03/06/2011

La Vie comme elle va / Alexander McCall Smith

Avant d'être bibliothécaire, j'ai été libraire, et avant ça encore, bibliothécaire. Si je vous dis ceci, ce n'est pas uniquement pour me péter les bretelles – mais quel super-héros qui s'est autoproclamé comme tel ne le fait pas, hein, dites ? - ni entretenir le gonflement de mes chevilles sous prétexte que sans ledit gonflement, mes chaussettes finiraient par retomber sur mon pied, mollassonnes et pathétiques. Non, si je vous le dis, vous pensez bien que cela a, aussi, un rapport avec le livre dont je vais parler aujourd'hui, à savoir La Vie comme elle va, 5ème tome des aventures de Mma Ramotswe signé Alexander McCall Smith.
Donc, si vous suivez toujours, après avoir été bibliothécaire et avant de le redevenir, j'ai été libraire. Dans un café-librairie. Anglais. En France. Un magnifique endroit, avec un plafond en pierres voûtées, ce genre de lieu où il fait bon lire en buvant un café, un thé – je ne faisais pas la bière -, ou un smoothie que je mettais huit plombes à préparer. En tant que préparateur de jus de fruits, je n'étais pas très doué. Ni en tant que libraire d'ailleurs. Mais à cette occasion, j'ai tout de même connu de beaux moments. Comme l'organisation de concerts de musique ou la mise en place d'un club de lecture. C'est à travers l'un de ces derniers que j'ai fait la connaissance de Mma Ramotswe, première femme détective du Botswana. Il y avait eu une dizaine de personnes pour venir parler des Larmes de la girafe, dont certaines (les personnes , pas les larmes) avaient vécu dans ce pays d'Afrique. Elles n'avaient bien sûr pas manqué de faire le parallèle entre la fiction avec la réalité. Deux aspects qui ne manquaient pas de points de concordance.
On ne peut pas lire les aventures de Mma Ramotswe sans avoir envie à un moment ou un autre de se rendre au Botswana.
« En Afrique, on était bavard, on s'interpellait d'un côté de la rue à l'autre ou à travers une étendue de savane, et peu importait si les passants entendaient. Des conversations entières pouvaient ainsi se tenir alors que l'on continuait à avancer chacun dans sa direction, parlant jusqu'à ce que les voix deviennent trop faibles ou trop lointaines pour être intelligibles, jusqu'à ce que les mots soient happés par le ciel. »
Alors bien sûr, le roman est traité sur le mode de la comédie, voire même de la fable ou du conte, l'approche pouvant même paraître un peu naïve par moments, mais la réalité, les préoccupations, les interrogations sur le devenir de ce pays, sur la perte des traditions, sur une modernité galopante et étouffante sont bel et bien là d'un opus à l'autre.
« Le Botswana avait été un pays à part et il le restait, mais il l'était davantage du temps où chacun, ou presque, respectait les anciens usages. Le monde moderne était égoïste et peuplé d'individus indifférents et mal élevés. »
Pour autant on n'éprouve jamais une quelconque impression de redite entre chaque aventure, et le texte ne connaît jamais de perte de vitesse. Pour la simple raison qu'il n'y en a pas, de vitesse. La vitesse, ici, elle n'a pas sa place. Il est même étonnant de voir qu'à l'heure où pas mal d'intrigues policières vont à cent à l'heure, carburent aux rebondissements, Mma Ramotswe trouve quant à elle son rythme de croisière dans un certain éloge de la lenteur et de la contemplation. Avec brio.
« Observer les gens et se demander ce qu'ils faisaient constituait un passe-temps traditionnel au Botswana. La nouvelle mode, qui voulait que l'on se montrât indifférent aux autres, semblait difficilement acceptable. Regarder les gens n'était-il pas un signe que l'on s'y intéressait, que l'on refusait de les traiter comme de parfaits étrangers. »
L'enquête ici est inexistante. On pourrait le regretter. Là encore, il n'en est rien. L'impact... non pas l'impact, le mot est trop fort, trop percutant... disons alors l'enthousiasme dans La Vie comme elle va, provient encore et toujours des personnages. Ils sont si marqués et si authentiques qu'il se rappellent à nous avec une facilité déconcertante, quand bien même on les a perdus de vue depuis longtemps. Cependant, cette fois-ci, l'enthousiasme vient aussi des rapports hommes / femmes qui sont dépeints.
« Nous savons toutes que ce sont les femmes qui prennent les décisions, mais nous devons donner aux hommes l'impression que ces décisions sont les leurs. Il s'agit d'un acte de charité de notre part. »
Ah ça, vous pouvez prendre n'importe quel homme de cette histoire, aucun n'a le beau rôle : perfide, sournois, calculateur, timoré, obsédé, vénal... Dis comme ça, ça fait très caricatural, mais c'est traité d'une telle manière que c'est en réalité très drôle.
Je le disais, l'envie de découvrir le Botswana est là. Mais je me connais, une fois sur place je serai sans cesse à l'affût de LA camionnette blanche de Mma Ramotswe. C'est dur parfois de faire la distinction entre la fiction et la réalité d'autant qu'on peut se poser la question de savoir si elle existe vraiment, hein... mais je ne vais pas ouvrir ce débat là, j'ai un bain de bouquins à prendre.
Pas facile d'être un super-héros des livres, moi j'vous l'dis...

5 commentaires:

Blop a dit…

Je compatis, collègue (ex-collègue aussi, donc, si j'ai bien compris - t'es quand même pas facile à suivre !).
J'ai lu au moins deux des "aventures" (qui n'en sont pas) de Mma Ramostwe et, si mon côté féministe des bibliothèques (tu le sauras...) m'a fait prendre de francs fous rires aux assertions de la dame, j'ai comme toi immensément apprécié ces innombrables petits riens qui reconstituent l'Afrique (avec la majuscule).
Grand Merci, donc, de remettre la première dame détective du Botswana au goût du jour !

BiblioMan(u) a dit…

@Blop: Donc si je te suis bien à mon tour, tu as aussi été libraire avant de devenir bibliothécaire, c'est ça ? Et si je te suis bien bis, en n'étant pas facile à suivre, tu veux peut-être dire par là que mes explications sont confuses ou mes phrases trop longues, hum ? Et pourtant, j'y travaille à être clair, j'y travaille !
Euh... tu as un côté féministe des bibliothèques. Ah bon ? :O))
En tout cas collègue (il est bien ce mot, je trouve, qui s'écrit de la même manière au féminin qu'au masculin), je suis d'accord avec toi, les fous rires sont francs quand on côtoie la dame et ça ne se dément pas au fil des tomes (enfin pour le moment).

Blop a dit…

Non, c'est parce que tu as été bibliothécaire avant d'être bibliothécaire.
[...vide intersidéral...]
Là, c'est moi qui n'est pas facile à suivre. Désolée. ^_^

Manu a dit…

Tout à fait d'accord avec toi ! Un régal ces romans. Tu me rappelles que j'en ai un qui m'attend, le troisième !

BiblioMan(u) a dit…

@Blop: Ah oui, si si, c'était clair pourtant... maintenant que tu me le dis :O)

@Manu: N'est-ce pas, hein ? J'aime bien les lire au compte-goutte. Au moins quand j'ai envie de m'aérer la tête, rien de tel que de revenir vers Mma Ramotswe.