11/07/2014

Notre-Dame des Loups, un voyageur et des noeuds d'acier...

Ah l'été ! Ça ne vous aura pas échappé mais avec la douceur estivale, on aspire à la légèreté des lectures. On veut se détendre, profiter des vacances, se laisser aller à un calme indolent.
Mais si le calme est indolent la météo, elle, est bel et bien insolente ! Et puis l'heure des vacances n'a pas encore sonné alors je vous invite à repasser pour la légèreté. Ne voyez pas pour autant un état d'esprit particulier au regard des trois titres au sommaire aujourd'hui, hasard des lectures oblige. Trois titres, trois histoires aux registres très différents mais qui puisent tous leur essence dans des univers sombres, noirs et inquiétants, toujours hostiles.

On commence avec Notre-Dame des loups, signé Adrien Tomas. L'auteur a déjà deux mastodontes* de fantasy à son actif que je n'ai pas lu pour cause de rejet à caractère persistant du genre. J'y reviendrai peut-être mais il faudra vraiment savoir se montrer convaincant. Pour cet ouvrage, Adrien Tomas, et c'est tout à son honneur, n'a pas hésité à changer d'univers et d'époque. Nous voici donc avec un western fantastique, un one shot relativement court de très belle facture. Preuve supplémentaire, s'il en est, qu'on peut faire du bon avec du court...

L'Amérique, 1868. Les Veneurs n'ont qu'un seul et unique objectif, terrasser les Wendigos qui sèment la mort et la désolation sur leurs parcours. Derrière cette volonté farouche qui les a forcé à fuir les leurs, à renoncer à tout ce en quoi ils croyaient, se cache bien sûr un but ultime, faire ployer et succomber Notre-Dame des Loups sous le feu de leurs balles d'argent. 

La forme narrative adoptée par Adrien Tomas dans ce roman a pour elle de maintenir un intérêt constant pour l'histoire. Non pas qu'on s'en serait écarté par ailleurs mais en proposant de la suivre successivement par chacun des membres de la Vénerie, l'intérêt s'en retrouve redoublée. Chacun apporte en effet son éclairage sur les rapports qu'ils nourrissent les uns avec les autres, sur leurs propres moticvations, sur les enjeux de leur quête et les liens, complexes ou ambivalents, qui les lient à Notre-Dame des Loups. La tension est là, l'ambiance glaçante et oppressante aussi et le final ne manque pas d'un certain éclat... argenté...

Le Voyageur de James Smythe, mon avis est un peu plus mitigé. Et pourtant la matière est là. Après avoir passé toutes les étapes de sélection, le journaliste Cormac Easton obtient son billet pour l'Espace. L'objectif du voyage est simple, aller plus loin qu'aucun être humain ne l'a jamais fait. La conquête de l'inconnu comme nouveau rêve pour une humanité en perte de vitesse. Il faut peu de temps cependant pour que l'odyssée tourne à la déconvenue la plus totale. Tous les passagers meurent les uns après les autres. Ne reste plus que Cormac, isolé dans le vaisseau dans l'attente du retour programmé.
En ce qui concerne

Si le livre est intéressant dans ce qu'il révèle du sentiment d'isolement et de solitude et de ses incidences, notamment dans le regard que Cormac porte sur lui-même, celui qu'il était, celui qu'il est devenu, il m'a manqué quelque chose dans ce roman. Ou plus exactement même si, comme je le disais, l'approche est intéressante, je n'y ai pas cru. Mis à part peut-être à travers ses pensées le ramenant en arrière, vers sa femme Elena et les étapes successives amenant à sa sélection pour faire partie du voyage, la voix de Cormac ne m'a pas touché. Il n'a jamais su me transmettre totalement sa peur ni le vertige de sa fuite en avant dans le néant spatial. Mais tout compte fait, c'est peut-être plus la sensation que tout arrivait à point nommé, en raison de contingences narratives, qui a fini de me laisser à l'écart et fait en sorte que Cormac me reste aussi étranger qu'il s'est révélé l'être pour lui-même.

On finit en beauté même si de beauté, on en voit très peu dans Des noeuds d'acier de Sandrine Collette. Comme on y voit très peu de lumière, peu d'espoir. Il y a pourtant des éclairs de poésie, vite rabattus cependant par l'implacabilité du récit. 

Théo sort tout juste de dix-neuf mois de prison pour un crime commis à l'encontre de son frère. Il n'aura pas le loisir de goûter longtemps à sa nouvelle liberté. Retranché en pleine campagne, il se fait capturer par deux vieillards qui l'enferment dans la cave de leur ferme et se font de lui leur esclave. 

Des nœuds d'acier a ceci de troublant qu'il se passe à notre époque, que les événements qui y sont décrits imprègnent le lecteur aussi bien par leur noirceur que par leur plausibilité. Le calvaire de Théo est palpable du début à la fin du récit, les mots qui l'illustrent sont comme des broyeurs. Ils n'épargnent pas. Ils vont droit au but, ne se jouent pas de complaisance. Il en est ainsi pour le cadre de l'histoire (la forêt, la ferme, la poussière ambiante, les relents de crasse, de merde), pour ceux qui la composent (les vieillards, leurs proches et leurs victimes) que pour ce qu'ils dévoilent : la folie, la cruauté et, bien plus que la confusion, la perte de soi, bien plus que l'humiliation, l'avilissement. Le lecteur, et c'est tant mieux, n'est pas épargné non plus car il est sans arrêt présent à chacune de ces étapes de déconstruction. Il voudrait y aller de son indignation, faire bouger les lignes autant que les actes mais il ne peut rien faire d'autre que d'assister aux outrages dont est victime Théo. Il ne peut que lire et s'émerveiller (!) de la manière dont Sandrine Collette, dont c'est ici le premier roman, a su ferrer son lecteur avec une histoire si glauque et oppressante. La force des mots, encore une fois, le style, la psychologie des personnages avec aussi, dans la balance, le poids des réflexions portées sur les liens fraternels, fragiles jusque dans leur aspect fusionnel, ou sur la violence rurale. 

Pas étonnant donc que Des Noeuds d'acier ait reçu le Grand Prix de la littérature policière 2013... et que mon intérêt se porte aussitôt sur Un vent de cendres, un histoire qui, encore une fois, a l'air de prendre aux tripes.

Voilà c'est fini pour aujourd'hui. Vous devriez maintenant savoir à quoi vous attendre mais j'essaierai de faire plus gai pour la prochaine fois.


Notre-Dame des Loups, d'Adrien Tomas, Mnémos, 2014, 198 p.
Le Voyageur de James Smythe, traduit de l'anglais par Claude Mamier, Bragelonne, 2014, 352 p.
Des noeuds d'acier, de Sandrine Collette, Le Livre de Poche, 2014, 264 p.

3 commentaires:

Lorhkan a dit…

"Notre dame des loups" me tente pas mal, il semble rythmé, bien écrit, et utilisant un procédé narratif qui fonctionne bien.
Sauf qu'a priori il est très court. Je crois que j'attendrai une version poche, mais merci pour cette piqûre de rappel ! ;)

BiblioMan(u) a dit…

Y'a pas de quoi ! J'avoue que la brièveté du livre m'a tout à fait convenu, d'autant que la densité et l'intensité sont tout de même là.

Julien le Naufragé a dit…

SJ'ai un peu le même ressenti pour le Smythe. Bof quoi.

Je connaissais pas le troisième titre. Intéressant.

Le premier, je me l'offre au festival Trolls et Legendes