23/06/2008

La Mère des chagrins / Richard McCann

La Mère des chagrins aurait pu être un livre merveilleux s'il n'avait été aussi impénétrable. On sent à la lecture que l'empathie est là, roulant sous les mots sans jamais parvenir à en crever la carapace. La "beauté presque insoutenable"que lui prête Michael Cunningham, l'auteur du maintenant célèbre "Les Heures", on l'aurait presque imaginée disposée à bondir aux moindres évocations nostalgiques, pour éblouir le lecteur. Elle ne fait que refluer à mesure que les pages se tournent.

Paradoxalement, La Mère des chagrins est un livre bien écrit. A travers neufs récits remaniés et réunis pour constituer ce roman, le lecteur suit la narration d'un homme évoquant son enfance auprès de ses parents et de son frère, puis plus tard, sa vie, son homosexualité, la perte des êtres chers, la maladie, cette mère qu'il a tant admirée.
Si la narration de la jeunesse nous fait frôler l'ennui par le poids trop lourd d'une nostalgie déformée par le prisme de l'enfance, le récit semble ensuite tout disposé à prendre son envol. Mais cette impression ne dure qu'un temps. Très vite, un rythme lénifiant et froid s'installe. Est-ce dû à l'assemblage des textes et à leur réécriture ? Peut-être...
Quoi qu'il en soit, il est dommage, vraiment dommage que les personnages nous touchent à peine quand on sait qu'il aurait fallu si peu de choses pour inverser la tendance. Car effectivement, l'histoire, elle, est d'une tristesse qui aspirait à la beauté.

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16/06/2008

Le Diable en gris / Graham Masterton

Tout commence dans la chambre du bébé à venir, qui en fin de compte ne verra jamais le jour. Maman est en bas qui prépare à manger. Papa (trente et un ans à la page six, trente trois à la page dix-neuf...ne soyons pas mauvais, après tout, il n'avait peut-être pas l'âge de ses artères comme tout un chacun aura l'occasion de s'en apercevoir s'il daigne se plonger dans le roman.). Papa, donc, est en haut en train de poser du papier peint. En deux coups de baïonnette invisible, voilà madame qui rend l'âme et monsieur, lui aussi salement entaillé, tente de recoller les morceaux. Manque de bol pour lui, les secours arrivent à cet instant précis.

Reste à savoir ce qui est à l'origine de ce carnage surnaturel et de ceux qui ne manqueront pas de survenir. Sauf que, bon, on sait très vite à quoi s'en tenir et l'identité de ce diable gris ne laisse place à aucune surprise. D'autant moins quand on connaît le modus operandi du sieur Masterton, qui pioche dans les légendes et croyances d'ici et d'ailleurs pour échafauder ses histoires.

Cette fois-ci, ce sont la magie vaudou et un curieux régiment de la guerre de sécession qui sont invoqués. Deux prétextes tout trouvés pour assister à une accumulation de scènes sanguinolentes à souhait, sans oublier le rab (tripes, boyaux, entrailles et viscères triturées en tous sens...) au goût amer de surrenchère. Seuls les fans s'y retrouveront peut-être.
Mais que diable allait donc faire BiblioMan(u) dans une telle histoire ? me direz-vous. Permettez que je me pose la question et que je lui apporte une réponse : quand on évoque le nom de Masterton ou que je vois son nom apparaître sur les couvertures, il me revient toujours à l'esprit l'excellent "Portrait du Mal" dont je conserve toujours en mémoire la fin somptueuse et ce, malgré les années. Scusez pour la petite séquence nostalgie mais vous remarquerez que je n'ai évoqué ni les vieilles couvertures de la collection terreur des éditions Presses Pocket (devenues Pocket), avec leur encre rouge sur fond noir, ni le papier presque gris, et encore moins cette odeur de colle si enivrante...

Alors effectivement, je m'évertue à lire un Masterton de temps à autre. De moins en moins. Car il ne s'agit plus que de déception.

09/06/2008

Le Livre de Joe / Jonathan Tropper

Joe Goffman se serait bien passé de revenir à Bush Falls. Et là-bas, dans cette petite bourgade du Connecticut qui l'a vu grandir, nombreux sont ceux qui auraient préféré qu'il s'en abstienne. Difficile en effet d'oublier que l'on s'est vu ridiculisé et diffamé, par le biais d'un livre ayant rencontré un succès retentissant avant d'être en plus adapté au cinéma. Mais voilà, le père de Joe est mourant et il est temps pour le jeune écrivain d'affronter ses vieux démons, de renouer avec un passé qui lui colle encore à la peau.
Le Livre de Joe fait partie de ces livres à l'écriture très visuelle et au style fluide, dont on ne voit pas passer les pages mais qui n'est pas pour autant dénué d'intérêts, ce qui évitera de le classer trop vite dans la rubrique des livres écrasés, aussitôt lus et effacés de la mémoire.
Non, ici, le lecteur, pour peu qu'il soit sensible à ce type de situations, adhère à la description qui est faite de Bush Falls, de ses habitants, de cette quasi autarcie qui les lie les uns aux autres et qui les rend presque pitoyables. Malheur à celui qui quitte le ville, il est déjà devenu un étranger. A moins qu'il n'ait fait partie de l'équipe de basket locale, auquel cas, tout lui est pardonné. Vous voyez le genre...

Et si le narrateur apparaît comme un type pompeux, égocentrique, pénible, qui s'écoute parler autant qu'écrire (!), cet aspect de sa personnalité se voit progressivement nuancé par la construction du récit. Celui-ci est en effet entrecoupé de scènes situant l'action dis-sept ans plus tôt, en 1986, et apporte un éclairage nouveau, plus complet, sur Joe Goffman. Sur lui, mais aussi sur les rancoeurs et les cicatrices de tous ce personnages qui se sont vus basculer de la réalité du narrateur-écrivain à sa fiction.

Il s'agit donc là d'un très bon livre, sensible et touchant dans lequel flotte un air de nostalgie qui sonne juste. Seule la fin est à déplorer. Jonathan Tropper aurait voulu faire des appels du pied aux producteurs de cinéma Hollywoodiens qu' il ne s'y serait pas pris autrement. Pas facile de finir en beauté. Pour la peine, je m'en suis imaginée une autre.