14/01/2015

Revanche / Pothier & Chauzy

Tout le monde le sait, le voit, le ressent dans sa vie de tous les jours. Le pognon a pignon sur rue et y'en a qui s'en foutent plein les pognes sur le dos des autres, ces autres qui se retrouvent sur la paille sans avoir le temps de dire bye bye. Pas une radio, pas une télé ne s'allume sans que le mot « économie » ne soit prononcé, sans que la dette ne pèse un peu plus sur nos épaules, sans que la crise ne se rappelle à nous sous de multiples fards. Et pendant ce temps, il y a les paradis fiscaux, les parachutes dorés, les courses au profits, les "Gatazeries" dont on aimerait qu'elles ne soient que des plaisanteries issues d'une fiction improbable, ou même les petites phrases d'un jour qui soufflent de navrantes et peu glorieuses polémiques, l'une chassant l'autre avant de retomber dans l'oubli.

Alors plutôt que de sombrer dans la morosité la plus totale, Pothier et Chauzy ont décidé de recontextualiser les travers de certains nantis, de venger leurs victimes en leur faisant croiser la route de Thomas Revanche. Revanche a une double-casquette. Le jour il est l'assistant de la présidente du MODEF, l'organisme des entreprises de France, et la nuit, il se transforme en redresseur de torts. Revanche n'y va pas par quatre chemins, il fonce dans le lard sans oublier les gros lards, répare les injustices. En échange de son aide, chaque personne secourue lui doit un service, toujours utilisé pour redresser les abus qu'on ne manque pas de lui faire remonter.

 Les conditions de travail, le harcèlement moral, la mysoginie, les parachutes dorés, l'exploitation
commerciale, ce sont là quelques uns des aspects abordés dans cette bande dessinée. Pothier et Chauzy auraient pu en tirer un album noir, un album très noir pour peu qu'on prenne en compte toutes les réalités tragiques dont notre époque se fait l'écho. Cela aurait bien entendu pu être brillant. Mais pour évoquer ces fléaux contemporains, ils ont préféré adopté une tonalité à dominante comique. Oui, vous allez bien rire en parcourant cette bande dessinée. Rire, parce que la caricature est savoureuse. Si le trait des pleins de fric hypocrites et bouffis de suffisance est on ne peut plus appuyé, au point de les rendre tous plus pathétiques les uns que les autres, la revanche de Revanche est toujours jubilatoire ! On la reçoit avec un plaisir non coupable comme on savoure une friandise aux accents Proustiens. On se met à la place du justicier, on envoie paître les convenances, on laisse libre court à nos épanchements les plus primaires, et on y va de nos taloches et autres coups de crosse au système. Ça fait du bien... Si,si, si... ça fait du bien. C'est un peu comme si vous vous laissiez partir dans une bulle, imaginaire bien-sûr, dans laquelle... dans laquelle, bon vous m'avez très bien compris, il s'agit de ce que vous pourriez faire au voisin du dessus qui donne dans la boîte nuit parallèle, à votre patron ou même à ce collègue de travail, ce boulet qui a su faire fructifier sa connerie comme personne (entre parenthèses, Revanche de manque pas de collègues de cet acabit au MODEF, c'est du gratiné, croyez-moi !) 



Pour conclure, ce n'est pas pour rien si, au début du deuxième tome, Raison sociale, Revanche apparaît en costume de Superman. La vision allégorique est là, tendant à démontrer que le poids des injustices à atteint un poids tel que les super-pouvoirs deviennent indispensables pour les éradiquer. J'allais dire pour les éradiquer tous, mais bon... il faut savoir raison garder. Pour continuer sur cette ligne du super-héros tel que nous la concevons aujourd'hui, Revanche a ses moments de doute, relatifs au caractère vain de sa mission. Cette approche rend sa démarche d'autant plus authentique. A l'image de celle de ses créateurs, Pothier et Chauzy, orfèvres du tragi-comique d'intérêt public !

Revanche, tome 1 : société anonyme, de Pothier & Chauzy, Glénat (Treize étrange), 2012, 48 p.
Revanche, tome 2 : raison sociale, de Pothier & Chauzy, Glénat (Treize étrange), 2013, 48 p.