11/09/2012

Désaccords imparfaits / Jonathan Coe


Certains, en apprenant que la dernière parution française de Jonathan Coe n'était autre qu'un receuil de nouvelles, auront peut-être éprouvé un soupçon de déception. Les short stories n'ont pas toujours bonne presse auprès du public. On reproche à cet exercice littéraire de pêcher par sa brièveté, de générer une frustration quant à l'impossibilité de suivre sur le long terme des personnages auxquels on s'est attachés, quand on ne lui reproche pas non plus de n'être, justement, qu'un exercice.

Si on aurait apprécié sans peine de voir évoluer les différents protagonistes des nouvelles qui composent ces Désaccords imparfaits, de les voir s'étoffer dans un cadre romanesque, le recueil s'avère réussi, comme si la double négation induite par le titre avait révélé la positivité du texte. Mais, bien plus que dans une règle mathématique, c'est dans la musicalité si chère à Jonathan Coe que celle-ci s'affirme plutôt. Musicalité des textes – aucune fausse note dans la traduction –, musicalité des êtres, pris dans la ronde de l'existence, soumis à ces temps morts où tout est encore possible.

Souvenirs et nostalgie dans Ivy et ses bêtises où un frère et une sœur reviennent sur la tombe de leurs-grands-parents avant de faire un crochet par leur ancienne demeure. Une belle histoire tout en délicatesse où Jonathan Coe, comme il l'indique dans l'introduction à l'œuvre, rend hommage à son grand-père...

9e et 13e, angle de deux rues où réside le narrateur, mais aussi deux notes de musique, des étapes dans la marche du temps. Que se serait-il passé si ? C'est la question explorée ici par cet artiste auquel une jeune femme demande s'il sait où est-ce qu'il y aurait un coin pour dormir dans les parages... Une histoire séduisante où la passivité le dispute à l'indécision, où le champ des possibles se révèle dans la suspension des évènements, entre deux battements.

Version originale raconte la dérive sentimentale d'un membre du jury d'un festival de films d'horreur et de fantasy. L'un d'entre eux a été écrit par une de ses anciennes amies, amoureuse de lui. Le rire n'est jamais loin dans cette nouvelle, aussi bien dans sa description du petit monde du cinéma de genre que dans l'évocation des regrets et, là encore, dans l'indécision...

Journal d'une obsession, pour finir, récit autobiographique, retrace la fascination de Jonathan Coe pour le film méconnu, ou peu reconnu, La Vie privée de Sherlock Holmes avec Billy Wilder. Ici, outre l'hommage évident à l'acteur pour lequel Coe voue une certaine fascination, ce sont la quête et le mystère, la préservation de ce dernier, qui tissent la trame de cette histoire. Comme si tout savoir de tout faisait perdre de la saveur aux choses. Comme si les désaccords imparfaits éparpillés au cœur de ces nouvelles étaient à laisser à l'appréciation de chacun, dans la part intime des sentiments qu'elles recèlent...

Nouvelles, romans, peu importe donc en ce qui concerne Jonathan Coe, la magie des mots et des sensations opère toujours.


Désaccords imparfaits, de Jonathan Coe, traduit de l'anglais par Josée Kamoun, Gallimard, 2012, 104p.

Chronique initialement parue dans Blabla

5 commentaires:

Blop a dit…

Râââââh... Enfin de retour, et avec une belle chronique, en plus. Bravo Monsieur le Super héros, belle rentrée !

Blop a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
BiblioMan(u) a dit…

Merci Blop :) Je vais tâcher de m'appliquer pour la rentrée et... au delà !!!

liliofthewest a dit…

très belle chronique !
je suis super fan de Coe, j'ai dévoré tous ses ouvrages... Beaucoup d'humour et d'intelligence dans son écriture.

BiblioMan(u) a dit…

J'attends toujours aussi ses bouquins avec impatience et jusqu'à présent je n'ai jamais été déçu ! Et effectivement, l'humour et l'intelligence de ses livres se combinent à merveille.