12/01/2011

Masque de sang / Lauren Kelly

Avril 2003. Drew Hildebrand a disparu après avoir été kidnappée dans d'étranges conditions. Ceux qui la côtoyaient auront tôt fait de penser cela n'a rien de surprenant. Dans l'univers de l'Art Contemporain, cette galeriste pour le moins emblématique semblait ne rien pouvoir accomplir dans la simplicité. Sans compter que sa dernière exposition en date dédiée au bio-art, si elle avait suscité l'admiration des uns, n'en avait pas moins provoqué la colère des autres pour sa nette tendance à exposer corps humains et foetus selon des mises en scène scabreuses. De là cependant à s'en prendre physiquement à son instigatrice ? De là aussi à enlever aussi sa nièce, à la bourrer de « crystal meth », cette drogue synthétique redoutable, et de l'abandonner ensuite au cœur de la Shale River Mountain ?

Les choses sont-elles seulement aussi simples ?

Les réponses à ces questions, c'est justement Annemarie qui les possède. Un père en prison, une mère en proie à la dépression et à l'alcool, elle n'avait eu d'autre choix que d'aller vivre chez sa tante. Elle en était heureuse d'ailleurs et, malgré les excentricités de cette dernière, comme par exemple de lui faire changer de prénom, elle lui vouait en toutes circonstances une forme d'admiration, de fascination. De son côté, Drew la portait tantôt aux nues, lui accordait une importance au delà du raisonnable, puis feignait l'indifférence, lui témoignait sa déception en lui laissant entendre qu'elle n'était pas à la hauteur de ses attentes.

Tout ceci, c'est Annemarie qui l'apprend au lecteur. Très vite, celui-ci comprend qu'il n'a pas affaire à une enquête classique. A tout bien considérer, il n'y a pas même vraiment d'enquête. Car l'enjeu de ce roman ne se situe pas en premier lieu sur la résolution planant autour de la disparition de Drew mais plutôt sur la complexité des rapports de la tante avec sa nièce. Sur l'art aussi, mais dans une moindre mesure.

On est là loin, très loin des romans policiers tendance, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler sur ce blog. Avec un titre pareil et une telle couverture - réussie au demeurant - on aurait été en droit de penser que l'on allait avoir droit à tout un panel de meurtres, ou hémoglobine et autres viscères auraient servis de principaux catalyseur à l'histoire. Ici c'est la tension psychologique qui est maintenue de bout en bout. En revenant sur leur relation, Annemarie / Marta tisse méticuleusement la trame du drame en devenir, inocule le malaise à petites doses, le rend palpable à un point tel qu'outre le fait de l'éprouver, on ne peut qu'être admiratif d'une telle maîtrise sur le long terme.

Il faut dire que Lauren Kelly n'en est pas à son coup d'essai. Elle a déjà signé deux autres suspenses, Coeur volé et Emmène-moi Emmène-moi mais elle a aussi au bas chiffre plus de soixante-dix bouquins à son actif, et pas des moindres puisque l'un d'entre eux, Les Chutes, a reçu le prix Femina Etranger en 2005. Vous le savez peut-être déjà ou bien vous l'aurez deviné, Joyce Carol Oates est effectivement derrière ce Masque de Sang. Avec une écriture si glaçante, si fine, et une histoire si diablement efficaces, on ne peut que s'en réjouir.

A voir aussi l'avis de Jean-Marc sur son blog.

4 commentaires:

Manu a dit…

Evidemment, celui-ci me tente plus que tout car JCO est une de mes romancières favorites mais je n'ai encore rien lu d'elle sous sa casquette "auteur policier".
Suis-je donc la seule à trouver cette couverture ratée ?

BiblioMan(u) a dit…

@Manu: Tu me diras si tu sens bien sa "griffe". Bah, quand même, elle est pas mal fichue cette couverture, non ? Elle ne laisse pas indifférent en tout cas...

Theoma a dit…

Connais pas mais bien envie d'y remédier !

BiblioMan(u) a dit…

@Theoma: Tu fais bien d'autant que c'est présenté comme un thriller mais qu'on est vraiment sur un autre registre, tout à fait singulier et prenant.