29/09/2008

Skully Fourbery / Derek Landy

Cela faisait maintenant plusieurs mois que votre cher et dévoué super-héros avait annoncé le billet concernant Skully Fourbery. Des mois que la couverture s'affichait sur cette page, sorte d'icône inébranlable, indéboulonnable, que ceux qui ont l'habitude de venir traîner leurs guêtres ici ne remarquaient même plus. Skully Fourbery, c'était à BiblioMan(u) ce que l'album n°5 a longtemps, très longtemps, été à Gaston Lagaffe : une chimère, un mirage voué à le rester, une bonne blague.

Au départ, j'avais parlé d'une expérience concernant la lecture de ce bouquin et, d'une certaine manière, c'en était véritablement une, qui m'enchantait, qui plus est. Depuis le temps, les habitués se sont peut-être dit que je m'étais amusé à ne lire qu'un mot par soir, une manière comme une autre de s'amuser à jouer sur la mémoire...ou de perdre son temps en futilités. Après tout, on ne manque pas d'expérimentations débiles ici-bas...

En fait, au moment où nous avons débuté la lecture de Skully Fourbery, je m'étais imaginé écrire cette chronique de la manière suivante (à noter que le premier chapitre était de bonne augure.): A l'heure où la nuit survient, quand l'appel cathodique se fait sentir, ne cédez pas. Prenez plutôt un pré-adolescent, voire même un adolescent, et proposez lui une séance de lecture à haute-voix de Skully Fourbery. Vous verrez que dès les premières pages, l'intérêt pour cette aventure se fait très vite sentir et qu'il devient dès lors très difficile de ne se cantonner qu'à un seul chapitre quotidien.

Ensuite, il m'aurait incombé, ou même au pré-ado - il s'agit d'un garçon en l'occurrence -, tant qu'à faire, d'expliquer pourquoi. Seulement l'enthousiasme s'est très vite tari bien que nous nous soyons accrochés, sans cesse en attente d'un sursaut d'intérêt. Au milieu de tout ça, vous rajoutez des vacances, des nuits passées chez les copains, les grands-parents, des devoirs à gogo, des pas ce soir, et c'est le décrochage complet.

Alors forcément, je serais bien en peine de vous raconter l'histoire convenablement, elle ne nous a que très peu emballés et nous avons fini par n'en garder qu'un souvenir infinitésimal. Celui-ci se restreint en effet aux deux personnages principaux, Skully et Stéphanie, dont la relation qu'ils entretiennent et les répliques qui l'ont consolidée nous ont parfois bien amusés.

Enfin, j'avoue avoir été désappointé par l'alternance systématique de scènes d'actions et d'explications laborieuses, trop longues, le tout empaqueté dans un style bien poussif. Un aspect accentué par la lecture à haute voix, où il me semblait que certaines lourdeurs et autres répétitions sautaient à l'oreille de l'auditoire. Un petit exemple:

Le filin glissa de nouveau. Il allait se détacher de la gaine d'aération et ce serait fini. Elle se précipita, saisit le filin à deux mains et tenta de le retenir, mais en vain. Elle se redressa, appuya sur le filin avec la semelle de ses bottes et utilisa tout son poids pour l'immobiliser, sans que cela ait le moindre effet. Cherchant du regard ce qui pourrait l'aider, elle avisa le sac et se jeta dessus. A l'intérieur, il y avait juste un autre filin.
Elle s'en saisit et se laissa tomber et se laissa tomber à genoux pour attacher ce filin à celui qui était déjà fixé au harnais. Son père lui avait appris à faire toutes sortes de noeuds quand elle était petite et, même si elle avait oublié les noms de la plupart d'entre eux, elle savait quel était le noeud adapté à la situation.
Ayant ajouté ce nouveau filin au premier, elle chercha quelque chose pour l'attacher. Il y avait une autre verrière juste devant elle. Elle y courut, passa le cordage autour du socle en béton et le bloqua, juste au moment où le premier filin se détachait violemment du conduit d'aération. Le filin de secours se tendit avec un claquement sec, mais il tint bon.

Au terme de la page, j'entendais comme un écho. Filin par ci, filin par là. Ma langue s'était empêtrée.

Arrivés à 150 pages de la fin, au bout de six mois de lecture, nous avons décidé d'un commun accord de nous arrêter. Nous n'évoquons plus l'épisode Skully Fourbery. Quand le soir vient, on se dispute le programme télé. Si c'est pas une honte !

24/09/2008

Malavita encore / Tonino Benacquista


se foutre des consignes comme de sa première ligne de coke... ne (surtout) pas s'embarrasser de scrupules... se vautrer en quasi permanence sur un transat au bord d'une piscine chauffée... torturer grossièrement son garde-du-corps-fin-et-lettré... éviter la perte de poids par une alimentation chic et riche et (le plus souvent possible) chère... pratiquer un farniente* de pointe au frais de la princesse america*... bref, le quotidien de gianni manzoni, alias fred wayne, alias lazlo pryor, mafioso* repenti et planqué en france par le gouvernement américain, n'est, a priori, pas des plus éreintant... tss, tss, ais-je envie de dire, apparences que tout ceci. en réalité, les jours et les nuits de notre ami sont traversées par d'infinies angoisses, de sombres doutes, de tortueux questionnements, ces souffrances communes à nombre de pères de famille (ici, entendre ce terme dans plusieurs sens n'est pas une erreur d'appréciation) démissionnaires, maris délaissés par des femmes soudainement soucieuses d'émancipation, italiens bon teint farouchement attachés à l'indépendance du commerce de proximité...
bon. je l'admets, j'ai une fâcheuse tendance à nourrir une douteuse tendresse pour les mafiosi* dépressifs (ce qui, en passant, me laisse perplexe sur mon degré d'intégrité morale). mais quand bien même ces gens vous rebuteraient (au point de tout ignorer du pourtant incontournable tony soprano, par exemple), commettez donc l'écart de vous plonger dans malavita encore. juste pour la franche rigolade, tiens, pourquoi pas ? c'est bon de rire parfois (me chantonnent les nuls, inopportunément, je l'admets aussi, dans le creux de l'oreille)...
... et pour finir, une petite pensée pour l'agent du fbi chargé de l'organisation de cette planque dorée depuis 10 ans, l'inénarrable agent tom quint ! et excusez l'avalanche d'adjectif... je ne sais pas ce qui m'a pris... la salsa que j'écoute en boucle depuis mon réveil peut-être... (quel rapport, me direz-vous ? hé bien, aucun vous dirais-je... (mais cessons là ces parenthèses, on dirait du philippe jaenada !))


nota bene : les mots en italique suivi d'une astérisque sont en italien dans le texte
post sriptum : nota bene est un mot latin, et non italien, comme post scriptum d'ailleurs (me sussure l'homme-fin-et-lettré-qui-garde-mon-corps (mais je ne m'avancerai pas plus loin sur cette pente glissante, don't care))

22/09/2008

Regard violet / Stephen Woodworth

Regard violet aurait pu être un film. Prenez la couverture, par exemple : un halo sombre entoure un bout de visage en noir et blanc, avec pour seule couleur un violet emplissant l'iris de l'oeil. Joli. On trouve même une petite phrase dont les affiches de films sont coutumières : Je peux voir comment il les tue. Efficace. Il ne manque plus que la distribution et autres mentions filmographiques au dessous du titre.

La comparaison aurait pu s'arrêter là. Mais non. Car l'ensemble de Regard violet est écrit avec un style très, trop, descriptif et le découpage narratif ne peut que faire penser à un film. Sauf qu'en l'occurence, il s'agit d'une série Z dont la diffusion aurait eu tout à fait sa place le dimanche après-midi à la télévision, comme certaines chaînes savent si bien les programmer.

C'est bien dommage puisque après ma précédente et décevante lecture, j'étais tout disposé à me laisser séduire par ce Regard violet qui me faisait les yeux doux depuis sa parution (1). Quoi ? Pourquoi ça ? (2) Eh, on n'est pas dans un bouquin de Jasper Fforde, les gars, alors les petites notes de bas de page, merci de filer à l'anglaise ! (3)

Comme je l'annonçais dans la rubrique "Chroniques à venir", l'histoire était vraiment alléchante. Des individus avec des yeux violets capables de faire revenir les morts témoigner contre leurs assassins. Le potentiel était énorme. Et l'intérêt ne s'arrêtait pas seulement à cet aspect, puisque sur ces bases, on apprenait qu'un tueur en série avait décidé de supprimer tous les Violets.

Je l'ai déjà mentionné, le livre est trop descriptif et de ce fait, l'intrigue peine à démarrer. On tient là tout un ensemble de personnages en 2D, pas vraiment fouillés. On peine même à se familiariser à eux tant les éléments dont nous disposons à leur égard, passé, humeurs, préoccupations, semblent convenus. Pas de surprise, pas d'emballement. Une nouvelle fois, de la longueur pour un roman finalement assez court. Un livre qui se laisse à peine voi...lire.
(1) : Effacer ceci
(2) : Jeu de mot de qualité douteuse.
(3) : Alors là, vraiment, vraiment douteux, les petites notes se barrent !

14/09/2008

Les Démons de Dexter / Jeff Lindsay

J'étais prêt. Oui, j'étais prêt, définitivement prêt à sortir l'artillerie lourde, à savoir le dictionnaire encyclopédique des superlatifs. J'étais même tout disposé à en inventer quelques uns, histoire d'illustrer l'intérêt croissant que j'avais porté à Jeff Lindsay et à son héros ambivalent, Dexter.

Trois mois venaient de passer depuis le jour où j'avais appris que le troisième tome allait enfin paraître. Trois mois que j'attendais avec une impatience toute juvénile, que mon portefeuille vibrait sous mon costume, en proie à une fébrilité que je ne lui connais guère. Trois mois, enfin, que je battais le rappel à droite et à gauche, auprès de tous ceux à qui j'avais vivement conseillé de lire Ce Cher Dexter et le Passager noir (rebaptisé Dexter revient lors de sa sortie en poche), que je laissais des post-it sur le bureau de mes collègues de travail: "Tremblez. Bientôt, Dexter se rappellera à vous...".

Sans nul doute, il s'agissait là des séquelles laissées par l'enchantement de la lecture des premiers tomes : maîtrise parfaite des intrigues, un narrateur dont l'absence totale d'émotion ne peut laisser indifférent et, cerises sur le gâteau, un humour et un cynisme ravageurs. Une alchimie si évidente que les studios américains ne s'y sont pas trompés en faisant de Dexter, une excellente série.

De fait, je n'ai pas pu m'empêcher de me poser la question suivante : Dexter, victime de son succès télévisuel ? Car ce troisième tome est une bien belle daube des familles, qu'on se le dise.

Ce n'est pas dans mes habitudes de parler ainsi d'un livre mais là, franchement, difficile de faire autrement. Dans cette histoire, Dexter n'a pas seulement perdu son Passager noir, cette entité indispensable à l'exécution de ses crimes. Il s'est aussi défait de tous ses attraits pour finalement revêtir un costume dont la trame est composée ainsi : 40% grand-guignolesque - figurez-vous que c'est confirmé, les enfants de la compagne de Dexter, brisés, ont en eux le même potentiel pour devenir des tueurs en série et insistent pour que leur beau-père se décide à les initier -, 30% stupidité - l'un de ces mêmes enfants voit les ombres noires planer au dessus des gens très très méchants - 20% absurdité - Dexter succombe aux notes de musiques sacrificielles résonnant dans sa tête et se livre naturellement à ses kidnappeurs - 10% vide -

-.

On ressort de cette lecture avec le sentiment que Jeff Lindsay a bataillé dur pour donner un semblant de forme à tout ça. Il n'aurait pas dû se donner cette peine.

05/09/2008

Swap / Antony Moore

Quoi de plus banal qu'un échange entre gamins ? La plupart du temps, on oublie bien vite l'objet de ces tractations, ou bien l'on s'en rappelle avec un parfum de nostalgie. Harvey, lui, cela fait vingt ans qu'il y pense, à son échange, vingt ans qu'il se mord les doigts d'avoir négocié le Superman numéro un contre un vulgaire morceau de plastique tout juste bon à couper l'herbe. Depuis ce jour, il vit avec le secret espoir de remettre la main sur cette bande dessinée dont la valeur a atteint de tels sommets qu'elle lui permettrait dès aujourd'hui de quitter sa librairie BD pour ouvrir un coffee house à New-York, avec des murs peints de super-héros.

Alors quand il se rend à la réunion des anciens élèves, le 20ème anniversaire, Harvey espère une fois de plus que Bleeder le Bizarre sera là, que l'occasion lui sera enfin offerte de l'interroger, quitte à tirer un trait sur le regret de l'échange. Et de vivre enfin... Si simple sur le papier, mais voilà, Harvey, la simplicité, connaît pas...

Il suffit de peu de pages à Antony Moore pour camper le ton et l'ambiance qui jalonneront l'ensemble de Swap. Une unité et un univers que l'on se complait à parcourir pour la simple et bonne raison que l'humour, so british, parfois bien noir, en constitue une particule élémentaire.

Les amateurs de Nick Hornby et de son Haute fidélité ne sauront être insensibles aux personnages qui font vivre ce roman. Peut-être parce qu'on y trouve un petite boutique ouverte aux passionnés et un vendeur (quel vendeur!) ô combien loufoque, si drôle et qui, même s'il n'est pas toujours présent, apporte son équilibre au livre.
Et puis il y a Harvey, le grand enfant dont la maturité semble s'être figée au moment de l'échange. Une impression qui se confirme jusque dans les relations qu'il entretient avec ses parents et dont le lecteur se trouve être le bienheureux spectateur.

Oui, à tout bien considérer, il s'agit bien là d'un spectacle, très visuel, ponctué de scènes hilarantes, à la frontière d'un absurde tout en finesse -bon sang ! Ce passage où Harvey, pourtant dans une situation désespérée, rechigne à rajouter une pièce dans le combiné téléphonique parce qu'il lui reste si peu à parler...un véritable régal!- et que l'on quitte en applaudissant mentalement. Car il y a l'humour, c'est une chose, mais autour des hommes et de leur mise en échec, dans leur volonté d'exister aux yeux des autres, il y a aussi une sensibilité et une émotion qui confèrent à Swap une dimension tout à fait singulière. Un bien beau mélange, en somme...