20/04/2011

Kolyma / Tom Rob Smith

Après avoir restitué d'une manière plus que saisissante l'oppression de la dictature stalinienne dans Enfant 44, Tom Rob Smith fait à nouveau virevolter une page marquante de l'Histoire russe. A l'heure où débute Kolyma, le petit père des peuples est mort. Krouchtchev lui succède en amorçant sa politique de déstanilisation, marquant ainsi une transition qui ne s'opère pas sans remous.

C'est dans ce contexte que l'on retrouve Leo Damidov et son épouse Raisa. Pas question pour eux de faire table rase du passé, quand bien même ils le souhaiteraient seulement. Ce passé, ils le vivent au jour le jour, par l'intermédiaire de leurs souvenirs, pas toujours reluisants, mais aussi par la présence des deux filles qu'ils ont adoptés. Leurs parents ont péri à la suite d'une arrestation orchestrée par Leo lui-même. Zoya, l'aînée, adolescente, n'oublie pas, se promet de ne pas oublier leur sort ni celui qui en est à l'origine. L'air d'une vengeance étouffée ne demande qu'à s'exhaler. A l'image de celui soufflant en Russie à l'heure où les goulags se vident et où les rancœurs se révèlent au grand jour. A l'image aussi des intimidations et des meurtres perpétrés sur d'anciens membres des services secrets qui ne manquent pas de projeter Leo au cœur d'une vengeance dont il pourrait être la cible principale.

Pour un deuxième ouvrage, une suite qui plus est, on n'échappe pas à la comparaison. Car après l'engouement suscité par Enfant 44, l'attente ainsi qu'un soupçon de crainte sont là ? Sera-t-il aussi bien ? Est-ce seulement possible à partir du moment où les personnages nous sont connus et qu'un des effets, la surprise de la découverte d'un univers, de sa mise en mots, ne sera de mise ? En ce qui me concerne, j'avoue avoir un peu moins apprécié Kolyma. Un peu seulement, c'est important. Et encore, pour des raisons que j'ai bien du mal à définir et que je veux bien imputer à la subjectivité.

- Pirouette
- Hein ?
- Tout ça, c'est de la pirouette pour ne pas avoir à argumenter tant et plus. Tout ça pour ne pas avoir à écrire un billet trop long, billet dont la taille pourrait repousser des lecteurs potentiels.
- Ben voyons, et donc pour raccourcir je rapporterais mon petit monologue avec ma petite voix intérieure, c'est ça ? Ah c'est sûr ça fait plus court, là, du coup.
- …
- …

Pour le reste, donc, si je puis me permettre, Kolyma est un roman réellement prenant, impressionnant où, une fois de plus Tom Rob Smith n'emprunte pas les voies de la facilité thrilleristique.

-T'invente des mots maintenant ?
-Ouste !

La force de Kolyma tient autant à la reconstitution historique – il faut lire les passages sur la vie en Russie à l'époque, sur le goulag, sur le soulèvement en Hongrie pour s'en persuader – qu'à son scénario et à la façon dont ses personnages s'y intègrent.

Tom Rob Smith livre une histoire dure, cruelle dans laquelle se posent des questions pertinentes sur le fondement de l'Histoire. Des questions où se croisent les notions de vengeance et de réparation des fautes, sur la force de l'engagement et des événements qui la mettent en branle.

Kolyma, Tom Rob Smith, traduit de l'anglais par France Camus-Pichon, Pocket, 512 p.

2 commentaires:

Gromovar a dit…

Tu réponds à une question que je me posais depuis longtemps. Merci. Je le lirai aux prochaines vacances.

BiblioMan(u) a dit…

Si Enfant 44 t'avait déjà convaincu, je ne vois vraiment de raison que ce ne soit pas le cas non plus avec Kolyma.