Le roman d’Ovaldé est vraiment bien, vraiment très très bien. Un peu fâchée avec la littérature ces derniers temps, c’est vraiment (encore !) le genre de bouquin qui vous réconcilie d’un coup, qui donne envie de manger du livre… bref, c’est un véritable bonbon, savamment dosé, aux multiples saveurs, à découvrir et à dévorer d'urgence.
D’abord, le récit est très accrocheur : Lancelot vient de perdre sa femme, Irina, dans un accident de voiture et depuis ce drame, il découvre qu’il ne la connaissait pas… ben oui, il l'a déposée à l'aéroport et une heure plus tard, elle est retrouvée morte au volant d'une voiture au fin fond d'une rivière. Alors, que faisait-elle à cette heure-là, sur cette route-là, dans cette voiture-là ? C’est l’énigme que tente de résoudre Lancelot, anti-héros fantomatique, dont le cœur est transparent, qui n’a du chevalier que le prénom, et qui au fil des chapitres n’a pas d’autres choix que de VOIR et donc de grandir. Son parcours initiatique sur les traces de sa défunte femme est mené comme une énigme policière… et nous mène à un dénouement inattendu dont je tairai la chute... chut !
Ce que j'en retiens, c’est que bien trop souvent, on tente d’expliquer les faits par des causes faciles, simples, visibles. Il nous manque la petite étincelle de curiosité et d'originalité qui va nous conduire à VOIR les évènements sous un autre angle, un point de vue très éloigné de ce que l'on imaginait. Et c’est ça que Ovaldé nous fait comprendre : notre pensée est étriquée, prisonnière d'une logique qui s’autosuffit à elle-même, parasitée par nos lâchetés… et en pensant ainsi, on ne peut pas toujours VOIR et trouver de solution adéquate. C'est le cas de Lancelot qui vit en dinosaure solitaire et qui apprend peu à peu à s'ouvrir au monde et à ses habitants. Son cheminement s'accompagne de la disparition d'objets – d'ailleurs d'objets très volumineux – au profit des idées qui n'est pas sans rappeler l’allégorie de la caverne de Platon dans laquelle il est nécessaire de s’affranchir des objets, des biens matériels pour voir les « choses invisibles ».
Et justement, c’est le deuxième effet du roman d’Ovaldé : telle une magicienne, elle emporte le lecteur où elle veut. Dans son style totalement incroyable et inédit, à mi-chemin entre récit et conte, merveilleux et réel, gravité et malice, elle mène le jeu telle une fée clochette, de manière espiègle mais déterminée. Sur un ton joueur, ludique mais aussi dramatique, son écriture inédite m'a totalement séduite. Et j'ai apprécié de trouver des mots que j'affectionne tout particulièrement en langue française, juste pour le plaisir des sons : volubile, volubilis, pusillanime...
Ce style ambivalent est un savant travail d'équilibriste qui dépeint bien l'état de Lancelot, complètement perdu et sonné par la mort de sa femme et la prise des petites pilules bleues du docteur Epstein, qui évolue lentement sur le fil ténu qui sépare la réalité de l'irréalité. La longueur des phrases comme la densité des paragraphes, véritables blocs de textes contenant successivement narration, introspections enchâssées entre parenthèses, et dialogues minimalement marqués par des majuscules, sont autant d'ingrédients qui visent à jouer avec le lecteur comme avec le héros. Les phrases d'Ovaldé, on les lit trois fois quitte à perdre encore le fil du récit et s’embourber encore plus dans les méandres de l’esprit perdu et anesthésié de douleur de Lancelot. Bref, merci Véronique Ovaldé pour ce délicieux bonbon dont les multiples parfums restent en bouche bien après l'avoir terminé !
3 commentaires:
Je suis très tentée par ce roman. Ton avis renforce ce sentiment.
Très belle analyse de l'écriture de Véronique Ovaldé : "Gentille Pestouille", je te tire mon chapeau !
Avec un peu de retard : merci pour vos commentaires chaleureux.
Je suis bien contente que mon avis vous ait donné envie de lire ce bon roman... mission accomplie ;)
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