28/01/2009

L'Epouvanteur. Tome 1, L'apprenti épouvanteur / Samuel Delaney ; texte lu par Thierry Wermuth

Tom est le septième fils d'un septième fils. A ce titre, il est tout destiné à devenir épouvanteur dont la lourde charge est de protéger les populations des malédictions qui les frappent, des gobelins,des spectres et autres sorcières aux intentions malfaisantes. Sa mère a tout fait pour que les pouvoirs inhérents à son rang familial, ses perceptions exacerbées, soient utilisées dans ce sens. Et effectivement, quand l'âge vient pour lui d'apprendre un métier, le voilà obligé de quitter la ferme de ses parents pour aller vivre avec Maître Grégory où, en lieu et place d'initiation l'attendent la plus effroyable des aventures.

Dans la série lecture à haute-voix dont vous trouverez le premier épisode ici, avec cette expérience avortée autour de Skully Fourbery, nous avons une fois de plus décidé de ne plus nous disputer le programme télé (pour la forme bien sûr puisque je ne la regarde pratiquement plus). Cette fois-ci, nous nous sommes fiés à une autre voix, celle de Thierry Wermuth, servie par une musique de Rémi Chaurand et Gilles Relisieux. Bien nous en a pris.

Ce qui nous a frappé d'emblée, c'est la manière dont cette voix s'est mise au service du texte, a donné tout son relief au style de l'auteur. J'avais déjà eu l'occasion d'entendre d'autres livres enregistrés auparavant où la lecture à voix haute en révélait sa pauvreté. Et dans ces cas là, ça ne loupait pas, le petit bouton avec un carré représenté dessus faisait des appels au doigt déjà démangé.

Là, non, Thierry Wermuth sert le récit sur toute sa longueur, donne de la consistance à chacun des protagonistes. De variations infimes en minimes inflexions, les personnages sont aussitôt identifiables, quelles que soient leurs intentions, leurs humeurs, ou même leur sexe. C'est d'ailleurs si subtil que l’effet en est surprenant.

Conséquence directe, nous prenions plaisir à écouter le disque lors de nos déplacements en voiture, exécutant un rapide résumé pour savoir où nous en étions restés la fois précédente. L'histoire lancée, nous n'étions plus dans un habitacle métallique mais tantôt dans une maison hantée, tantôt dans un trou habité par un spectre, ou encore dans la ferme parentale où les souvenirs affluaient irrémédiablement. Oui, on a fait un bon petit bout de chemin avec Tom tout en prenant plaisir à l’accompagner dans son parcours initiatique à nul autre pareil. Parfois, j’avoue même qu’à l’occasion de certaines sorties préméd…(mot impossible à effacer entièrement), j’avais pris un peu d’avance.
Ben quoi, fallait bien que je vous en parle !

24/01/2009

Hiver arctique / Arnaldur Indridason

Ça n'aura échappé à personne, le polar nordique a le vent en poupe. Mais si l'effet Millénium est passé par là, il n'en demeure pas moins que d'autres auteurs avaient (heureusement) déjà ouvert la voie, et favorisé ainsi la rencontre avec des pays et des cultures souvent méconnues. On pense bien sûr à Henning Mankell, Gunnar Staalesen, Jo Nesbo pour ne citer qu'eux. Sans oublier bien sûr Arnaldur Indridasson qui s'était fait connaître du grand public avec La Cité des jarres, et qui signe avec Hiver arctique, un superbe dernier ouvrage.

L'Islande. L'hiver, le froid. Un petit garçon assassiné à son retour de l'école, non loin de son appartement. Qui a bien pu poignarder ainsi un enfant que tout le monde s'accordait à dire qu'il était adorable ? Se pourrait-il qu'il s'agisse d'un crime raciste, le petit étant issu d'un père islandais et d'une mère thaïlandaise, divorcés depuis peu ? Son grand frère, dont on n'a aucune nouvelle depuis le meurtre, aurait-il un rôle à jouer dans cette tragédie? N'a t-il pas toujours eu du mal à se familiariser avec ce pays où sa mère l'a fait venir ? A moins qu'il ne soit lui-même en danger... Ce sont là toutes les questions auxquelles vont être confrontés le commissaire Erlendur et son équipe.

L'islande. L'hiver, le froid. Un petit garçon assassiné. Une affaire de femme disparue qui obnubile le détective. Le décor est campé, vous saute à la figure dès les premières pages. Et rien, absolument rien ne semble venir contribuer à éclairer la noirceur qui habite cet ouvrage. L'impact n'en est que plus fort. Comme le souligne à juste titre la quatrième de couverture, il s'agit là d'un roman réellement impressionnant. Pas forcément dans le sens où on serait enclin à le croire dans un premier temps: pas d'effets de manche, encore moins de rebondissements survoltés ou de retournements de situation à faire pâlir. Tout est en fait dans la musicalité, dans la portée de ce qui est véhiculé dans l'ensemble de ce roman et qui prend toute sa force dans une montée en puissance servie par la triste réalité qu'il dépeint.

Un impact fort, donc, qui fait tourner la tête pour la simple raison qu'il touche à une corde sensible, dénuée de tout pathos. La cause n'était pourtant pas acquise dès le départ. Non pas que le fait d'avoir fait la connaissance du commissaire Erlendur avec cette enquête m'ait gêné outre mesure. En fait, dans les premiers moments de lecture la difficulté a été de s'immerger dans la complexité de ce petit pays dont je ne connaissais absolument rien, et de me familiariser avec ses particularités géographiques ainsi que de ses codes.

Erlendur ne m'a pas non plus semblé franchement original. Je n'ai d'abord vu en lui qu'un archétype de l'inspecteur désabusé, divorcé, vivant seul et entretenant des relations plus ou moins conflictuelles avec ses enfants. Le point de vue a pourtant changé, à mesure que la montée en puissance évoquée plus tôt et la complexité du roman se sont faits jour.

Car à travers les personnages, leurs histoires personnelles, et les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres, le manque de communication, de dialogue et de compréhension – certaines scènes sont surprenantes dans ce qu'elles révèlent de fermeture ou de repli sur soi – Arnaldur Indridason passe au crible le phénomène de l'immigration dans son pays et de toutes les formes de violence qu'il suscite. Il fait état de ces discours simplistes et réducteurs à la peau si dure que l'on entend que trop et qui, sous couvert d'une idée de perte d'identité nationale, ne trahissent en fin de compte que la peur et la méconnaissance de l'autre.
Impressionnant, oui, vraiment.

14/01/2009

Monster / Patrick Bauwen

Paul Becker a ouvert une clinique privée dans sa ville natale, non loin de Miami. Son travail lui prend un temps considérable et sa vie de famille finit par en pâtir. Rien d’irrémédiable en soi, il compte bien traverser ces heures sombres et retrouver une vie paisible auprès de sa femme et de son fils de six ans.
Rien d’irrémédiable si, en passant la porte de sa clinique, un homme dangereux, n’avait oublié son téléphone lors d’une altercation pour le moins musclée. Car sur ce portable figurent quelques photographies inquiétantes, dont l’une d’un enfant kidnappé récemment et une autre où figure le père de Paul lui-même.
Le téléphone sonne…

Amateurs de rebondissements, vous allez être servis ! A la louche ! Jusqu’à l’indigestion…
Pourtant c’est vrai que lorsqu’on se lance dans un thriller on n’aspire presque qu’à ça, la surprise, le retournement de situation qu’on n’aurait même pas imaginé possible. Mais là trop, c’est trop. Du jamais vu en ce qui me concerne.
Alors c’est vrai, Monster se lit assez vite, c’est assez aéré pour cela et bourré de détails inutiles qu’on lit à peine et qui ressemblent farouchement à du remplissage…

Une dame d’un certain âge en tailleur-pantalon strict entre par une porte latérale et dépose un plateau avec deux tasses, des petits pots en plastique pour la crème, et un assortiment de sachets de sucre et d’édulcorants.

… et le mystère du départ est suffisamment prenant pour susciter la curiosité. Mais mis à part quelques moments vraiment excellents où le suspense est bien dosé, il faut lui reconnaître ça, on nage pour le reste entre le téléphoné et le grand-guignolesque. Ah, vous pouvez y aller, envisager toutes les combinaisons possibles, soupçonner tout le monde, à tous les coups on gagne, en quelque sorte. J’exagère si peu. Et à force de révélations, ça en devient navrant. On ose à peine y croire. Alors la fin (ah…la fin… ), c’est la petite cerise qui fait s’écrouler tout ce gâteau déjà bien instable. C’est en tout cas en la lisant que je me suis dit ou plutôt exclamé : « non mais n’importe quoi, n’importe quoi ! ». Et quand j’y repense, parce que j’ai laissé du temps entre le moment où j’ai fini ce livre et la rédaction de ce billet, quand j’y repense, c’est en particulier la fin qui me vient à l’esprit. Et je me dis toujours la même chose.

Mais il y a également un autre aspect qui m’a vraiment agacé même si ce n’est pas propre qu’à Monster. Il y a une tendance dans certains thrillers récents à faire des tueurs en série de véritables puits d’intelligence pendant les ¾ du bouquin et voilà qu’ensuite, ce ne sont tout compte fait rien de moins que des benêts en puissance. Chacun en tire les conclusions qu’il voudra mais il semble évident que cette volte-face ne sert en rien le récit, et aurait même tendance à le décrédibiliser.

Bon, une fois de plus on a cédé à la facilité – ce que ne laissait pas forcément présager l’agréable surprise du l’Oeil de Caine du même auteur - et il y de fortes chances qu’on ait notre Patrick Bauwen tous les un an, un an et demi. On ne m’en voudra pas si je ne me joins pas à cette grande liesse de la nouveauté à l’arrache.
Voyez, je n’ai pas digéré.
Et je ne suis pas le seul apparemment puisque c'est aussi le cas de Laurence.
Peggy, quant à elle, a plutôt apprécié (sauf la fin, comme quoi...)

07/01/2009

Zen City / Grégoire Hervier

Attention…Attention…. : cette chronique est garantie sans pub, si ce n’est pour le livre lui-même, et lui seul.
Garantie…?!?
Et encore, ce n’est pas vraiment de la pub, plutôt ce qu’on peut appeler l’envie de partager une lecture ma foi bien sympathique.

Une chose est sûre. Vous n’êtes pas arrivé ici en tapant « Dominique Dubois » ou « blog de Dominique Dubois » dans votre moteur de recherche, sans quoi il vous aurait fallu vous coltiner , allez, au bas chiffre, quelques milliers de liens avant de croiser mes guêtres. Dominique Dubois, c’est un peu comme Albert Dupont, François Durand ou Arthur Martin.

- Pub !
- Quoi Pub ?
- Arthur Martin, c’est de la pub !

- Non mais ça va pas non ? J’ai dit Arthur Martin comme j’aurais pu dire Dominique Dubois ou…enfin, quoi, c’était pas de la…Ah…laisse tomber.


Aussi, comment voulez-vous ? Quand on sort d’un tel bouquin, on a l’impression d’avoir pris un bain de consommation à fortes radiations. A vous écœurer d’aller faire vos courses (déjà que…) ou alors de les plier vite fait bien fait, sans avoir à subir toutes ces balises qui ne sont là rien que pour vous, vous consommateur pa(s)tenté, ciblé, examiné, disséqué, mangé à la sauce « tuvasraquermonbonhomme ».

Car c’est bien de cela que traite Zen City. De cela et de l’évolution pernicieuse de ces nouvelles technologies censées nous faciliter la vie et coller au plus près à nos attentes.

A la lecture du titre et de la quatrième de couverture, je pensais qu’il s’agissait là d’une histoire de science-fiction, dans un futur relativement éloigné où les puces RFID seraient implantées dans le corps des habitants. Pourtant, le saut dans le temps n’est pas énorme, à peine quelques années. Pas plus mal, en fait.

Dominique Dubois est ce qu’on appelle un homme moyen. Si moyen qu’il en devient presque exceptionnel pour la ville de Zen City, pour ses concepteurs en tout cas. Il devient en effet très tôt le candidat rêvé pour intégrer la ville, implantée dans des Pyrénées jusqu’alors soumises à une désertification économique… Y’a plus de saisons… Là-bas, tout est régi par le biais de la RFID : téléphones, maisons, supermarchés…habitants.

Dominique, en être moyen donc, comme il se définit lui-même, accepte sa nouvelle vie avec une certaine candeur, toujours prompt à céder à la curiosité, à la découverte et, pourquoi pas, à l’âme sœur. Il achète, achète, loue, achète, cède aux charmes des têtes de gondole. Jusqu’au jour où le drame survient.

Très franchement, on ne s’ennuie jamais dans cette lecture, riche en trouvailles et en tristes réalités, en même temps qu’elle nous renvoie à notre croustillante société dont elle se fait la satire. Une satire tragico-comique de très bon ton. Grégoire Hervier, après son savoureux Scream test, tire une fois de plus le fil de nos dérives. Il le tire doucement, très doucement, subtilement, l’air de rien et nous donne malgré tout froid dans le dos. La consommation à outrance, la pub à outrance, les effets pervers des nouvelles technologies, la perte de notre liberté individuelle à petit feu... On ose à peine l'imaginer et pourtant, on le fait sans peine aucune.

Alors sans vous y pousser - à la consommation-, croyez-moi : ce livre vaut vraiment le coup d’œil, le vôtre, acéré et critique, pour le plaisir de rencontrer ou de retrouver une plume fluide et agréable, ainsi qu’une histoire pour le moins bien faite et bien pensée. Un produit d’appellati…

Oulà…
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A lire également l'avis de Lily et n'hésitez pas non plus à visiter le site de ZenCity.