22/09/2009

Le Festin d'Alice / Colin Thibert


Découvrir un auteur, en ce qui me concerne, c'est un peu comme débarquer en territoire inconnu. Je suis d'abord un peu déboussolé, désappointé. Et puis, une fois mes marques prises, j'observe, j'explore, je m'imprègne et, au final, soit j'espère me retrouver en terrain connu, sur des rivages plus cléments, soit je profite pleinement du séjour et, quand vient la fin, je ne demande rien de mieux que de revenir sous les mêmes latitudes, avec l'espoir et la ferme intention d'être à nouveau surpris.

C'est sur cette dernière impression que j'ai terminé Le Festin d'Alice. Jusqu'à présent, je ne connaissais de Colin Thibert que le nom, pour l'avoir aperçu sur les étagères des librairies ou des médiathèques, sans jamais franchir la frontière qui me mènerait à son univers. Et pour tout dire, dans les premiers chapitres de cette histoire ô combien savoureuse, je me suis plusieurs fois demandé dans quoi j'avais bien pu m'embarquer.

Le Festin d'Alice commence en effet sur les chapeaux de roue avec une descente de police d'envergure. Il ne s'agit pas de débouler sur la scène d'un braquage ni d'appréhender de gros revendeurs de drogue. Non, l'interpellation s'effectue dans un appartement-ravioli, où une vieille Chinoise coordonne la cuisine de plats asiatiques dans des conditions ignorant les normes d'hygiène et de salubrité, le but étant de les revendre ensuite à des restaurants chinois. En amateur de science-fiction, je me suis félicité que l'odorama pour les livres n'ait tout compte fait pas encore été inventé - ici, l'évocation se suffit à elle-même. Mais tout de même, la scène surprend par son côté surréaliste ; par sa disproportion au regard des faits. Seulement, en ouvrant la fenêtre du quotidien, sur lequel le polar semble désormais avoir pignon sur rue, je me suis rendu compte que non, à bien y réfléchir, ce n'était pas si absurde - après tout, on voit bien des bambins en garde à vue pour moins que ça...

Cette fenêtre, Colin Thibert prend soin de la laisser ouverte tout au long de son récit, en jouant sur l'humour et le divertissement. Alors, on se familiarise avec cette magnifique Alice, cette somptueuse Alice, cette envoûtante Alice, fonctionnaire à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qui, contre toute attente fait main basse sur le magot de la vieille Chinoise, ainsi que sur un carnet dont elle espère bien tirer profit. Pour cela, elle entraîne dans son sillage un ancien chercheur au CNRS devenu traducteur. Et bientôt, la mafia chinoise se met de la partie.

Chassés-croisés, quiproquos, coïncidences, l'histoire roule et se déroule, servie en cela par toute une galerie de personnages auxquels on peine à trouver des qualités, même si, d'une certaine façon, c'est aussi cet aspect qui les rend si drôles et sympathiques, contribuant à faire du Festin d'Alice un roman qui ne manque ni de piquant, ni de... croquant.

Le Festin d'Alice, Colin Thibert, Fayard noir, 361 p.

8 commentaires:

Ghislain a dit…

Le début de lecture est effectivement déstabilisant. Mais le style est immersif, du moins dans Royal Cambouis. D'ailleurs, le côté comique "décalé" est il encore présent ?

BiblioMan(u) a dit…

Je n'ai pas lu les autres (pas encore !), mais effectivement le côté comique "décalé" est là, bien là... La galerie des personnages et les situations dans lesquelles chacun se positionne y contribuent, avec la plume de l'auteur, bien sûr.

Manu a dit…

Je n'arrive pas à me forger une opinion si j'aimerais ou pas. Ca a l'air bien spécial en tout cas ! Tu as l'art de dénicher les polars atypiques !

BiblioMan(u) a dit…

Ah, c'est sûr, ce n'est pas commun mais une fois passé le côté dépaysant, c'est un régal. Et cela se voit très bien que Colin Thibert a pris grand plaisir à jouer avec ses perosnnages, ou à se jouer d'eux en tout cas.

alain a dit…

Pas encore lu mais j'avais bcp aimé "Royal cambouis"..C'est quelqu'un de très sympa, en plus.

Béné a dit…

Je découvre grâce à toi cet auteur et ce livre. Il m'a l'air tout bonnement très bien. J'ai hâte de le lire pour donner aussi mon avis sur mon blog. Merci de cette découverte en tout cas!

El Jc a dit…

Etonnante présentation d'un polar qui ne semble pas l'être moins. Je testerai volontiers à l'occasion. Merci pour cet éclairage au lampion

BiblioMan(u) a dit…

Alain : C'est donc le premier pour moi et effectivement, j'ai lu une interview du monsieur sur bibliosurf, et c'est vrai qu'il a l'air bien sympathique. En tout cas, sa démarche me plaît bien.

Béné : Tout le plaisir est pour moi ;O)

El Jc: Ah, c'est à essayer, c'est sîr !