Une fois de plus, j'ai été la victime de critiques dithyrambiques. Déjà lorsque l'édition originale était sortie, à en croire les tabloïds on pouvait être sûr que " Terror " était un monument, qu'il était flagrant que Dan Simmons avait pris un grand plaisir à écrire ce livre là. Alors forcément, quand on a dévoré un livre comme Hypérion, qu'on vous dit qu'il s'agit enfin d'un Grand Dan Simmons, et que ce n'est pas une seule personne qui vous le dit, vous filez chez votre libraire préféré si tant est que vous en ayez un, vous lui prenez le livre et rentrez chez vous en admirant sans cesse la couverture sur le chemin du retour, risquez de vous cogner à trois personnes et à deux poteaux en vous disant qu'après tout, rien ne vous empêche de lire à nouveau la quatrième de couverture ou les premières pages en marchant. A votre domicile, vous vérifiez que les volets sont bien fermés et enfilez enfin votre costume de super-héros qui sort tout juste du pressing, le masque rutilant, la cape ultra-souple. Paré. Les premières impressions sont excellentes. Dan Simmons part d'une histoire véridique, à savoir la disparition de deux navires partis à la découverte du Grand Nord, au milieu du XIXème siècle. A travers l'évocation de plusieurs protagonistes mis en lumière, le lecteur devient le témoin de cet emprisonnement dans la glace et de la survie des équipages dans un univers plus qu'hostile. Une survie rendue d'autant plus ardue à partir du moment où une chose – Créature ? Entité? - se régale de couper en menus morceaux ou de faire disparaître ces chers matelots.
L'univers est parfaitement campé : les conditions extrêmes, la Bête inaccessible, quasimment invisible, l'état moral et physique de l'équipage. On en tremblerait. Vous en tremblez. Un temps. Parce qu'ensuite, l'intérêt s'érode farouchement. Vous commencez à bouger sur votre fauteuil, car vous ne pouvez faire autrement que d'imaginer la suite, vous l'anticipez et puis...vous vous rendez compte que tout ceci sent le déjà-vu, qu'à part cette sensation de claustrophobie qui vous glace le sang artificiellement et qui tend à s'estomper, l'ennui se fait sentir. Sachant qu'il vous faudra écrire un billet sur ce livre qui sent la déception à plein nez quand d'autres crient au chef-d'oeuvre, vous ne voyez qu'une seule solution, sortir une carte " les goûts et les couleurs " cousu dans votre costume, au niveau de la cuisse. Vous l'aviez mise ainsi parce que vous rechignez à l'utiliser. Trop facile, pensez-vous, vraiment trop facile. Et vraiment trop bien cousu ! Alors, naturellement, vous renoncez. Car , il ne s'agit pas uniquement de goûts et de couleurs. Ce n'est pas que cela.
Que l'aventure soit perçue par l'alternance des points de vue de plusieurs personnages, soit. Mais que celle-ci s'opère avec des flash-back incessants, où vous vous retrouvez blackboulés un an en arrière, voire plus, où des bonshommes que l'on sait avoir péri dès le départ, ressurgissent tout à coup pour expliquer le comment du pourquoi, ça commence à sentir le joyeux bordel, si je puis me permettre. Sans compter que cela favorise une impression de longueur, de redondance dans l'action, à partir du moment où vous sentez que l'histoire est pliée d'avance. Ils vont mourir les uns après les autres dans de terribles souffrances, peu en réchapperont mais ils auront été au bout d'eux-mêmes...
Enfin, à l'instar d'un Stephen Baxter, auteur de SF qui connaît une renommée fulgurante ces dernières années (il n'y a qu'à constater le florilège de parutions et d'articles enjôleurs !), ce qui déraille ici, ce sont les personnages, impénétrables, trop froids. Alors bien sûr, ils appartiennent pour la plupart à la Marine, se retrouvent dans une situation d'extrême tension, mais bon sang de bon sang, on a du carton pâte en guise de héros. Le cadre, parfait, l'ambiance parfaite mais alors les zozos qui arrivent avec leur costume mal cousus, leur maquillage, leurs artifices, ça ne colle pas. On tient là le plus gros défaut de Terreur, et de certains autres bouquins de Dan Simmons (Nuit d'été, Les fils de l'éternité, L'Homme nu...). A vouloir reprendre une histoire, vraie, à combler les trous, on ne tombe pas dans certains travers qui consistent à déformer une réalité pour en transposer une autre qui, au final, ne fait qu'édulcorer l'ensemble. Ou alors, on le fait jusqu'au bout. Et là, ce n'est pas une histoire de goût et de couleurs, c'est une histoire de style !
Ceci dit vous vous faites la réflexion que vous même, vous seriez bien incapable de pondre ne serait-ce que la moitié d'un truc pareil. C'est vrai. Mais est-ce pour autant une raison pour que le lecteur accepte tout ce qu'on lui donne à lire, hein ?
Sur ce, une fois que vous aurez terminé cette petite bafouille qui n'engage évidemment que moi, je vous propose de me restituer le costume que je vous ai prêté le temps de cette chronique afin que je puisse me concentrer comme il faut et vous propulser vers d’autres livres plus alléchants. Sentez-vous déjà votre doigt s’actionner sur la mollette de votre souris ? Descendre un petit peu pour retrouver des titres dignes d’intérêt ?… Quoi ?…Vous êtes encore là ? Tant mieux, j’ai oublié de vous dire qu’en haut, juste en haut, d’après ce que j’en ai lu, ça a pas l’air mal du tout.
10 commentaires:
Bon, j'essaie de garder intact mon enthousiasme issu de lectures autrement plus positives que la tienne et de mon cher époux qui a eu froid, a tremblé (et ramé peut-être aussi un peu...) pour finalement déclarer que c'était un très bon bouquin. Comme je suis en train d'en finir un du même nombre de pages, c'est vraiment pas sympa de me saper le moral comme ça...
Oui je suis encore là ! Etonnant vu que je ne rafole pas des billets longs. Je posterais mon billet sur "terreur" demain soir. Très bonne critique même si je ne partage pas entièrement ton avis. Oui pour le fait que ces changement de période et de narrateur rendent un peu confuse la lecture. J'ai dû revenir tout du long au chapitre précédent pour m'y retrouver. Enfin, j'exagère un peu ! Sinon j'ai dévoré ce livre même si je n'ai pas brillé par ma rapidité. c'est ma première lecture de Dan Simmons et c'est du très bon. comme quoi, il en faut pour tous les goûts. A billet long, commentaire long (rires).
Gloupsss...loin de moi cette intention...mille excuses !Parfois je me dis que ce sont les gros pavés qui m'exaspèrent mais je suis en train d'en lire un également qui me ravit: "La Bibliothèque Nomédienne" d'Alfred Boudry et les gaillards d'avant, alors...Je crois plutôt que parfois on a du mal avec certains auteurs et c'est vrai qu'à part Hypérion, je trouve les histoires de Dan Simmons vraiment tentantes mais ce sont les personnages qui m'empêchent souvent d'adhérer complètement.
La Liseuse : merci pour ton long commentaire ! Effectivement c'est un livre qui ne se lit pas vite mais parfois (quand le bouquin en question me plaît) je trouve ça plutôt bien de prendre son temps, de savourer...ça signifie que le livre à du corps ! Je viendrai avec grand plaisir lire ton avis sur "Terreur" dès demain. ;O)
Voilà qui mitige mon envie d'acquérir ce livre mais je vois presque partout ailleurs que les lecteurs ont apprécié... Bon, coupons la poire en deux : j'attendrai que son prix tombe encore plus bas sur PriceMinister, comme pour le dernier Werber que je n'ai toujours pas acheté.
A part cela, billet très riche et personnalisé, comme je les aime. Bravo ! :)
Bonjour Marco et merci pour ton commentaire ! Je ne lis plus Bernard Werber depuis quelques livres déjà et quand je vois le prix, entre autres, de sa dernière parution, je m'en écarte encore plus. En ce qui concerne Terreur, l'idée de la poire en deux n'est pas mal, d'autant plus que je suis sûr que tu ne manques pas de lecture ;O)
Bon, c'est vrai qu'après tant de louanges lues sur le net, ça fait (presque) du bien de lire une critique moins élogieuse. En tout cas, tu expliques très bien ton point de vue (j'aime beaucoup ton style d'ailleurs ! ^^) et pour avoir lu Simmons et adoré Hypérion, je pense que je le lirai quand même, au risque d'être déçue. En revanche, j'attendrai peu-être qu'il sorte en poche, s'il sort en poche un jour ! ;)) Merci pour ce billet très intéressant !
Oui, pour le coup, je me sentais un peu isolé...mais c'est le genre de choses qui arrivent ;O)
Alors il y a la solution du poche, bien sûr, mais aussi la bibliothèque ou qu'une bonne âme te le prête...
..."Vous en tremblez. Un temps. Parce qu'ensuite, l'intérêt s'érode farouchement"...
Bon, pour le moment, ça va, je tremble toujours... j'aime assez... mais il reste encore beaucoup de pages à lire (3/4)!
Tu me donneras tes impressions. Ou bien je viendrai les lire sur ton blog :O)
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