26/07/2008

La Déclaration : l'histoire d'Anna / Gemma Malley

Anna est une Surplus, une enfant qui n'aurait jamais dû naître. D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle a toujours habité le foyer de Grange Hall, en compagnie d'autres enfants dont les parents ont bafoué la loi en les laissant voir le jour. Car en 2140, les Hommes ont trouvé le chemin de l'immortalité et pour rien au monde ils n'y renonceraient.

Anna et ses condisciples on subi un véritable lavage de cerveau qui a consisté à leur ôter tout sens critique, tout esprit de rébellion. Pas un seul instant ils ne doutent de leur nullité, de leur inutilité. A leurs yeux, les parents qu'ils n'ont jamais connus, sont des êtres insouciants et abjects. Des fautifs.

Anna est une des Surplus les plus rigoureuses. Elle accomplit ses devoirs de déléguée comme nulle autre. Pourtant, cela ne veut pas dire qu'elle est à l'abri des erreurs. La première, elle la commet en acceptant un carnet que lui offre une immortelle plus sensible que ses pairs chez qui elle a remplacé une servante malade. A la suite de quoi elle écrit ses pensées, y prend un plaisir qui occulte sa honte de braver l'interdit. Inacceptable de la part d'une Surplus...

C'est le début d'une spirale infernale qui se déchaîne d'autant plus avec l'arrivée d'un garçon qui lui dit la connaître, elle et...ses parents.

Avec la Déclaration, on est vraiment très proche du Auprès de moi toujours de Kazuo Ishiguro. On y trouve le pensionnat, ses élèves parqués là pour servir la cause d'une humanité qui s'est perdue en cours de route et qui se planque derrière ses acquis tout en se donnant bonne conscience.

Dans le roman de Gemma Malley, destiné dans un premier temps aux adolescents (mais hautement recommandable aux adultes!), l'histoire et les personnages se combinent à merveille. Ils dressent un monde à la cohérence glaciale, une atmosphère saisissante pour un roman...prenant!

20/07/2008

Du balai ! / Ed McBain

A ce jour, je n'avais jamais lu un seul Ed McBain, pas même sous l'un de ses pseudonymes. Voilà, c'est dit, révélé, avoué, on ne va pas s'appesantir sur ce sacrilège.

Il en aura quand même fallu du temps, me direz-vous car quand même, le Ed, c'est pas n'importe qui. A la force de ses romans, il s'est imposé comme un classique parmi les classiques de la littérature policière. On ne peut pas le louper. Que ce soit dans les librairies, les bibliothèques, vous le trouverez toujours, incontournable, notamment avec les enquêtes de la Brigade du 87e District.

Du Balai ! s'inscrit dans cette série qu'Ed McBain avait envisagé de la manière suivante : " L'idée première c'était de faire d'une brigade d'inspecteurs un héros collectif. Je voulais décrire avec précision la journée de travail des flics d'une grande ville et créer une demi-douzaine de personnages dont la personnalité et les traits de caractères variés formeraient, en se conjuguant, un héros unique. A ma connaissance, cela n'avait jamais été fait. Je pensais que cette idée me permettrait d'incorporer de nouveaux venus quand le besoin s'en ferait sentir, d'ajouter leurs qualités ou leurs défauts particuliers au mélange déjà existant, tout en me débarrassant de ceux qui ne me paraîtraient plus indispensables. Le héros, c'était la brigade du 87e district."

Il ne fallait pas moins que l'intégralité de ces éléments humains et de ces perspectives d'écriture pour m'amener à pousser les portes de ce poste de police. Après celui de la bourgade évoquée par Donald Harstad dans Onze jours, j'allais suivre les pérégrinations, les troubles et les enquêtes au jour le jour de nouveaux inspecteurs, dans un contexte différent cette fois-ci. Par ailleurs, je m'étais également dit qu'il faudrait bien que je découvre l'univers d'Ed McBain par moi-même et non plus par l'idée que l'on se fait, presque malgré soi, d'un classique. Ce n'est pas parce qu'un auteur est archi-connu, qu'on en a entendu parler tant et plus par des sources diverses, que l'image que l'on s'en est faite est juste. Rien ne vaut une immersion personnelle ! C'est d'ailleurs ainsi que j'ai découvert les romans d'Alexandre Dumas et que régulièrement me prennent de grosses envies de retrouver sa prose et son souffle incroyables. Une fois de plus, je m'égare...mais...quand même...le Comte de Monte-Cristo ! Hein ? C'est pas merveilleux ça, comme histoire ? Là, on a tous les ing...

Oui, donc... Du Balai ! aura été une agréable découverte qui appelle à lire les autres ouvrages pour s'approprier la comédie humaine qu'Ed McBain a voulu ériger. Bien qu'il ait été écrit en 1956, le livre fait preuve d'une actualité confondante même si l'on y trouve un léger côté désuet qui n'a pour autant rien de rebutant. A travers une série de meurtres de policiers du 87e district, McBain explore la ville de New-York, ses fléaux, le poids et la perversité de la presse ainsi que les mouvements d'une société en crise, en pleine mutation.

En dehors de ces aspects, on serait en droit de se demander : "Et l'histoire dans tout ça, elle vaut quoi ?". Parce que c'est bien beau d'aborder telle ou telle thématique, si l'histoire ne tient ni en haleine ni ne tient la route, ciao et à jamais...

Mais Ed McBain n'est pas devenu un classique pour rien et je vous invite vraiment à lire ne serait-ce que le premier chapitre de Du balai !. Vous verrez qu'il en faut peu pour avoir envie de connaître le fin mot de l'histoire, un sentiment qui persiste tout le long du bouquin. Une lecture ma foi bien agréable, même si l'on ne crie pas encore au chef-d'oeuvre.

11/07/2008

Carnivore express et Palazzo maudit / Stéphanie Benson

Europe, 2020. Un futur pas si lointain, peu de changements : des avancées technologiques dans l'ordre du temps, un TGV devenu un TTGV (Train à Très Grande Vitesse) circulant un peu partout dans l'Union, les hommes respirant un air un peu plus pollué et....le crime qui, s'il ne paie pas toujours, est encore d'actualité. Le crime et ces grosses entreprises ou ces groupes d'hommes qui n'hésitent pas à écraser et sacrifier n'importe quel quidam pour s'en mettre plein les fouilles. Le nerf d'une guerre interminable. Du profit, encore du profit, toujours du profit. Une chasse incurable qui participe à la folle ruée dans le mur.

Ah, si, comme changement notable, on peut citer l’apparition de Tommy, une intelligence artificielle – il se présente ainsi en tout cas – qui recrute les agents d’EPICUR (European Police Investigatory Crime Unit Reserve), une unité d’élite d’enquêteurs d’Europol. Ceux-ci, triés sur le volet dans plusieurs pays, utilisent leurs compétences respectives pour mener à terme des enquêtes de grande ampleur.

Dans Carnivore express, suite au décès maquillé en suicide d’un policier britannique intervenu sur les lieux d'un accident ferroviaire douteux, Tommy lance ses agents sur une sombre affaire aux implications redoutables.

Changement de décor pour Palazzo maudit où Venise est à l'honneur. Un maçon est retrouvé dans les eaux, assassiné, la tête explosée par une balle...explosive. Ce qu'il avait découvert sur son dernier chantier n'était pas au goût de tout le monde.

Parfois, à trop voir les inspirations d'un écrivain, à trop penser à d'autres histoires télévisuelles ou littéraires, on pourrait croire qu'une intrigue est vouée à s'échouer sur les rives de l'oubli, ou pire, à se briser sur les récifs du désintérêt. Ce n'est vraiment pas le cas ici et puis de toute manière, c'est bien connu, les lecteurs voient parfois tout et n'importe quoi comme ça les arrange, quitte à se retrouver à une tablée et à vous ennuyer à mourir en vous expliquant la signification symbolique d'un éternuement (le tout d'une longueur exaspérante, cela va de soi) à la quatorzième page d'un auteur à la mode quand ce dernier n'a voulu illustrer qu'un...éternuement. Hé, oui, un écrivain n'a pas forcément d'intention derrière chaque mot, chaque situation...

Tout ça pour dire qu'en l'occurence, je reste un lecteur qui serait prêt à vous parler très longtemps des dessous de l'oeuvre de Stéphanie Benson et qu'il se pourrait très bien que j'ai tout faux sur toute la ligne. De la perte de confiance du super-héros...

Néanmoins, donc, en ce qui concerne les deux premiers ouvrages de la série EPICUR, je n'ai pu m'empêcher de penser à la célèbre série télévisée, revisitée plus tard par le cinéma, mode oblige, j'ai nommé : Mission Impossible ! Pour les décors (à Venise plus particulièrement et pour la description qui est faite de cette brume impénétrable) et la réunion des pesonnages évoluant plus ou moins à couvert en fonction des situations.

Et puis, bien sûr, j'ai pensé à MACNO, d'autant plus que Stéphanie Benson avait participé à cette courte aventure littéraire. Pour ceux qui ne connaîtraient pas MACNO, c'est, c'était à la science-fiction ce que le Poulpe est au polar, un empêcheur de tourner en rond, un redresseur de torts et, accessoirement, un casse-couilles de première. Les volumes qui sont parus n'étaient franchement pas très prenants ni intéressants. Mais du coup, j'ai eu le sentiment, jusque dans la construction du récit, que Stéphanie Benson avait voulu perpétuer cette aventure à sa sauce. Et grand bien lui en a pris: pas de fioritures, les affaires sont parfaitement traitées, les personnages, leur vie, évoluent au fil des tomes et l'on se plait à les suivre. Les romans sont courts et maîtrisés, jusque dans la dénonciation des travers de notre société et de ces pourritures qui ont perdu tout sens moral et humain, complètement déconnectés de la réalité, pour lesquels seul importe l'accroissement des chiffres sur leurs comptes en banque.

A en avoir les poils qui se hérissent !
Les autres titres de la série:

07/07/2008

Falaises / Olivier Adam

Dès les premières pages de ce roman vous êtes emporté dans la vie d'Olivier Adam. Ses mots, ses phrases sont simples, rien n'est plus entier. Il décrit sa vie comme étant son propre spectateur. Son existence pourrait paraître glauque et sombre, de part les expériences qu'il a pu traverser. Or son roman est empli de poésie, embué de mélancolie.
On s'attache à lui, à ce qu'il a pu vivre, on n'arrive pas à refermer ce livre, sans y laisser une part de nous même.
A travers sa souffrance, ses deuils qu'il ne parvient à faire, c'est un hymne à la vie qu'il nous offre.
Olivier Adam : « Je suis une nuit noire, une bordure de falaise, une vie noyée, avec vue sur le vide et sans vertige. », pour quelques pages plus loin le lire aimer la vie et le plaisir qu'il ressent de voir les gens heureux.
On sent qu'il revient de loin et on a envie de l'aider, le porter.
Dans ce roman Olivier Adam apprend la vie en compagnie des morts. Parfois tout ne tient qu'à un fil, qui est celui de savoir faire le deuil. A travers son histoire, on peut se poser la même question : ne reproduisons-nous pas toujours les mêmes rencontres jusqu'au jour où nous comprenons que nous répètons les même choses et que ce n'est pas une malédiction.
Nous entrons souvent dans une spirale et pensons que cela nous colle à la peau. Mais nous sommes les initiateurs de nos propres faiblesses, et de nos propres schémas de vie. Il suffit simplement qu'un seul chaînon se brise à un moment opportun pour que l'on puisse enfin exister autrement: « je tentais de briser le cercle morbide, de m'affranchir du malheur et la dépendance... »
A la fin de ce roman apparaît cette petite lueur d'espoir, elle amène de nouvelles rencontres, une nouvelle vie.
Si vous êtes en manque d'émotions, que vous avez oublié d'exister. Lisez Olivier Adam !!!