19/10/2014

Wild cards / présenté par George R.R. Martin

Il faut savoir se montrer patient. Comme le disait à juste titre ce cher Neil Gaiman à un de ses lecteurs l'interpellant sur George R.R.Martin et son travail d'écriture, les auteurs ne sont pas nos « putes » (arguments à l'appui) . Ils ne sont pas à notre disposition, ont leur propre vie, leurs propres coups de mou et ne parviennent pas toujours au bout d'une histoire, que celle-ci s'inscrive dans un cycle ou pas.

J'ai encore en tête le jour où j'ai découvert la couverture de la première parution en poche du Trône de Fer. C'était en 2001, dans une gare. Les éditions J'ai Lu venaient d'inaugurer leur nouvelle maquette, donnant ainsi un petit coup de jeune à leur collection SF et Fantasy. J'étais alors loin de me douter du succès qu'allait rencontrer ce cycle, encore inachevé à ce jour. Pour moi, il ne s'agissait alors que d'une histoire de fantasy supplémentaire sur le tapis de l'Imaginaire.


Il faut savoir se montrer patient. Oui. Et savoir s'estimer chanceux. Car sans la consécration du Trône de Fer, il aurait peut-être fallu attendre bien plus longtemps avant que le premier tome de l'anthologie Wild Cards ne soit enfin traduit, soit 27 ans après son édition originale.

Alors avant de découvrir les 20 autres volumes – patience, un jour, patience toujours – parus entre 1987 et 2011 – parlons plutôt de cet ouvrage d'introduction qui a pour particularité de planter un bien beau décor.

En 1946, la Terre a l'insigne honneur de connaître sa première rencontre du troisième type. Bonne nouvelle, le troisième type en question est plutôt sympa – sa tenue vestimentaire laisse un peu à désirer, peut-être, mais c'est un type sympa. D'autant plus qu'il est venu sur Terre pour empêcher un virus concocté par les siens de se répandre.Peine perdue. Après l'intervention désespérée de Jetboy, le poison se propage dans les airs. Ses effets ne tardent pas à se manifester, tuant 90 % de ceux qu'il touche. Les 10 % restants sont soit devenus des jokers, des êtres ayant connus des mutations abominables, soit des as, des femmes et des hommes investis de pouvoirs extraordinaires. Le monde a un nouveau visage...

 Le monde a un nouveau visage mais il ne prendra pas des virages si différents du nôtre. Malgré les particularités des as et leurs pouvoirs, les mêmes conflits internationaux auront lieu, les même films sortiront, Kennedy sera bien assassiné, Nixon et Reagan feront parler d'eux. En revanche, c'est dans les interstices que les changements s'opèrent. Dans la chasse aux sorcières impulsée par McCarthy ne seront pas seulement visés les communistes, les as seront mis dans le même sac. Les jokers, obligés de se masquer pour cacher leur abomination, se seront regroupés dans un quartier de Manhattan, baptisé Jokertown,et lutteront pour la reconnaissance de leurs droits.

Là où il n'y aurait pu y avoir qu'un regroupement de nouvelles sans lien aucun les unes avec les autres si ce n'est le cadre de cet univers, George R.R. Martin a su donner à ce recueil une cohésion et une densité incroyablement fortes. Certes les auteurs exploitent chacun à leur manière un personnage voire plusieurs personnages clés, explorent les potentialités d'un pouvoir ou d'une tare, mais ils le font toujours en restant fidèle au cahier des charges de la série. Chaque histoire, aussi prenante soit-elle, sert ainsi de trait d'union à une autre où l'on retrouve si nécessaire un personnage rencontré plus tôt. Grâce à cette appropriation par chacun des auteurs de l'univers proposé, l'écueil du catalogue de dons est évité. A défaut de briller par leur originalité (télékinésie, passe-muraille, homme-volant, force accrue, succube...), ces derniers sont mis au service du background et de l'histoire qu'ils portent. Au final, la curiosité et la fascination dominent dans un bel ensemble.

 Comme pour tout premier ouvrage d'un cycle suscitant l'engouement, je ne peux que terminer en soulignant l'impatien... non restons patient disais-je, en soulignant l'envie évidente qui est la mienne de découvrir la suite, apparemment prévue pour le mois de février prochain.

Ah si, j'allais oublier et ça n'aurait pas été pardonnable, on trouve dans Wild Cards de bien belles plumes, plus ou moins connues. Avec dans l'ordre d'apparition : Howard Waldrop, Roger Zelazny, Walter Jon Williams, Melinda M. Snodgrass, Michael Cassutt, David D.Levine, George R.R. Martin, Lewis Shiner, Victor Milán, Edward Bryant, Leanne C. Harper, Stephen Leigh, Carrie Vaughn, JohnJ. Miller... Dans les prochains volumes, certains de ces auteurs disparaîtront, d'autres feront aussi leur apparition. Pour plus d'informations, n'allez pas à aller fureter ici.

Lorhkan parle aussi de Wild Cards, alors n'hésitez pas à aller voir son blog, qui, soit dit en passant, vaut bien le détour !

Wild Cards, présenté par George R.R. Martin, éditions J'ai lu (Nouveaux millénaires), 2014, 

CITRIQ

4 commentaires:

Sandrine a dit…

Je ne suis pas fan de nouvelles mais ce Wild Cards me tente. C'est aussi grâce au succès du Trône qu'on a pu lire "Riverdream", l'excellent "Riverdream.
Dire quand même que je me suis tuée à conseiller Le Tröne... en bibliothèque sans obtenir mieux que quelques emprunts de lecteurs qui avaient pitié de moi (c'était avant la série TV, bien sûr...). Est-ce pour ça (entre autrs bien sûr) que je ne suis plus bibliothécaire, que j'ai investi énergie et enthousiasme ailleurs ?...

BiblioMan(u) a dit…

D'après ce que j'ai lu, il y a quelques volumes de Wilds cards qui sont entièrement des romans. Mais là, on en est pas loin non plus malgré les plumes différentes. On a en tout cas un panorama complet des événemenst majeurs de 1946 aux années 80. Et je te comprends quand tu dis que tu as investi ton énergie et ton enthousiasme ailleurs. Parfois le besoin s'en fait sentir. Il faudra que tu me dises à l'occasion (peut-être un jour aux Utopiales ?) si tu y as trouvé ton compte ;)

Lorhkan a dit…

Pas loin d'un roman certes, mais il manque quand même un fil rouge global autrement que celui purement chronologique de présentation de l'univers.

Ceci dit, qu'on ne s'y trompe pas, j'ai vraiment beaucoup apprécié, et j'ai déjà hâte d'avoir la suite parce que l'univers est alléchant et plein de possibilités (et l'aspect uchronique est d'ailleurs très bien rendu, notamment à travers l'excellent récit de Walter Jon Williams), les plumes sont plutôt bonnes (les plus connues bien sûr : Zelazny, Williams, Waldrop, etc... mais aussi les autres, Snodgrass en tête), et que maintenant qu'on a bien cerné cette uchronie, il va falloir entrer dans le vif du sujet !

BiblioMan(u) a dit…

Exactement ! Je suis curieux de voir quel virage va prendre cette suite, justement.