25/06/2009

Miserere / Jean-Christophe Grangé, texte lu par Jacques Chaussepied

Un chef de chorale assassiné, le tympan éclaté, dans une église arménienne. Puis, d'autres meurtres dans la foulée, tous liés les uns aux autres selon des mises en scènes macabres. Lionel Kasdan, un policier à la retraite et Cédric Volokine, un inspecteur en cure de désintoxication, sont invités presque malgré eux à faire cause commune dans cette enquête dont les premiers éléments laissent penser que des enfants seraient à l'origine des meurtres.

Y'a pas à tortiller. Maintenant, chaque fois que Jean-Christophe Grangé sort un bouquin, il est plus ou moins attendu au tournant. Son dernier sera-t-il à la hauteur des précédents ? Ou bien à la hauteur de celui qui, à nos yeux, tient le haut du pavé ? Pour certains la référence sera Le Vol des cigognes , pour d'autres La Ligne noire... Pour avoir un aperçu de ce phénomène, il suffit d'aller voir les discussions sur le forum dédié à l'auteur en particulier, et au roman policier en général, pour se faire une idée du phénomène.

Sans me considérer comme un fan de Grangé, j'ai régulièrement pris du plaisir à lire certains de ses livres, la plupart du temps pendant les vacances. Allez, balançons les mots, hein, après tout, quitte à me faire des ennemis, tout ça n'est ni plus ni moins que de la très bonne littérature de plage, bien faite, travaillée, efficace, avec ce qu'il faut de dépaysements, de rebondissements, et de noirceur aussi. Avec toutefois un petit bémol pour les fins, lesquelles sont parfois un peut tirées par les cheveux, voire complètement ridicules (mais je suis mauvais en disant cela car mes propos concernent exclusivement Le Concile de pierre où le dénouement m'a fait remettre en question l'intérêt que j'avais pu porter jusque là à l'histoire...). A mettre au crédit de Grangé, il n'était jusqu'à présent jamais tombé dans les travers de clôture des thrillers : scène d'action à rallonge amenant au dénouement de l'histoire, explication parce qu'il le faut bien quitte à donner des détails que l'on ne s'enquiquinerait pas à donner dans la réalité, et rapatoum, re-scène d'action à rerallonge, coups de poings, pieds, tirs échangés, mort ou capture du méchant mais attention, en fonction du choix adopté, il pourrait s'en tirer pour un tome à venir, épilogue, ouf !

Alors pour ceux que ça intéresserait et pour me prêter moi-même à ce jeu inévitable des comparaisons, Miserere n'est pas à la hauteur de La Ligne noire ou du Serment des limbes. Il y a malheureusement des défauts redondants et parfois irritants qui viennent à l'occasion plomber l'ambiance. Grangé l'a prouvé, il sait écrire ses histoires, mais ici, il a semble-t-il cédé à la facilité : en poussant le trait sur certaines descriptions, en lardant son récit d'éléments trop gros pour être crédibles (en ce qui concerne le passé du jeune inspecteur Volokine par exemple), et en usant de ficelles qu'il a déjà eu l'occasion d'utiliser. Sans parler du fait qu'on a parfois l'impression d'avoir ouvert le dictionnaire des acronymes des services de police française et que chaque arme au bout du bras des personnages se voient l'objet d'une description de leurs caractéristiques techniques. Bon, ça remplit mais on s'en fout. Comme on se fout aussi du bavardage d'un ancien général sur son élevage dont on imagine mal des inspecteurs écouter la teneur quand on connaît leurs préoccupations du moment.

Et pourtant, malgré tout cela, ça fonctionne. Bien, même. Eh oui, Grangé a la faculté de faire avaler quelques couleuvres grâce à l'ambiance qu'il installe d'emblée et au mystère planant,que l'on se complait à pénétrer, en redoutant le point culminant à venir.

Une fois l'écoute terminée, les derniers mots résonnant à mes oreilles, j'ai pensé que Grangé se foutait de moi mais, à la réflexion, la fin est plutôt intéressante. Elle n'est pas conventionnelle – bon cette fois-ci, on a quand même la scène d'action / explication / action / ah bon ? c'est possible une telle pirouette et… la fin – mais si la démarche peut désarçonner, il n'empêche qu'elle se justifie pleinement. Grangé termine son roman sur une note qui reste en suspens, et pour un livre dont la musique et la voix sont au centre de tout, je trouve ça vraiment pas mal du tout.

La tension qui habite cet ouvrage est en tout cas renforcée par la voix grave et caverneuse de Jacques Chaussepied, avec laquelle je me suis familiarisée, quand elle fredonnait des mots d'angoisse et se faisait l'intermédiaire d'événements effroyables, ou quand elle m'a surpris en citant mon prénom accroché à mon nom de famille au détour d'un chapitre (anecdote peut-être mais surprise de taille pour le super-héros que je suis, persuadé alors d'avoir été percé à jour dans un moment de faiblesse).

A force d'écouter des livres lus, je me rends compte qu'il m'est difficile de mesurer l'impact de la voix sur la perception de l'oeuvre elle-même. Mon impression aurait-elle été la même si j'avais lu Miserere de mes propres yeux ? A voir, mais l'accès de plus en plus étendu des oeuvres littéraires sous ce format vaut vraiment le détour. Voyez, je vais même m'inscrire à une formation sur les textes lus pour les super-héros, dans le but d'améliorer mon pouvoir auditif, pas toujours très au point...

Miserere / Jean-Christophe Grangé, texte lu par Jacques Chaussepied, Audiolib, 2 CD mp3, 17 h 30 min.

La Route de tous les dangers / Kris Nelscott

Avec La Route de tous les dangers, Smokey Dalton signe sa première enquête. Ce sera la dernière pour moi. Voilà un livre dont je me disais qu'il serait bon de lire un jour ou l'autre, par curiosité. Parce que l'époque où est située l'action – au lendemain du meurtre de Martin Luther King – m'intéresse mais aussi pour découvrir l'auteure qui écrit aussi de la science-fiction et de la fantasy sous le nom de Kristine Kathlyn Rusch. Quelque part, je trouvais également étonnant de ne pas avoir de retours réguliers de ces enquêtes, que ce soit par la presse ou par les lecteurs eux-mêmes.

Aujourd'hui, je comprends un peu mieux pourquoi même si, je me garderai bien d'affirmer que le livre est sans intérêt. Non. En fait, il est plutôt lent, ce qui ne serait pas forcément un défaut si cette lenteur ne s'accompagnait pas d'un manque total d'originalité au niveau de l'intrigue – la belle jeune femme blanche cherchant à savoir pourquoi sa mère a légué au détective une partie de sa fortune, lequel détective tombe vite amoureux de sa cliente - et d'un flou sur la photographie que l'auteur entreprend des rapports entre les blancs et les noirs à cette époque, aux Etats-Unis. Pas inintéressant en soi, ce dernier aspect ne m'a pourtant jamais convaincu dans sa mise en perspective. Un ton un peu trop vieillot apporté à l'ensemble ? Un mélange mal dosé entre roman noir et approche historique et social ? Difficile de mettre exactement le doigt sur ce qui n'a pas favorisé mon adhésion à la Route de tous les dangers.

Seulement pour ne rien arranger non plus, j'ai été surpris par la lourdeur de certaines phrases et, pour la première fois, n'étant pas un grand spécialiste de la question, je me suis franchement demandé si la traduction n'était pas parfois un peu bancale.

Je passe donc mon chemin sur les prochaines enquêtes de Smokey Dalton, avec regret quand même, parce que la matière était là. Dommage.
La Route de tous les dangers, Kris Nelscott, traduit de l'américain par Luc Baranger, Editions de l'Aube (Aube noire), 432 p.

13/06/2009

Le Poulpe. D'amour et dope fraîche / Caryl Férey et Sophie Couronne

Décidément, les temps sont durs pour le Poulpe. Pas moyen de respirer, d'être tranquille deux minutes. Quand ce n'est pas lui qui traque les injustices dans les lignes des faits divers du Parisien au Pied de Porc à la Sainte Scolasse, ce sont les mystères qui viennent se mettre en travers de sa route. Enfin... de sa route. De sa ballade plutôt. Car le Poulpe est en convalescence, exilé à Font-Romeu où on le remet d'aplomb dans un centre de thalasso. Sciatique. Alors, histoire de prendre l'air, il se promène – avec des canettes de bière comme kit de survie, bien sûr – dans la montagne pyrénéenne. Et en lieu et place d'animaux, voici un grand black sprintant à travers sentiers et fourrés comme un malade, jusqu'à la chute fatale au fond d'un ravin. Un événement qu'aucun média, local ou national, ne se fait l'écho. Une affaire suffisamment louche pour que le Poulpe s'ébroue à nouveau et se remette à jouer de ses bras à rallonge.

Cheryl, sa partenaire, mène aussi une enquête de son côté. Une nouvelle, car si l'on se souvient bien, il fut une époque où elle avait son patronyme, rosé celui-là, sur la couverture.
Ici, suite à ses premières investigations devant l'amener à retrouver la piste de sa stagiaire disparue, elle finit à l'hôpital, après avoir été victime de la drogue du violeur. Et dans le style aventurière déterminée, la Cheryl, elle n'a rien à envier à son Poulpinet.

Que dire sinon que cette nouvelle aventure du célèbre céphalopode est réussie ? La double articulation autour de Gabriel Lecouvreur et de Chéryl, agrémentée par les lettres qu'ils s'adressent de leurs lieux de convalescence respectifs, contribuent à la rendre réjouissante, drôle et rythmée. Un mélange qui porte ses fruits et ravit le lecteur. Pour ne pas échapper à la règle, le Poulpe rue une fois de plus dans les brancards, n'ayant aucun scrupule à laisser son lot de civières dans son sillage. Cette fois, ce sont les enjeux du sport et ses dérives liées au dopage ainsi que la course aux résultats - à titre individuel ou dans l'intérêt de représentativité d'un pays sur la scène internationale - qui constituent le nœud de l'intrigue. Le tout est servi par des personnages hauts en couleurs - les jeunes filles venant en aide au Poulpe, le ministre des sports,Bernard Lapoutre, pour ne citer qu'eux -, mais aussi par des situations rocambolesques tout simplement hilarantes et une langue enjouée, inventive, aux jeux de mots savoureux.

Du Poulpe grand cru.

D'Amour et dope fraîche, Caryl Férey et Sophie Couronne, Baleine (Le Poulpe), 174 p.

05/06/2009

Une flic dans le pétrin / Thérésa Schwegel

Soir de relâche. Samantha Mack , une flic de Chicago d'origine irlandaise, reçoit un coup de fil lui demandant de remplacer au pied levé l'un de ses collègues porté pâle. Elle ne raffole pas des patrouilles, mais elle accepte. On pourrait lui rendre la pareille un jour. Seulement en arrivant au poste, elle apprend qu'elle va faire équipe avec Fred Maloney, son ex. Fred l'a quittée des mois plus tôt pour se marier avec Deborah, une pimbêche de service. Sam a beau avoir la peau dure, la pilule s'est tout de même avérée amère. Mais elle prend sur elle, consciencieuse jusqu'au bout. Et puis Fred a toujours eu le don de la mettre à l'aise.

Ce soir là, les deux flics pénètrent dans une maison où, selon un indic, ils pourront serrer Trovic, un pédophile à qui ils ont déjà eu affaire. Coups de feux échangés. Sam est blessée. Fred reste sur le carreau. Leurs supérieurs étouffent l'affaire, concluent à un accident. C'est assez mal vu qu'un flic abatte son coéquipier : les balles retrouvées sur Fred proviennent de l'arme de Sam. Jalousie ? Vengeance ? Coup monté ? Tout est possible. Les souvenirs de Sam sont flous, pervertis par des cauchemars au moment de son réveil.

Les impressions sont multiples à la lecture de ce polar. On se familiarise assez vite avec la personnalité de Sam, femme flic au caractère bien trempé - pas que dans l'alcool - qui, on le sent, a bataillé dur pour se faire accepter d'un corps de police à dominante masculine. Le début est prenant, on se laisse séduire. Thérésa Schwegel plante son décor et son intrigue de manière efficace, jusqu'à la mort de Fred où les doutes assaillent son héroïne.

La suite est un peu plus laborieuse. On a la sensation de tourner en rond devant des scènes répétitives. Le style et la voix, pas loin de me rappeler Les Infiltrés de Martin Scorsese, permettent pourtant d'aller au-delà. Et l'on fait bien car le récit repart sur les chapeaux de roue.

Voilà, c'est comme une habitude avec les polars, je m'arrête avant d'en dire trop. Au final, une chose est sûre. Après avoir apprécié Une flic dans le pétrin sans pour autant le considérer comme un polar "important", je vais surveiller d'un oeil attentif les prochaines parutions de Thérésa Schwegel. Ce serait dommage de passer à côté de bons livres. J'ai dit "bons" ? Allez n'ayons pas peur des mots : d'un chef-d'oeuvre à venir. Ce ne serait pas étonnant qu'elle en ponde un un jour.

Une flic dans le pétrin, Thérésa Schwegel, traduit de l'américain par Thierry Pitel, Actes Sud (Actes noirs), 382 p.