30/12/2011

Cyanure / Camilla Läckberg

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Les années précédentes, en guise d'histoires policières se déroulant à l'approche de Noël, vous avez peut-être déjà eu votre Mary Higgins Clark, affublée de sa fille Carol, voire même un John Grisham ou un Anne Perry. Ou bien vous avez passé outre, parce que, franchement, que des auteurs à succès nous pondent ainsi chaque année, inlassablement, une novellette que l'on vous vend à prix d'or, ça sent un peu l'empapaoutage à plein nez. 

Venez, venez, lecteurs insouciants, c'est bien votre auteur fétiche qui l'a écrit ce livre là et il n'a rien perdu de sa superbe, n'en doutez pas. Frissonner et rêver en même temps, voilà ce qui vous attend. La magie de noël opère. Vous savez où est la caisse ?

Cette année, je crois bien avoir vu à nouveau un petit Anne Perry au pied du sapin d'une librairie, ainsi qu'un Christian Jacq.

Et puis ce petit livre aussi, un petit bijou d'esthétique (petit format actes sud, couverture dure de couleur noir et rouge à l'image des autres titres de la collection actes noir, avec en médaillon un petit daguet blanc aux yeux rouge dans une boule à neige). Ça s'arrête là pour l'orfèvrerie, car pour le reste on est dans le convenu avec ce huis clos stéréotypé à souhait et au manque évident d'originalité. Camilla Läckberg, auteur suédoise qu'on ne présente plus, utilise ici un personnage secondaire de sa série consacrée à Erica Falk et Patrick Hedström. Martin Mölin, jeune inspecteur, part en effet sur l'île de Valö pour passer le réveillon avec sa petite amie et la famille de celle-ci. Très vite (au moins on ne s'embarrasse pas du superflu) tout ce petit monde passe à table ( au sens propre comme figuré) et le grand-père, riche parmi les riches, meurt suite à une ingestion de cyanure. Pour conforter l'ambiance (hum), une tempête de neige bat son plein,  coupant ainsi toute possibilité de regagner le continent, les téléphones sont coupés et l'enquête (si l'on peut dire) commence.

Comment dire ? C'est palpitant comme le 2315ème épisode des Feux de l'amour – ne me faites pas croire que vous ne vous en rappelez pas, hein ? -, et ça finit comme la clôture d'une saison de ski : dans la gadoue, sans chute. Juste une ombre de pirouette. Navrante, qui plus est, la pirouette.

Le tout pour la modique somme de 16 euros 80. Et là, là...

Cyanure, Camilla Läckberg, traduit du suédois par Lena Grumbach, Actes Sud (actes noirs), 160 p.

18/12/2011

Adieu / Jacques Expert


24 mars 2011. Le Commissaire Hervé Langelier fête son départ à la retraite. Il s'en serait bien passé. En homme solitaire, il aurait en effet préféré partir dans la discrétion la plus totale. Sans éclats, à l'image de sa carrière, entachée par une affaire, une seule, dont il n'a pu se défaire. Les faits remontent à dix ans. Février 2001, une femme est retrouvée égorgée au domaine familial, ses enfants gisant dans leurs lits, étouffés, un oreiller déposé à leurs pieds. Aucune trace du père. Un mois jour pour jour après ces premiers meurtres, rebelote. Une autre famille est retrouvée dans les mêmes circonstances, selon le même mode opératoire. Le père est, là aussi, porté disparu. Et ce n'est pas fini. Langelier possède sa propre hypothèse mais elle n'est pas au goût de tout le monde. Malgré l'appui de son ami et néanmoins supérieur direct, le commissaire Ferracci, l'enquête finit par lui être retirée. Qu'à cela ne tienne, il la mènera seul, à l'insu de tous. Quitte à en payer le prix fort.

Le flic obnubilé par une affaire au point de tout lâcher pour elle ou d'attendre d'avoir enfin du temps pour s'y consacrer entièrement - tout tenter pour ne pas finir perclus de remords, savoir - c'est comme qui dirait monnaie courante en matière de polars. C'est comme un socle à une histoire dont il revient ensuite à l'auteur d'en révéler l'essence. Tout en subtilité, en finesse, grâce un mariage subtil du fond et de la forme, et sans doute aussi pas mal de savoir-faire, Jacques Expert y parvient sans aucune difficulté.

Toute la première partie exposant les bases de l'histoire est rapportée dans un style très factuel. Dates, heures, personnages, procès-verbaux, qui a fait quoi, où, quand, comment, dans quelle intention... les faits, rien que les faits. On entendrait presque la voix off d'un commentateur dans une de ces émissions consacrées aux affaires criminelles ayant défrayés les chroniques. Pourtant, là où un Donald Harstad balance les codes radios de ses unités de police en intervention pour faire plus vrai, on palpe ici quelque chose de plus dense, de plus élaboré dans la constitution du récit. Cette impression se confirme dans une deuxième partie où, cette fois-ci, le récit bascule à la première personne. C'est en effet Hervé Langelier lui-même qui livre la nature de ces dix dernières années consacrées à une enquête qu'on lui a ôtée et qu'il s'est réapropriée sans l'aval de sa hiérarchie. Là encore, les faits sont là, avec une précision confondante, témoins de l'obsession du flic. Son appartement n'est plus qu'un champ de données sur les murs : photos, rapports, notes, réflexions. Langelier est capable de les citer toutes, de les localiser de mémoire. Ce retour sur l'affaire est entrecoupé de ses réflexions intérieures tandis qu'il observe tous ceux qui sont venus lui rendre un dernier adieu avant sa retraite. Dont Ferracci, son ami devenu rival. L'heure des explications est venue. Elles sonnent comme un règlement de compte en bonne et due forme.

Au-delà des faits et de leur dualité – aux mêmes événements, de multiples interprétations et réalités possibles – amenée avec beaucoup de maîtrise, il y a aussi une réelle gradation dans l'exploration de la psychologie des personnages, et de celle du commissaire Langelier en particulier. Au gré du récit, la perception que s'en fait le lecteur change subtilement, par petites touches et ce n'est qu'avec un certain recul que l'on en prend l'exacte mesure.

Qu'on ne s'y méprenne donc pas, Adieu n'est pas un livre de plus sur les étals des librairies, ce n'est pas une énième resucée d'histoire de tueur en série, c'est un roman à l'impact certain, de ceux qui laissent des traces, ne serait-ce que dans son évocation de la solitude. Adieu mérite bien son triple B : bluffant, balèze brillant !

Adieu, Jacques Expert, éditions Sonatine, 327 pages.

09/12/2011

Agence 13, Les Paradis inhabitables - 3 - Le Chat aux yeux jaunes / Serge Brussolo


Serge Brussolo avait laissé Mickie Katz en bien mauvaise posture à l'issue de Ceux-d'en bas, deuxième volet de la série consacrée à l'Agence 13, les paradis inhabitables. Un livre et un revers de page plus tard, tout est comme effacé et Mickie reprend du service. La dame n'est pas du genre à lambiner. Qui plus est, l'agence a les comptes dans le rouge. Pour remplir les caisses, elle n'hésite donc pas à envoyer son meilleur élément en mission, quitte à jouer profil bas et rompre avec la singularité qui la caractérise : redonner une seconde vie et un nouvel éclat à des lieux ayant été l'objet de scènes de crime.

Pour autant, Mickie n'est pas au bout de ses peines. D'après les premiers éléments dont elle dispose, il semblerait effectivement que la jeune femme ait quitté le foyer d'une folie pour en investir un autre, d'une nature bien différente mais tout aussi inquiétante. Devenir décoratrice pour une série de télé, passe encore. Mais que penser lorsqu'il s'agit d'un vieux feuilleton réputé maudit après la disparition de l'un de ses acteurs principaux ? Que celui-ci a pour interprètes une horde de vieillards ambulants ? Peggy Floyd, star déchue mais encore riche, a en effet décidé de tourner de nouveaux épisodes du feu First Lady dans son manoir, avec tous ceux qui, de près ou de loin, avaient un jour travaillé dessus. La série n'est plus diffusée sur les ondes mais dans les hôpitaux ou autres maisons de retraites pour les quelques nostalgiques qu'elle compte encore. Et la malédiction qui l'entoure n'a apparemment pas connu les ravages du temps, ne s'est en aucune manière estompée. Mickie ne risque-t-elle pas d'en faire les frais ?

Lire une page de Serge Brussolo, ne serait-ce qu'une seule, cela s'apparente déjà à la traversée d'une frontière. Celle qui sépare notre monde de l'imaginaire de l'auteur. Vous pouvez toujours y aller bardés de vos références, de vos guides ou de vos bagages glanés au cours de vos précédentes incursions, traverser cette frontière, donc, de quelque manière qu'on le fasse, cela revient irrémédiablement à pénétrer en un territoire obscur, glauque et hostile, au gré duquel, mystères, surprises et chausses-trappes sèmeront l'exploration. Pas besoin de vous soucier d'un quelconque moyen de locomotion, la peur et l'angoisse vous serviront de carburant.

Le chat aux yeux jaunes ne détonne pas. Pas du tout. Une fois la frontière traversée, vous voici comme enfermé(e)(s) dans un grand magasin, peuplé de mannequins de cire qui, après l'heure de la fermeture, se mettent tout à coup à se mouvoir, difficilement, mécaniquement, laissant apparaître les défauts de leur peau à la lumière ténue des projecteurs.

Serge Brussolo, malgré quelques pirouettes et invraisemblances scénaristiques vite oubliées, nous offre donc une nouvelle fois un livre d'ambiance où le malaise plane du début à la fin, un malaise largement imputable à une mise en scène axée autour de vieillards se raccrochant à leurs espoirs déchus. Des vieillards en quête d'une éternelle jeunesse prompts pour cela à revêtir des costumes de latex de stars disparues, s'avilissant encore et encore, comme pour ne pas se laisser submerger par la déchéance.

Avec une intrigue tarabiscotée comme lui seul semble capable de les édifier, Serge Brussolo arrive à donner froid dans le dos et à vous laisser comme un goût de poussière dans la bouche. Vous voilà prévenus. Quoique, il se pourrait même que vous en redemandiez. Etrange, non ?

Agence 13, les Paradis inhabitables 3, Le Chat au yeux jaunes, Serge Brussolo, Fleuve noir, 284 p.

 
CITRIQ

26/11/2011

Réveillez le Président ! / Jean-Hugues Oppel

Si avec ce titre vous vous attendez à une attaque en règle de notre (bien aimé ou pas) actuel Président de la République, qui serait favorisée par l’approche des futures élections, passez votre chemin.
Si, en revanche, vous êtes prêts à plonger dans les coulisses du pouvoir et à sauter à pieds joints dans les tréfonds de la défense nucléaire internationale, alors poursuivez votre lecture !
Dans les profondeurs du Pentagone, deux généraux américains tiennent conciliabule et sont plus que perplexes. Le système d'écoute Echelon leur a transmis des informations stupéfiantes : la France se trouve actuellement en alerte Rouge, autrement dit en alerte nucléaire. Les Français sont-ils gravement menacés ? Se préparent-ils à lancer une attaque ? Faut-il réveiller le président des Etats-Unis ? De l'autre côté de l'Atlantique, la ministre de la Défense française a déjà été réveillée pour apprendre les mêmes nouvelles hallucinantes. Au milieu de ce chaos, une seule certitude au ministère : la France n'est en guerre avec personne. Alors ? Bouffée délirante du chef suprême des armées ? Piratage informatique ? Virus dans le système ? Seul le président de la République peut mettre fin à cette panique - mais il semblerait qu'il soit aux abonnés absents…
Si vous êtes familier du style de Jean-Hugues Oppel, vous retrouverez dans ce roman tout ce qui rend son œuvre aussi prenante : action au présent qui donne une impression d’urgence au récit, ton mordant et bons mots à foison, regard ironico-désabusé (c’est selon en fonction de ses romans) sur la société, personnages truculents. Sauf que dans le cas présent, vu la situation qu’on comprend rapidement pouvoir franchir le point de non retour et verser dans une guerre nucléaire mondiale, ces caractéristiques (d)étonnent. Alors que nous sommes dans un contexte de crise internationale, les deux personnages principaux, une informaticienne de génie et une sorte d’agent des renseignements généraux, passent une partie de leur temps à se chercher et à jouer au plus malin. Ils seront rejoints en cours de récit par un troisième personnage tout à fait « oppelien ». Alors, inconscience de nos héros ? Facilité de l’auteur qui ne croit pas à son histoire ?! Que nenni. Comme je le disais, ce roman dépeint un contexte international baignant dans une extrême tension aux quatre coins du globe et l’attaque nucléaire pourra survenir à tout moment ; il s’agit donc pour les protagonistes de s’accorder quelques moments de répit et de respiration avant que tout ne bascule…peut être… Qui n’a jamais essayé de se sortir d’une situation délicate en ayant recours à un petit sarcasme bien placé ?!
Il est naturel de s’interroger sur la crédibilité du récit compte tenu de l’histoire qu’Oppel souhaite nous raconter. D’autant que très rapidement, on ne peut s’empêcher de penser au Tom Clancy de la grande époque, période durant laquelle il nous contait par exemple le déclenchement d’une troisième guerre mondiale dans Tempête Rouge. Clancy avait été d’ailleurs soupçonné d’avoir eu accès à des documents classés secret défense tant la description qu’il faisait des différents belligérants et du conflit naissant était crédible. Et bien c’est la même crédibilité qui entoure le récit chez Oppel. A la différence notable que l’auteur donne une dimension intimiste à son histoire, tandis que chez Clancy, il y avait un réel aspect « épopée blockbuster « avec ses quasi 900 pages. Chez Oppel, on peut parler d’unité de temps, le récit se concentrant sur quelques heures ; d’unité de lieu également : même si nous basculons d’un continent à l’autre à plusieurs reprises, nous accompagnons en permanence des petits groupes de personnes confinés dans des bunkers ou des sous-sols peu engageants ; d’où une proximité et une empathie naturelle avec les personnages.
Toujours en termes de crédibilité, Oppel brosse un portrait détaillé du microcosme présidentiel, et plus particulièrement celui en charge des affaires de défense et de la chose nucléaire. Jamais ces personnes n’apparaissent en super-héros : ils sont à des années-lumière du Jack Ryan de Tom Clancy et sont davantage dépeints comme des personnes ordinaires devant trouver des solutions d’urgence dans un contexte extra-ordinaire.
Enfin l’auteur cite, en début de certains chapitres, plusieurs cas où le monde a bien failli basculer dans l’horreur nucléaire. L’un des personnages fera référence en cours de récit à l’équilibre de la terreur qui régnait sur le monde depuis la crise des missiles de Cuba en 1962. Ces différents exemples montrent toute l’absurdité de la course à l’armement nucléaire à l’époque de la Guerre Froide, tout en entretenant le suspens quant au fin mot de l’histoire. Oppel parvient en effet à nous laisser dans l’incertitude jusqu’aux dernières pages.
Vous l’aurez compris, nous sommes face à un excellent suspens. Vous aurez remarqué que je ne précise pas à quelle époque se situe l’histoire ; bien qu’Oppel ne cite jamais de nom, il est en effet très aisé de se situer rapidement grâce aux descriptions et aux bons mots de l’auteur.
Je finirai en précisant que Oppel évoque en toute fin de roman des faits contés dans son roman French Tabloids, écrit auparavant. Il m’est impossible d’en dire plus, sous peine de vous gâcher le suspens et la surprise. Je préciserai juste que les faits exposés dans Réveillez le Président précèdent ceux de French Tabloids ; mais quel que soit votre ordre de lecture, vous vous régalerez avec ce clin d’œil adressé au lecteur averti !
A la lecture de ces deux romans, il apparaît clairement que Oppel compte parmi les meilleurs écrivains observateurs de la société française actuelle, et de son monde politique en particulier. Il nous régale par sa verve, sa gouaille, son ironie et l’évidence de son propos. A ce sujet, il est d’ailleurs regrettable qu’il ne connaisse pas le même succès que ses petits camarades du thriller pur et dur. Je suis tout à fait capable de dévorer un bon Jean-Christophe Grangé (Miserere, une bombe) ou un Thierry Serfaty en grande forme (Le gène de la révolte, une merveille) ; mais des auteurs comme Jean-Hugues Oppel ou d’autres incitent davantage à la réflexion, et n’hésitons pas à le dire, sont capables de nous faire froid dans le dos de par la crédibilité et la plausibilité de leurs œuvres. Aussi, je vous encourage, que dis-je, je vous ordonne de vous plonger séance tenante dans l’œuvre de ce très grand auteur de la littérature française ; vous vous régalerez comme moi, je l’espère, avec Réveillez le Président, mais également avec French Tabloids, Cartago ou encore Chaton Trilogie. Vivement son prochain !!!

Et pour le plaisir d'écouter Jean-Hugues Oppel, voici un interview vidéo réalisée peu de temps après la sortie de Réveillez le Président !:





A bientôt,
Cedshaft


23/11/2011

Vertige / Franck Thilliez


Alors, alors, il est comment le dernier Thilliez ? Pour les fans de la première heure, pas la peine d’aller plus loin, vous l’avez déjà lu et ma chronique ne vous apportera rien de nouveau.

Après mes deux déceptions, que sont Le Syndrome E et Gataca, j’ai l’immense honneur de vous annoncer que Monsieur Franck Thilliez est de retour.

Un grand auteur n’est pas forcément sans surprise. Il lui arrive, et c’est tant mieux, d’essayer autre chose et je ne peux que l’en remercier, mais il est vrai que ses deux derniers polars n’avaient pas allumé de petites loupiottes vertes dans mon cerveau.

Alors ? ALORS ? Il est comment le dernier Thilliez ?

Tout simplement diabolique, malsain et haletant.

Il ne détrône pas La Forêt des ombres et  Train d’enfer pour Ange rouge  dans ma bibliothèque mais je vais l’offrir et le recommander vicieusement à tous les amateurs du genre et ce jusqu’à la sortie du prochain !

Jonathan Touvier, ancien alpiniste confirmé, se réveille au fond d’un gouffre en compagnie de son chien. Il est entravé au poignet par une énorme chaîne plantée à un pieu dans la roche. La dernière chose dont il est pleinement conscient est d’avoir laissé sa femme, Françoise, à l’hôpital. 

Deux parfaits inconnus sont à ses côtés. L’un est attaché à la cheville, l’autre a le visage recouvert d’un masque de fer relié à l’arrière du crâne à un détonateur. S’il s’éloigne de plus de 50 mètres de ses compagnons d’infortune, il explose. 

Pourquoi sont-ils ici ? Qu’ont-ils fait pour mériter une telle torture ? Comment vont-ils survivre ? Combien de temps tient un homme sous terre dans des conditions aussi extrêmes ? Quand perd-on la tête ?

Vertige est un huis clos où l’écriture de Franck Thilliez y est efficace, extrêmement précise, sans descriptions interminables ni cours de sciences. Il sait instaurer un climat de peur dès les premières pages et cela ne vous lâche pas après. Si le pendant de Saw avait un roman, cela pourrait bien être Vertige.

Son roman est une avancée dans l’horreur. Chaque heure qui passe transforme un peu plus ses individus soumis à des conditions extrêmes.

A la manière d’un grand chirurgien de l’horreur, Franck Thilliez nous emmène avec ses personnages dans une descente aux enfers. Pas à pas nous nous rapprochons du dénouement, et doucement nous sentons un peu plus le froid du glacier en nous.

Bref mes petites plantes, c’est du sur mesure !!!

A très vite,

Mauvaise graine.





21/11/2011

Une heure de silence / Michael Koryta

Rien de neuf sous les tropiques. L'histoire d'un ancien flic devenu privé. Pour autant, il aurait été dommage de ne pas s'y intéresser sous ce simple prétexte. Vous connaissez l'adage, c'est avec les vieilles recettes qu'on fait les meilleures soupes. Qui plus est, ce n'est pas en recherchant l'originalité à tout prix qu'on obtient les meilleures bouquins non plus.

Lincoln Perry, c'est le nom de ce détective, reçoit un jour la visite d'un ancien détenu, Parker Harrison. Celui-ci voudrait retrouver Joshua et Alexandra Cantrell, le couple qui l'avait accueilli chez eux dans le cadre d'un programme de réinsertion. Ils ont disparu du jour au ledemain voici douze ans. Fait étrange, les impôts relatifs au domaine qu'ils habitaient, « La Crête aux murmures » continuent d'être honorés. Si ce n'était que ça. Lincoln découvre en effet peu de temps après la visite de Harrison que le corps de Joshua a été retrouvé il y a peu et qu'Alexandra n'est autre que la sœur d'un gros bonnet de la mafia de Cleveland. L'affaire semble donc bien plus complexe qu'il n'y paraît, et Lincoln est tout disposé à refuser de s'y engouffrer. Seulement voilà, il n'est pas totalement maître de ses choix...

Rien de neuf sous les tropiques. Ça se confirme. Qui plus est, c'est assez plat. L'histoire en elle-même n'est pas trépidante et dans les actes, Michael Koryta ne parvient jamais à faire en sorte qu'elle le devienne. Il y a dans ce livre un manque évident de rythme. Ça mouline, ça palabre, ça tourne et ça vire et même quand Lincoln reçoit la visite du ponte de la mafia, on devine qu'il devrait y avoir de la tension mais voilà, on ne la ressent jamais. Un exemple parmi d'autres, du même acabit.

Autre point gênant, et presque systématique – j'ai bien dit presque – il suffit qu'un personnage soit évoqué par l'un des protagonistes de l'histoire pour qu'il entre en scène quelques pages plus tard seulement. Cette avancée à rebonds dans l'enquête lui donne au final un côté poussif qui donne bien vite envie de passer à autre chose...

 






Une Heure de silence, Michael Koryta, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Frédéric Grellier, Seuil (Policiers), 365p.

13/11/2011

Les Mages de Westil - 1 - La Porte perdue / Orson Scott Card


Les Dieux ne sont décidément plus ce qu'ils étaient. Avec le temps, leurs pouvoirs se sont sensiblement amoindris. À tel point même qu'ils ont été obligés de se couper du monde des vivants, les Somnifrères, se cachant d'eux à l'aide de sorts qu'ils ont su préserver et transmettre à leur descendance. La faute en incombe à Loki qui, en 632, a fermé l'ensemble des portes reliant le monde magique de Westil, celui dont ils sont issus, et Mittlegard, la Terre. Sa volonté était alors d'éviter que le chaos ne se déchaîne car chaque fois qu'un Dieu transitait entre ces mondes, ses pouvoirs gagnaient en puissance. Certains, dont Loki, voyaient là l'ouverture à une escalade dans les conflits opposant les différentes familles divines.

Les North, descendants d'Odin, vivent au cœur d'une petite vallée, en Virginie. Danny, treize ans, est l'un d'eux. Plus exactement, il porte leur nom. Car pour le reste, disons qu'il a une certaine tendance à subir le courroux de ses pairs quand ils ne manifestent pas un profond désintérêt à son égard. Danny est en effet considéré comme un drekkar, un être dont les pouvoirs ne se sont pas révélés, s'il en possède seulement. Ce que les siens n'imaginent pas, c'est qu'en réalité sa puissance est telle qu'elle pourrait remettre en question l'équilibre du monde dans lequel ils se sont fondus : Danny est un portemage, un créateur de portes. Et aux yeux des familles il n'y a qu'un sort possible à l'égard de ceux qui sont doté d'un tel pouvoir : la mort...

Voilà le moment le plus périlleux, parler du dernier livre d'Orson Scott Card paru en France. Si je n'ai pas été un lecteur de la première heure de cet auteur, je me suis néanmoins bien rattrapé par la suite en me procurant chacun de ses livres... jusqu'aux Marionnettes de l'ombre, roman issu du cycle parallèle à la Stratégie Ender. De cette série, je le dis avec le recul, j'aurais mieux fait de m'arrêter au premier tome, les autres n'étant pour ma part qu'une transposition, une restitution de sa documentation sur la géopolitique et de ses incidences sur l'Art de la guerre. Je ne parle même pas du nouveau deuxième tome d'Ender, L'Exil, qui m'est littéralement tombé des mains tant il me semblait qu'Orson Scott Card retombait dans un travers déjà rencontré dans Les Enfants de l'Esprit, et dans d'autres ouvrages ensuite, à savoir que le propos du livre prenait toute la place et ce, au détriment de l'histoire elle-même. Je ne voudrais pas avoir l'air de tirer sur l'ambulance. Seulement, après avoir vibré avec Ender dans le premier ouvrage qui lui était consacré, puis dans La Voix des morts, sans parler des Chroniquesd'Alvin le Faiseur, des Maîtres Chanteurs, des nouvelles aussi, je dois dire que c'était un peu navrant de voir les cycles se clore - ou se prolonger a posteriori (vous me suivez là?), voire même se réécrire(1) - de la sorte (l'image du soufflé, voyez...), laissant la place à une réelle déception. Une déception que je redoutais en entamant La Porte perdue.

Et c'est là qu'il faut sortir trompettes et clairons, lâcher les colombes dans le ciel, libérer les ballons prisonniers des pognes des marmots, laisser enfler la musique en même temps que se hissent les drapeaux !

- Hum... t'en fais pas un peu trop là ?
- Ah ? Tu trouves ?
- Ben chais pas, mais c'est juste un livre, quoi...
- C'était pour illustrer, tu vois.
- Mouais... chais pas, tu devrais peut-être effacer.

Car La Porte perdue signe d'une certaine manière le retour d'un grand Conteur (même si, à en croire la postface, lui-même n'a jamais douté avoir cessé de l'être... mais ça c'est une autre histoire...). Et pour ce faire, il revient à nouveau – cela ne surprendra personne – avec un roman initiatique où l'on trouve un jeune garçon devant prendre son envol face à des forces qui le dépassent. Forces avec lesquelles il va devoir se familiariser avant de trouver sa voie. Si la recette est connue, c'est bien dans l'univers campé par l'auteur que réside toute l'intensité et toute la portée du livre. Card situe en effet la majorité de son action dans notre monde, à notre époque, mais il intercale dans son récit une trame parallèle se situant sur Westil, dans un environnement médiéval vraiment fascinant. Et il le fait d'ailleurs de manière si subtile que le lecteur s'interroge sur les relations qui unissent les personnages évoluant dans ces deux sphères narratives, ainsi que sur la manière dont ils vont indéniablement se télescoper. C'est sans conteste ce questionnement associé à la découverte des facultés magiques des uns et des autres et, plus globalement, à l'univers suggéré par Orson Scott Card qui donnent sans cesse envie de poursuivre son exploration.

Qui plus est, il y a des airs d'Oliver Twist dans cette histoire de gamin, orphelin dans l'âme, obligé de quitter les siens pour survivre, et dont le parcours est jalonné de rencontres hasardeuses avant qu'il ne trouve enfin refuge auprès de personnes attachantes. Celles-là même qui sauront faire en sorte de lui faire prendre la pleine mesure de qui il est et de ce qu'il est réellement, au-delà de la simple manifestation de son pouvoir.

Il serait je crois malvenu d'en dire plus. Un conseil toutefois : laissez juste s'ouvrir à vous les portes de Westil et, surtout, surtout, ne les laissez pas se refermer... 

(1): Orson Scott Card a en effet procédé à une réécriture de La Stratégie Ender afin de coller aux événements qu'il avait intégrés dans L'Exil...

Les Mages de Westil - 1 - La Porte perdue, Orson Scott Card, traduit de l'américain par Jean-Daniel Brèque, L'Atalante (La Dentelle du Cygne), 413 p.
 
CITRIQ

26/10/2011

Au Fil de Cl0 - 3 - APΩCALYPSIS. Tome 1, Cavalier blanc : Alice / Eli Esseriam

Bientôt 2012 alors il est peut être temps de parler de la fin du monde...

On connaît tous la légende, voire la théorie, selon laquelle la fin du monde concorderait avec la fin du calendrier Maya, c'est-à-dire le 21 décembre 2012 … (Profitez, c'est votre dernier Noël ^^) Mais qu'arrivera-t-il exactement à ce moment là ? Un scénario à la Roland Emmerich (Cf. 2012, le film) ? Ou bien carrément le plan biblique déjà énoncé par l'évangéliste Jean ?

Eli Esseriam, qui publie là son premier chef-d’œuvre, a opté pour le deuxième choix. Dans sa pentalogie, Apocalypsis, elle nous livre quatre chevaliers de l'apocalypse à l'apparence ordinaire mais au destin fastueux. Les quatre premiers tomes présentent chacun un de ces personnages : Alice, Edo, Maximilian et Elias. À chaque fois, on découvre leur quotidien, leur vision du monde, mais surtout leur réaction face à la découverte de certaines capacités, et de leur destin. Ils ne se connaissent pas mais pourtant ils sont tous liés. Et c'est seulement dans le cinquième tome qu'ils se rencontreront et exauceront la volonté de Dieu...

Actuellement, seul le premier tome est sorti (les autres paraîtront respectivement en janvier, mai et septembre 2012, du coup suspense sur la fin de l'histoire !!!). J'ai donc commencé par découvrir le personnage d'Alice et franchement... j'ai adoré !! On suit une jeune fille aux connaissances démesurées, on mélange mythe et réalité, on entre petit à petit dans du fantastique tout en ne sachant qu'une chose : l'apocalypse, elle, ne le sera pas, fantastique, et elle est en marche...

Je vous invite vraiment à lire ce roman ! Il est court, se lit rapidement, et si vous rentrez dedans, vous ne pourrez pas vous en extirper avant son terme ! À découvrir avant la fin... du monde car :

La fin du monde est proche.
Ils sont quatre jeunes de 17 ans : Alice, Edo, Maximilian et Elias.
Ils sont les Cavaliers de l'Apocalyspe.
Ils n'épargneront que 144 000 âmes. En ferez-vous partie ?


 






Apocalypsis. Tome 1, Cavablier blanc: Alice, Eli Esseriam, editions Nouvel angle, 238 p.

21/10/2011

Intrusion / Natsuo Kirino

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Tamaki Suzuki est écrivain. Elle voue une fascination certaine pour un livre de Mikio Midorikawa, Innocent, lequel avait fait scandale lors de sa parution, notamment pour son caractère autobiographique. Tamaki, elle, se sent comme investie d'une mission : retrouver l'identité de cette O., femme énigmatique dont on ne sait au final que peu de choses, si ce n'est qu'elle est à l'origine d'une bouleversante histoire d'amour. Une histoire qui n'est pas sans résonances avec celle de Tamaki. Elle a vécu, et vit toujours d'une certaine façon, une liaison conflictuelle avec son ancien éditeur.

Intrusion fait partie de ces livres qui brillent autant par leurs qualités que par leurs défauts. Les uns et les autres alternent mais au final, c'est un sentiment de déception qui plane.

Si Intrusion est un livre sur la quête, quête autour d'un mystère, quête de l'amour mais aussi quête de soi, il est difficile de le percevoir comme un roman policier, ni comme un roman noir. Autant le dire tout de suite pour ceux qui, étant donné la collection à laquelle appartient ce livre, seraient en droit d'attendre une intrigue policière. Quand bien même j'aurais très bien pu apprécier Intrusion s'il n'avait été entaché de scènes insipides dont je n'ai eu que faire, et qui prennent malheureusement le pas sur d'autres plus touchantes ou même plus prenantes.

J'apprécie toujours de me confronter à d'autres cultures dans les livres, d'avoir l'impression de toucher au plus près de celles-ci, loin des clichés habituellement véhiculés ou même de ceux que je me suis construits. De ce point de vue là, j'ai trouvé les livres de Aki Shimazaki plus parlants, plus révélateurs des fondements d'une société, de ses valeurs et de ses traditions. La griffe de Natsuo Kirino laisse moins percevoir ceci. L'approche est plus diluée, ne permet qu'une immersion par petites touches. Alors certes, elle s'intéresse à la condition féminine, évoque la complexité de la relation amoureuse et des bouleversements qu'elle suscite irrémédiablement. Elle dépeint aussi sa condition d'écrivain, démontre d'une certaine manière combien la ligne qui sépare la fiction et la réalité peut parfois s'avérer bien ténue. Mais le problème face à ma lecture est là, car je n'ai que rarement été sensible à ce roman et à ses personnages, qui ne sont restés pour moi que d'encre et de papier.





12/10/2011

L'Entité 0247 / Patrick Lee

Il y a deux mois de ça, peut-être plus mais à la rigueur peu importe, j'ai découvert la couverture et le résumé de ce livre Entité 0247, signé Patrick Lee sur le site des éditions L'Atalante. Immédiatement, je me suis dit que j'allais l'acheter. Tout simplement parce que c'est le genre d'histoire qui me plaît.

Je l'ai acheté. En connaissance de cause après avoir lu une critique sur ActuSF, où on présentait le bouquin comme un bon divertissement, sans plus, où l'action était de mise. Pour peu qu'on veuille se vider la tête sans trop se la prendre, le compromis était louable et je ne m'y suis d'ailleurs pas engouffré avec d'autre intention que celle de me divertir, tout simplement.



Oui.

Mais non.

Parce que autant le dire tout de go, c'est d'un ennui à mourir. L'idée d'une brèche par laquelle des êtres d'un autre espace / temps, d'un monde parallèle ou que sais-je encore, nous enverrait des objets aux facultés, comment dire, surprenantes, sans que l'on puisse communiquer en retour, est plutôt captivante. Et le livre en lui-même ne manque pas d'idées intéressantes non plus, comme cette entité 0247 en elle-même, source d'entropie caractérisée, ou comme cette combinaison d'invisibilité dont la nature se révèle d'une toute autre nature en possession d'un tueur notoire qu'en celle d'un sorcier au front balafré. Malheureusement, c'est une fois de plus le traitement de la chose qui laisse à désirer : pas d'empathie pour des personnages qui se révèlent très vite fades au possible, des clichés gros comme des poutres dans l’œil d'une fourmi (Le héros de cette histoire – Oh my hero ! – pour ne pas être confondu par un hélicoptère lancé à ses trousses en plein milieu de l'Alaska, embrasse à pleine bouche l'héroïne proche de la mort, histoire de donner le change ... hum...), et un rythme si lent qu'il aura eu raison de ma patience à la moitié du livre – ah, c'était une scène d'action ?, bon tant pis.

Je ne saurai donc pas ce qui se cachait de l'autre côté de la brèche, mais Patrick Lee est parvenu à me désintéresser complètement de ce mystère. C'est vous dire l'ampleur du désast... de ma déconvenue.

L'Entité 0247, de Patrick Lee, traduit de l'anglais par Patrick Couton, L'Atalante (Dentelle du cygne), 312 p.
CITRIQ

20/09/2011

Semences / Fran Ray

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Allez, allez, un peu facile le raccourci ! Non ? Vous ne voyez pas de quoi je parle ?! Mauvaise Graine / Semences. Non toujours pas ? Ah si ! Et bien, non ! Rien à voir !

Ma bonne surprise de l'été : Semences. Oui je sais l'automne arrive, mais je ne me sens pas encore de retour au bercail. Et l'été sert aussi à lire ce que nous n'avons pas le temps de butiner le reste de l'année.

Même si ce polar n'était pas prévu dans ma liste de lectures estivales. Pour tout vous dire, il a atterri dans mon panier parce que, premièrement c'est un thriller, deuxièmement un auteur allemand. Et oui, encore un raccourci... 

Il arrive souvent que le hasard, représenté ici en la personne d'un charmant collègue, fasse bien les choses.

Semences est à la fois un roman d'anticipation, un thriller écologique, un essai en biologie avancée et excusez du peu, un agréable et flippant moment de lecture qui commence par la mise en garde suivante :


" Toute ressemblance avec des faits réels n’est pas une coïncidence.

Le complot est déjà en marche.

Il y va de VOTRE vie." 

Je vous résume brièvement l'intrigue et je m'explique.

L'histoire s'ouvre à Paris sur l'assassinat du professeur Frost, biologiste. Tout semble indiquer l'oeuvre d'un groupuscule d’écologistes fanatiques. 

La même nuit, une amie de Frost, médecin, se suicide. Le mari de cette dernière n'arrive pas à accepter son geste et décide de mener sa propre enquête. Il va tenter de comprendre le pourquoi du comment. De son côté, l’inspecteur Irène Lejeune est convaincue qu’un lien existe entre ces deux affaires. Pendant ce temps, un virus inconnu semble se répandre en Ouganda. Alors meurtres isolés ? Fin de la race humaine ? 

Sous couvert d'une écriture sans prétention, mais très agréable à lire, ce thriller cache une intrigue extrêmement bien ficelée et suffisamment tordue pour vous empêcher dorénavant de jeter la moindre fane de carotte sans penser aux conséquences de vos actes ou aux bénéfices que pourraient réaliser les firmes agroalimentaires si, par hasard, vous veniez de détruire la seule trace sur terre de ce fameux légume.

Je ne sais pas si je vous en aurais parlé en ces termes, s'il y a quelques semaines, je n'étais pas tombée sur un reportage traitant à la fois des multinationales de l'agroalimentaire et de cette serre qui recense toutes les variétés de notre flore.

Ce premier roman de Mademoiselle Fran Ray est donc rondement mené du début jusqu'à la fin et extrêmement bien documenté. Alors mes petites pousses, je vous dis à très vite et bonne lecture. Au plaisir !

Mauvaise Graine



14/09/2011

La France tranquille / Olivier Bordaçarre

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De la Force tranquille à La France tranquille, on pourrait penser qu'il n'y a qu'un mot qui sépare cet ancien slogan aux présidentielles du titre du dernier livre d'Olivier Bordaçarre. Il y a plutôt là l'expression d'un glissement écœurant que nous avons tous subi, quoiqu'on en dise, comme des grenouilles trempées dans de l'eau chaude dont on fait monter la température progressivement, histoire de nous avoir à petit feu. Car si la tranquillité a un prix , pour certains, elle ne s'accomplit qu'à travers le prisme de la peur et de l'entretien de celle-ci.

Nogent-le-Chartreux, vingt mille habitants, connaît des jours sombres. Pas uniquement parce que la mairie projette de multiplier l'installation de caméras de surveillance dans la ville, ça tout le monde semble s'en accommoder, mais plutôt parce qu'un meurtre horrible vient d'être commis. La chose est rare dans cette commune réputée pour sa relative tranquillité et où tout le monde connaît tout le monde. Même si la victime n'est autre que l'un des fils Bartavel, famille ne manquant pas de susciter la répulsion auprès de la population locale – la marginalité n'a pas bonne presse - l'émotion est vive. Elle permet en tout cas à chacun de commenter le crime et d'exprimer son point de vue sur l'identité du ou des coupables, de tirer à bout portant sur les populations indésirables dont la culpabilité ne devrait pas échapper aux forces de l'ordre. Aussi quand le tueur s'avère opérer en série, la peur gangrène les uns et les autres, les pousse aux actes les plus extrêmes. Une situation que le commandant de gendarmerie Paul Garand, désabusé et impatient d'obtenir sa retraite anticipée, ne s'imaginait pas un jour avoir à gérer.

«  Derrière ses portes à judas comme autant de vigiles cyclopes, Nogent-les-Chartreux dormait d'un sommeil épais, sans rêve, ses artères ne pompant de la nuit que le silence suspect des déserts sécurisés. La vie s'était repliée vers les appartements coquets des ruelles historiques, puis, en cercles concentriques, vers les immeubles, les quartiers pavillonnaires, les tours de la cité du Bas, les maisons aux volets clos le long du canal et les dernières fermes vétustes des paysans rescapés.
On s'était rincé l'oeil au divertissement télévisuel du samedi soir à quatre-vingt-dix-huit pour cent de matière grasse – les miraculeux deux pour cent de matière grise résiduels étant l'oeuvre de l'ultime fragment d'humanité des « stars » invitées : chanteurs has-been tartinant les écrans plats de leur bêtise et improbables mannequins, la peau plus tendue qu'une baudruche, échouant à faire croire à leur retour sur scène. Le présentateur vedette s'était une fois de plus déshonoré à coups de galéjades d'avant-guerre : le vychisme des chiens de garde est immortel. Mais le somnifère cathiodique avait fait son effet et la ville en écrasait ferme derrière le triple vitrage. Portes blindées, alarmes, caméras de surveillance et patrouilles de gendarmes somnolents veillaient à la tranquillité du vulgum pecus. »

En entamant La France tranquille, j'ai redouté qu'Olivier Bordaçarre, sous prétexte qu'il écrive un livre engagé, ne tire à boulets rouges, même s'il y a effectivement de quoi faire, sur notre société de consommation où l'individualisme a pignon sur rue. J'ai craint qu'il ne mette tout le monde dans le même panier, au risque de se discréditer. J'ai appréhendé qu'il fasse du noir la couleur prédominante de son roman, qu'il ne s'inquiète pas de jouer de nuance et de distance aussi. Et,enfin, qu'il dénigre l'histoire, ses personnages, nous les laissant comme seuls prétextes à exposer ses idées. Or ces craintes ont très vite volé en éclats. Je n'ai pas peur de dire que ce livre là est une véritable réussite, au point même que j'ai éprouvé une sorte de regret à le terminer en une seule journée. Ceci dit, cela m'a donné l'occasion de me frotter à son style, agréablement métaphorique parfois, tout en sachant qu'il serait possible d'y revenir avec ses précédents romans, Géométrie variable et Régime sec.

Alors oui La France tranquille est une véritable réussite même si, bien sûr, on a les poils des bras qui se hérissent quand on lit les propos de ceux qui soit-disant, ne peuvent dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas: des paroles sortant de la bouche de personnages de fiction mais qu'on entend un peu plus tous les jours ici ou là et qui se targuent d'une vérité dont nul ne pourrait se soustraire ; on frémit de cet étalage comme on frémit au son des discours sécuritaires et de leurs conséquences directes dans notre vie de tous les jours. Et à cette occasion, on se rappelle que tout ça n'est pas bien neuf, que la flamme de la mémoire s'éteint vite aux remous de l'Histoire, que lorsque la peur s'insinue en certains, elle craquelle bien des masques avant de les briser enfin pour révéler l'hypocrisie, la haine de l'autre, l'individualisme, réveiller les rancœurs et favoriser la délation. On se rappelle aussi d'une première guerre du Golfe où les gens se précipitaient dans les magasins de peur du manque, se ruaient dans les armureries pour se munir de fusils que des ados se chargeraient de démonter et d'en cacher les pièces dans le domicile dès les premiers signes d'une violente dispute parentale avinée.

Et tout ça se fond parfaitement au scénario de cette histoire, à la richesse de ses personnages, à l'image du commandant Garand, bouffi de ses bons plats et de son humanité, de l'amour qu'il porte à son fils Grégory, de celui qu'il voue encore à sa femme partie dix ans plus tôt et avec laquelle il communique tous les jours. On veut aussi connaître le fin mot de cette histoire, des raisons qui poussent un homme à tuer de façon cruelle des personnes que rien ne rapproche apparemment.

Avec sa caméra à lui, Olivier Bordaçarre sillonne Nogent-le-Chartreux, et sous couvert d'une oeuvre romanesque, il capte, restitue une amère réalité d'aujourd'hui. Mais il n'épie pas, il montre. Là est peut-être toute la différence.

08/09/2011

Tous mes amis sont des super héros / Andrew Kaufman

Je vous vois venir. De loin. Houlà oui, de très loin même. Je vois bien ce que vous devez penser. Ma petite voix me souffle la même chose. Je me serais penché sur ce livre sous le seul prétexte que l'on y parle de super héros, et qu'en tant que super héros, ce titre là a comme qui dirait résonné d'une façon toute particulière. Ce n'est pas le cas. Enfin pas vraiment. Pas seulement, ok ? Disons qu'avant tout, c'est la couverture qui a littéralement fait en sorte que je me jette sur le livre. Parce que sinon, franchement, si c'était vraiment une question de super héros, y'a belle lurette que je vous aurais parlé de Comment je suis devenu super héros, d'Un jour je serai invincible ou bien même, tant qu'on y est, de La vie sexuelle des super héros.Y'a belle lurette qu'à cette occasion, j'en aurai profité de trouver là des prétextes détournés pour parler de moi, afin de me soustraire aux stipulations édictées par la FSHW, la Fédération des Super Héros du Web qui, je le rappelle, conseille d'éviter de parler de soi sous peine de voir sa vie privée mise à mal d'une façon ou d'une autre. Je ne dis pas que je n'ai pas un petit pincement au cœur en voyant un titre me rappelant ma propre condition mais là n'est vraiment pas le propos. Car avec Tous mes amis sont des super héros, vous allez voir, on parle beaucoup d'eux effectivement, mais pour mieux parler de l'Homme. Et de l'amour aussi. Surtout.

L'amour. Le mot est lâché. Vous me direz, en parler dans les romans, ce n'est pas ce qu'on appelle une nouveauté, c'est même d'un banal. C'est si commun. Mais l'évoquer se décline de tant de manières différentes, au point de susciter en nous des réactions qui le sont tout autant. Et l'approche d'Andrew Kaufman s'avère aussi drôle que touchante sans jamais laisser le lecteur indifférent.

« Un roman élégant et d'une incroyable drôlerie sur les affres de l'amour, où les super héros sont des êtres humains pathétiques, faibles, amoureux : des êtres humains plus-que-normaux ». En lisant cette mention sur la quatrième de couverture, j'ai presque été tenté de raccrocher du costume car dans cette phrase, il y a toute l'essence du livre, sa – comme dirait l'autre – substantifique moelle. Sauf... sauf que j'ai quand même quelques petites choses à rajouter...

Si ce roman est effectivement élégant, il est aussi bien barré, bien barré et poétique en même temps. Oui, je sais, se révéler ainsi quand il est question de super héros, c'est un peu surprenant, mais c'est ainsi.

Tom n'est pas un super héros, c'est un gars normal même les êtres aux supers pouvoirs qui l'entouent, si nombreux, le considèrent comme un type vraiment épatant eu égard à sa normalité, justement. Depuis quelques mois, Tom est marié à Super-Perfectionniste. Ils auraient pu couler un amour paisible, se complaire dans leur bonheur mais voilà, Super-Hypno, jaloux, en a décidé autrement en faisant en sorte que Tom devienne totalement invisible aux yeux de Super-Perfectionniste. Et tandis que cette invisibilité prend des airs de manque puis d'oubli, la jeune femme décide de s'envoler pour vivre à Vancouver. Tom devine, sait, que s'il ne parvient pas à se faire voir d'elle au terme de ce voyage ponctué de flashbacks, c'en sera définitivement fini de leur histoire.

Je suis tenté de vous raconter toutes les pépites dont fourmille ce roman , de vous décrire les uns après les autres tous les super héros que l'on rencontre, de Super Télé-Girl qui laisse couler des larmes en forme de télé, en passant par Super-Je-change-d'humeur-à-la-vitesse-du-son, Super-Je-tente-ma-chance, pour finir par Super-Pantoufle qui parvient à transformer chaque jour en dimanche à la maison, voire au lit... Eux et tant d'autres, si vivants, drôles et, oui, si humains.

Il y a de très belles scènes dans ce roman, dont certaines rappellent un certain Boris Vian, une douce folie aussi ainsi qu'une dose d'absurde, de cet absurde qui n'égare jamais le lecteur en route pour la simple et bonne raison qu'il se nourrit de ce que nous sommes, passions, maladresses et doutes compris.

« Tom se remémora l'affreux appartement en sous-sol où il habitait à l'époque. Le pire, c'était le linoléum de la cuisine, tout rayé de traces de talons et de brûlures de cigarettes ; blanc à l'origine, il était devenu d'un gris perpétuellement sale.
Super-Perfectionniste ne pouvait pas supporter ça. Un mercredi, cinq jours après leur premier rendez-vous officiel, elle était arrivée avec deux seaux de peinture pour sol, bleu vif, et deux rouleaux.
« Excellente idée », avait dit Tom.
Ils s'étaient mis au travail immédiatement. Ils avaient commencé à l'endroit où le lino jouxtait la moquette. Ils travaillaient à reculons, à toute vitesse, recouvrant chacun la surface devant eux, puis reculant de quelques pas pour peindre à nouveau. Très vite, leurs pieds avaient heurté le mur du fond. Ils s'étaient retrouvés coincés, entourés de peinture fraîche. Tom avait relevé les yeux, Super-Perfectionniste avait souri.
« C'est malin ! Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? » avait demandé Tom.
Et Super-Perfectionniste l'avait embrassé (à la perfection). » 

Maintenant il ne me reste plus qu'à faire lire Tous mes amis sont des super héros au compadre Gilles qui ne me croit pas quand je lui dis qu'on peut-être un super héros sans cape, sans même savoir voler. Et avec mes Super-gros-sabots – va falloir que je songe à les enlever d'ailleurs – avec mes Super-gros-sabots donc, je lui dirai : « Et l'amour, ça donne pas des ailes, peut-être ? ». Mmhh...

Tous mes amis sont des super héros, Andrew Kaufman, traduit de l'anglais (Canada) par Anna Roen, Naïve, 111 p.

03/09/2011

La Volonté du dragon / Lionel Davoust

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Alors bien sûr tout le monde connaît (ou presque) les éditions Critic pour le succès qu'ils ont rencontré avec Le Projet Bleiberg de David S. Khara mais avant cela, cette jeune maison d'édition qui monte , qui monte et qui ne risque pas de descendre si l'on en juge les parutions à venir, cette jeune maison d'édition disais-je avait déjà fait ses armes (et quelles armes !) avec d'autres titres , parmi lequel cette Volonté du Dragon de Lionel Davoust. Vous m'excuserez, je suis sûr, la longueur de cette introduction dans laquelle, comme à mon habitude, j'ai voulu dire beaucoup de choses en une seule phrase.

Sauf que suite à ma lecture du Projet Bleiberg et des différentes interviews que j'ai lu des éditeurs en question, je n'avais pas encore franchi le cap de lire un autre de leur titre. Et j'ai beau chercher, je ne saurais vous dire pourquoi. J'avais bien sûr déjà vu le nom de Lionel Davoust circuler de ci de là, que ce soit pour ses traductions ou même pour ses nouvelles, je ne l'avais encore jamais lu avant de succomber au charme de Au-delà des murs, texte figurant dans l'anthologie Victimes et bourreaux paru aux éditions Mnémos à l'occasion du festival des Imaginales. C'est un texte relativement court mais dans lequel l'auteur esquisse de manière habile et concrète l'univers où évoluent ses personnages. Mais c'est surtout le style qui m'a frappé dans cette histoire. Lionel Davoust y fait preuve d'une puissance d'évocation incroyable, l'écriture est ciselée à un point tel que l'on ne demande rien de mieux que de retomber très vite sous la plume ayant suscité un tel engouement.

Ceci, c'était donc pour expliquer le cheminement qui m'a conduit à La Volonté du Dragon. Et le constat réalisé après Au-delà des murs est le même en ce qui concerne ce court roman. Dès les premières lignes, les premières pages, le style est là, efficace, percutant, musical aussi. Une nouvelle fois, Lionel Davoust se dispense de descriptions à rallonge pour nous emmener dans son monde, un monde qui trouve justement tout son écho dans l'économie et la précision de celles-ci, dans les images claires et saisissantes, les sons et les odeurs qu'elles génèrent immanquablement. Vous voulez être les héros du livre ? Vous l'êtes ! Car ils sont plusieurs à se partager la vedette... Tous les personnages du roman, sont en effet eux aussi extrêmement bien dépeints et chacun subit, d'une manière ou d'une autre, le tumulte de cette histoire ainsi que ses enjeux.


« Elle l'avait reçu dans ses jardins privés à Asreth – la ville tentaculaire dont les tours d'argent se reflétaient dans le lac de Mara, où vibrait jour et nuit le ronronnement de milliers de réacteurs draniques, crépitante d'énergie, de savoir et d'activité, la mégapole qui avait donné son nom à un empire entier – le plus grand que le monde ait jamais connu. D'eolus Vasteth, l'un des treize généralissimes commandant les invincibles Légions impériales, avait franchi les immenses salles nues de son palais cristallin aux murs ornés de mystérieuses arabesques d'or et d'acier, et, sur les sols métalliques incrustés de verre, figurant des cartes du ciel et du monde, ses pas avaient libéré des claquements secs dépourvus d'échos semblables à de brèves voyelles inarticulées.

Puis au terme d'un long couloir doré où régnait une lumière diffuse, il avait ouvert une lourde double porte de fer d'apparence curieusement antique et jamais restaurée, probablement plus ancienne que tout le complexe, pour déboucher sous un enchevêtrement dense de frondaisons mêlant palmes grasses et pleurs de saules, parmi les cris perçants d'oiseaux invisibles et le murmure de fontaines. »


En règle générale, à quelques exceptions près, je fais un résumé des histoires qui sont passées à travers mon bandeau. Et bien celle-ci fera partie des exceptions quand bien même c'est la deuxième fois pour cet éditeur. Là, j'ai essentiellement voulu m'attarder sur l'impact qu'avait eu ce livre sur moi, plus sur la forme que sur le fond qui, pourtant, ne manque pas d'intérêt non plus. Mais soyez tout de même assuré(e)s que le plaisir sera sans doute encore plus grand si vous plongez dans l'inconnu, si vous vous fondez dans cette histoire qui résonne effectivement de bien des manières avec notre monde à nous, et pas forcément pour le meilleur. Croyez-moi, le jeu en vaut la chandelle...

Et pour avoir ici rédigé la chronique dans laquelle figure le plus de liens depuis la création de ce blog, j'en rajoute deux où vous pourrez trouver d'autres avis sur La Volonté du dragon : Traqueur stellaire, Dragon galactique.

La Volonté du dragon, Lionel Davoust, éditions Critic, 171 p.
CITRIQ

30/08/2011

Le Citron / Kajii Motojirô


Sakura no ki no shita ni wa …
(Sous les cerisiers …)
Sakura no ki no shita ni wa shitai ga umatte iru!
(Sous les cerisiers sont enterrés des cadavres!)

Motojirô Kajii fût l'un des grands poètes japonais du début du siècle dernier. Peu connu durant sa courte vie (il est mort à 31 ans !), il est aujourd'hui reconnu et très apprécié au Japon notamment grâce à ses nouvelles Le citron, Sous les cerisiers et Jours d'hiver
J'ai découvert cet auteur totalement au hasard, en lisant le manga Les lamentations de l'agneau de Kei Toume. Dans le tome 2 de cette série était cité le texte Sous les cerisiers. Juste une phrase, la première de cette nouvelle, et me voilà au pôle littérature de la médiathèque pour chercher le texte intégral. Motojirô Kajii nous y dévoile sa vision de l'univers avec poésie, dans des textes courts mais toujours vrais. Juste une pensée ou une observation, et notre esprit est emporté dans un tourbillon de réflexions qui mène bien souvent au delà des apparences.

Le citron, c'est un recueil de nouvelles (huit pour l'édition Picquier Poche), une sélection de textes de cet auteur si surprenant. Motojirô Kajii a du lutter pour vivre, pour survivre. Et pourtant il réussit à garder les pieds sur terre mais surtout à vouloir faire partager sa passion de la littérature. Créateur de magazines littéraires, écrivain, c'est surtout un philosophe que la maladie a emporté trop tôt...

À découvrir...

22/08/2011

Seeker / Jack McDevitt

J'ai longtemps tourné, viré et tourné encore autour de Seeker en librairie. Il y a plusieurs raisons à cela. La plus évidente étant que mon enthousiasme à l'égard des livres de Jack McDevitt a toujours été assez inégal. J'ai été ébloui par Anciens rivages – je ne suis pas le seul, non, non, non – et suis resté mitigé quant à la série consacrée au personnage de Priscilla Hutchins dont certains titres me sont tombés des mains quand je ne pouvais en lâcher d'autres, à l'image de Chindi dont je garde encore vivement en mémoire une scène où l'équipage d'un vaisseau rencontre une civilisation extraterrestre pour le moins surprenante...
Mais plus que ces considérations, c'est le changement d'éditeur qui m'a interpellé : les éditions de L'Atalante auraient-elles renoncées à suivre l'auteur en raison d'un fléchissement des ventes des précédents ouvrages parus ? N'auraient-elles pas cru dans le potentiel de cette nouvelle série dont, il est utile de le préciser, Seeker est le troisième opus ? Et autre interrogation, pourquoi justement commencer par un tome qui n'entame pas la série ? Parce que celui-ci a reçu le prix Nebula et que cela fera de lui un titre plus « vendeur » ? Parce que les autres sont moins bons, plus anecdotiques ? Seront-ils seulement traduits et édités en France ?
A vrai dire, je n'ai pas encore aujourd'hui la réponse à ces différentes questions mais je ne désespère pas de les obtenir. Je ne me suis tout simplement pas encore lancé dans ces investigations – une bonne déconnexion de temps en temps, ça ne fait pas de mal – mais je le ferai sous peu et reviendrai sans doute ici même compléter cette chronique au fur et à mesure que j'engrengerai les réponses. D'ailleurs, si vous en avez vous-même certaines (voire toutes, hein), n'hésitez pas à les partager dans le fil des commentaires.
Finalement, après m'être dit « non, tu peux attendre, tu le prendras au boulot », le « oui mais quand même ça n'a pas l'air si mal que ça » a fini par l'emporter parce qu'encore une fois, il s'agit d'un ouvrage qui donne la part belle à l'archéologie du futur et que je ne sais pas résister à ce type d'ouvrage, comme je le soulignais déjà dans la chronique concernant le Filet d'Indra de Juan Miguel Aguilera.
Résultat, c'est plutôt réussi même si l'approche du futur de Jack McDevitt est assez déroutante parce qu'elle n'est tout simplement pas commune. Ce qui ne l'empêche pas d'être défendable.
Dix mille ans dans notre futur, à peu de chose près. Les humains ont quitté le berceau de la Terre ont colonisé plusieurs planètes, en ont terraformées certaines. Dans leur essaimage, lls n'ont rencontré qu'une civilisation extraterrestre encore vivante avec laquelle, bon an mal an, ils ont réussi à pactiser.
Alex Benedict, antiquaire archéologue et son assistante Chase Kolpath vivent sur Rimway. Leur travail consiste à déterrer des objets de civilisations disparues, de dénicher des fouilles dont ils revendront ensuite le fruit de leurs trouvailles aux plus offrants, ce qui ne manque pas de faire grincer des dents les organisations archéologiques officielles. La plupart du temps, ce sont Alex et Chase qui se lancent dans la chasse aux trésors mais il arrive que des particuliers leur demandent aussi d'authentifier un objet et bien sûr, de leur en révéler la valeur. C'est dans ce dernier cas de figure qu'ils tombent un jour sur une tasse émanant du Seeker, un vaisseau d'une colonie légendaire ayant fui l'oppression terrienne du 26ème siècle dans le seul but de fonder un monde utopique dont personne, absolument personne ne devait connaître la localisation.
Une grande partie du roman s'articule autour d'une enquête relative à la tasse en elle-même, consistant à savoir dans quelles circonstances elle a été trouvée pour la première fois, puis à déterminer pourquoi ceux qui sont entrés en sa possession n'ont rien révélé d'une découverte dont l'écho aurait pourtant été retentissant. C'est une partie bien menée, intrigante à souhait au terme de laquelle on n'attend plus qu'une exploration spatiale à même de fournir son lot de révélations.
Et l'on n'est pas en reste puisque Chase s'envole en effet en territoire extraterrestre, communément appelés les Muets, capables de lire dans les pensées, afin d'obtenir les ultimes renseignements à même de les mettre, Alex et elle, sur la voie de la Colonie perdue. Rebondissements, suspense, action et révélations, selon une adroite association, sont effectivement au rendez-vous.
Tout ceci se lit avec un plaisir certain mais une chose est sûre cependant, Seeker risque peut-être d'en rebuter plus d'un. Car l'avenir suggéré par Jack McDevitt est bien loin de ceux dessinés par un Peter F. Hamilton ou un Stephen Baxter. On a beau être dix mille ans dans le futur, on ne peut pas dire que le « sens of wonder » soit la préoccupation essentielle de l'auteur. On a bien des vaisseaux spatiaux capables de franchir des distances faramineuses, des intelligences artificielles à même de les gérer, des hologrammes d'humains disparus ayant voulu laisser une flatteuse image d'eux-même, mais à part ça on ne peut pas dire que l'on soit noyé par des considérations scientifiques ni même par des inventions que tout lecteur aurait été en droit d'espérer.
Il semble que Jack McDevitt situe ses préoccupations ailleurs, dans une volonté de focaliser son attention sur une perspective archéologique ainsi que sur des humains dont les aspirations et les besoins n'ont pas beaucoup évolué. A savoir qu'ils vivent un quotidien que l'auteur nous fait parfois partager en évoquant des sorties au restaurant, en citant des titres de musique ou de livre qui ont eu un certain succès quelques années en arrière seulement, ou même en évoquant la fatigue, le besoin de se reposer, le stress lié au travail... Et comme je le disais un peu plus haut, c'est assez déroutant (au premier – et dernier – sac en plastique qui est apparu au détour d'une page, je me suis demandé si je lisais bien un bouquin de SF) mais c'est du coup assez original et pas dénué de charme non plus puisqu'on n'a pas l'habitude de voir ça dans des ouvrages qui nous parlent d'un futur lointain. Sans compter que l'histoire est plutôt haletante et réserve quelques belles surprises. Seul le personnage de Alex Benedict à qui est consacrée la série paraît un tantinet pâlot, le beau rôle allant à Chase, narratrice de cette histoire.
Voilà, en fonction des éléments que j'ai rapportés ici et de vos propres goûts en matière de Space Opera, il vous revient de faire à votre tour votre propre choix. Lira, lira pas ?


6 septembre 2011 : Voici donc les réponses aux questions posées un peu plus haut lors de la rédaction de cette chronique. Je remercie Stéphane Watelet pour sa disponibilité et les administrateurs du forum des éditions L'Atalante pour m'avoir aiguillonné dans mes brèves recherches...

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BiblioMan(u) : L'auteur était auparavant édité en France chez un autre éditeur, comment a-t-il "basculé" chez vous ? 

Stéphane Watelet : Découragement de l'Atalante  devant l'affaissement des ventes de SF... en général (...c'est une hypothèse)

Hypothèse confirmée si l'on en croit les messages laissés sur le forum de l'Atalante, visible ici...

BiblioMan(u):  Seeker est le troisième tome d'une série, pourquoi avoir commencé par celui-ci et non par le premier ?

Stéphane Watelet : C'était le plus emblématique et lauréat du prix Nébula, comme vous l'aviez pressenti...

BiblioMan(u): Justement , comptez-vous éditer les autres tomes ?

Stéphane Watelet: Si le succès est au rendez-vous , oui, bien sur...
Pardon pour le caractère très prosaïque de nos réponses auquel on peut (quand même) 
ajouter un coup de cœur pour la "patte" de McDevitt (cette scène de pré-ouverture fonctionne quand même pas mal !)


Seeker, Jack McDevitt, traduit de l'américain par Michèle Zachayus, Télémaque, 442 p.

CITRIQ