par Jacques Mailhos, Gallmeister (Totem), 2010, 336 p.

11/02/2014

Avertir la terre : la première guerre formique (aux origines de la Stratégie Ender)/ Orson Scott Card et Aaron Johnston

L'histoire d'Ender, à la base, était une nouvelle parue en 1977 dans la revue Analog. Elle aurait pu se noyer dans le flot des productions que le genre connaît, mais non. La nouvelle est devenue roman. La Stratégie Ender, prix Hugo et Nebula, a connu plusieurs suites, une déclinaison en comics pour Marvel, une série de romans parallèles avant de devenir – après des années d'attente - ce que certains d'entre vous n'auront pas manqué de voir en 2013, un film réalisé par Gavin Hood avec Harrison Ford et Asa Butterfield entre autres...

Avertir la terre, quant à lui, avant de devenir un roman était un comics déjà co-écrit par Aaron Johnston et Orson Scott Card. Peu satisfaits de n'avoir pu y mettre tous les éléments qu'ils avaient imaginé, les deux hommes ont trouvé dans la forme romanesque un terrain de jeu propice à leur imagination. 

Nous sommes donc cent ans avant la stratégie Ender. En plein espace, dans la barrière de Kuiper, des mineurs, issus d'une même communauté, procèdent à l'extraction des métaux d'un astéroïde. La routine pour eux. Du moins jusqu'à ce que l'un des membres de l'équipage ne décèle quelque chose d'anormal dans son système de sonde spatiale. Un navire, sans doute extra-terrestre, fend l'espace à une vitesse sidérante. Et tout semble indiquer qu'il se dirige vers la Terre...

 Quand on me dit séries à rallonge, quand lesdites séries se voient affublées de préquels ou de suites, j'ai plutôt envie de prendre mes jambes à mon cou. Ça va bien de tirer le fil d'un succès, mais parfois, à trop le tirer, ce fil, il finit par casser.

Mais - car il fallait bien un mais - je ne pouvais pas passer à côté des origines de La Stratégie Ender, qui reste pour moi - attention déclaration grandiloquente - l'un des meilleurs livres de Science-Fiction. Pas la peine de tergiverser, je ne pouvais pas passer à côté de ce titre, quand bien même je ne fonce plus aveuglément sur les productions inégales de monsieur Card, lequel semble avoir pris ce qu'on appelle la grosse tête, et dont certains propos ont eu le don de me hérisser le poil.

Passons. J'ai donc mis ma prudence de côté et me suis laissé tout entier au plaisir de découvrir chacun des protagonistes de cette histoire, à m'engouffrer dans ses mailles dont je n'avais eu qu'un aperçu à travers la stratégie Ender. Cette fois-ci, vous saurez tout des prémices de la première guerre formique, des premiers contacts avec ces extra-terrestres dont Ender devra, plus tard, devenir l'adversaire puis... n'en dévoilons pas trop non plus. Vous saurez tout, aussi, de la manière dont quelques humains se seront battus, auront fait alliance pour mettre en garde l'humanité, quand bien même leurs intérêts auraient eu tendance à diverger. 

Nul doute, Orson Scott Card et Aaron Johnston ont su mettre à profit le travail qu'ils avaient accompli pour la réalisation des Comics, poser les bases de ce premier volume d'Avertir la Terre et le rendre véritablement haletant. Par la même occasion, ils suscitent l'envie de lire la suite qui, espérons-le, s'inscrira dans la même veine, réjouissante et addictive.
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