07/05/2008

Les Déferlantes / Claudie Gallay

C'est l'histoire d'une femme qui s'exile à la Hague, le bout du monde, pour porter seule et en marge de tout, un deuil, son amour fou, mort.

C'est l'histoire d'un homme, qui cherche de manière obsessionnelle, la vérité sur le drame de sa famille, disparue en mer, à la Hague – le bout du monde-, et dont le corps de son très jeune frère n'a jamais été retrouvé.

C'est l'histoire de leur attirance, qu'il leur serait si simple de ne pas vivre.

C'est l'histoire de Théo, le gardien de phare, et de Nan, sa maîtresse; son grand amour qui a perdu son espoir dans les déferlantes.

C'est l'histoire de La Mère, la femme de Théo, et de Lili, leur fille délaissée par Théo.

C'est l'histoire de Raphaël le sculpteur, en exil à la hague – le bout du monde- pour ne vivre que de son art, et de Morgane, sa soeur.

C'est l'histoire de Max, à l'esprit léger et l'espoir sans faille, amoureux transi de Morgane.

C'est l'histoire des vivants et des morts, qui se croisent et s'empêchent de vivre, ou qui se croisent pour commencer à vivre.

Décor : La Hague, où la nature et les hommes semblent déteindre les uns sur les autres, à moins qu'il ne s'agisse d'une ivresse, draînée par les vagues et le vent.

La grande réussite de ce roman fleuve, qui compte pas loin de 600 pages, c'est de restituer dans un étau si petit, toute la beauté et la vilénie de l'Homme.Ici donc, les vivants portent des secrets, qui empêchent les morts de se reposer, et les morts, répandent des manques, qui oppriment les vivants.

Les vagues et les hommes mentent. A moins que ce ne soit là, que l'affaire des Hommes.
Claudie Gallay utilise de phrases courtes. Courtes et fortes. Comme le ressac des vagues. En fait, elle imprime un rythme, une musique, qui perdure bien au-delà de l'ouverture et de la fermeture du livre.

Elle restitue, avec une force incroyable, la difficulté du deuil, la difficulté de vivre sans savoir, sans comprendre, plus en général.

Mais elle sait aussi donner des instants jubilatoires de chaleur humaine, en faisant se regrouper tous ces hagards vivant à la Hague, sur un minuscule territoire, dont on ne sait plus s'il appartient à la terre ou à la mer.

Sans dévoiler la fin, ce que je peux dire, c'est que la force de ces hommes et de ces femmes, confrontés aux failles de chacun, à leurs propres bassesses ou à celles des autres, est de -quoi qu'il arrive- parvenir à un moment ou un autre, à regarder les choses en face, à se positionner et savoir avancer, en faisant exactement ce qui est bon pour eux, sans pour autant que ce soit le plus facile.

Je mettrais un léger bémol pour la toute fin du roman, où un quasi mysticisme religieux vient se poser là, moi qui suis une allergique pathologique à ce genre de chose. Pourtant, cela ne m'a pas déçue au point que j'aurais pu penser.

Peut être qu'en fait, ces vagues, et ce bout du monde dur et aride, ces hommes et ces femmes avançant péniblement dans leurs vies, c'est cela le divin, pour moi. Et quand vient la question de Dieu, (ce dieu créé par les hommes et pour le pouvoir), parce que c'est particulièrement bien emmené, cela devient plus acceptable.

Les Déferlantes est un roman beau, dur et beau. Tendre mais sans concession, sans tiédeur, un roman que j'ai refermé presque solennellement, et qui quelque part, à l'intérieur, ne se refermera jamais plus, justement.

3 commentaires:

Je danse sur un fil a dit…

Je l'ai achevé la semaine dernière, avec comme une petite toux sèche au fond de la gorge. Du grand Gallay, même si j'avoue avoir préféré "Seule Venise " et plus encore "Dans l'or du temps". Mais j'aime tellement cet(te) auteur(e) ? que je me laisserais embarquer des heures durant.
Merci de ce joli résumé.

Calamity Jane a dit…

Je crois que "Seule Venise", restera mon préféré. L'office des vivants est un monument, et après avoir rencontré l'auteur (qui est donc une femme), elle m'a fait part de l'importance de l'Office pour elle.... Du lourd, croyez moi. Pour le résumé ce fut un plaisir.

Lyvie a dit…

j'ai finalement été emportée par l'intrigue, et je me suis faite peu à peu à l'ambiance très lourde et qui a failli me faire fuir au début....