08/09/2011

Tous mes amis sont des super héros / Andrew Kaufman

Je vous vois venir. De loin. Houlà oui, de très loin même. Je vois bien ce que vous devez penser. Ma petite voix me souffle la même chose. Je me serais penché sur ce livre sous le seul prétexte que l'on y parle de super héros, et qu'en tant que super héros, ce titre là a comme qui dirait résonné d'une façon toute particulière. Ce n'est pas le cas. Enfin pas vraiment. Pas seulement, ok ? Disons qu'avant tout, c'est la couverture qui a littéralement fait en sorte que je me jette sur le livre. Parce que sinon, franchement, si c'était vraiment une question de super héros, y'a belle lurette que je vous aurais parlé de Comment je suis devenu super héros, d'Un jour je serai invincible ou bien même, tant qu'on y est, de La vie sexuelle des super héros.Y'a belle lurette qu'à cette occasion, j'en aurai profité de trouver là des prétextes détournés pour parler de moi, afin de me soustraire aux stipulations édictées par la FSHW, la Fédération des Super Héros du Web qui, je le rappelle, conseille d'éviter de parler de soi sous peine de voir sa vie privée mise à mal d'une façon ou d'une autre. Je ne dis pas que je n'ai pas un petit pincement au cœur en voyant un titre me rappelant ma propre condition mais là n'est vraiment pas le propos. Car avec Tous mes amis sont des super héros, vous allez voir, on parle beaucoup d'eux effectivement, mais pour mieux parler de l'Homme. Et de l'amour aussi. Surtout.

L'amour. Le mot est lâché. Vous me direz, en parler dans les romans, ce n'est pas ce qu'on appelle une nouveauté, c'est même d'un banal. C'est si commun. Mais l'évoquer se décline de tant de manières différentes, au point de susciter en nous des réactions qui le sont tout autant. Et l'approche d'Andrew Kaufman s'avère aussi drôle que touchante sans jamais laisser le lecteur indifférent.

« Un roman élégant et d'une incroyable drôlerie sur les affres de l'amour, où les super héros sont des êtres humains pathétiques, faibles, amoureux : des êtres humains plus-que-normaux ». En lisant cette mention sur la quatrième de couverture, j'ai presque été tenté de raccrocher du costume car dans cette phrase, il y a toute l'essence du livre, sa – comme dirait l'autre – substantifique moelle. Sauf... sauf que j'ai quand même quelques petites choses à rajouter...

Si ce roman est effectivement élégant, il est aussi bien barré, bien barré et poétique en même temps. Oui, je sais, se révéler ainsi quand il est question de super héros, c'est un peu surprenant, mais c'est ainsi.

Tom n'est pas un super héros, c'est un gars normal même les êtres aux supers pouvoirs qui l'entouent, si nombreux, le considèrent comme un type vraiment épatant eu égard à sa normalité, justement. Depuis quelques mois, Tom est marié à Super-Perfectionniste. Ils auraient pu couler un amour paisible, se complaire dans leur bonheur mais voilà, Super-Hypno, jaloux, en a décidé autrement en faisant en sorte que Tom devienne totalement invisible aux yeux de Super-Perfectionniste. Et tandis que cette invisibilité prend des airs de manque puis d'oubli, la jeune femme décide de s'envoler pour vivre à Vancouver. Tom devine, sait, que s'il ne parvient pas à se faire voir d'elle au terme de ce voyage ponctué de flashbacks, c'en sera définitivement fini de leur histoire.

Je suis tenté de vous raconter toutes les pépites dont fourmille ce roman , de vous décrire les uns après les autres tous les super héros que l'on rencontre, de Super Télé-Girl qui laisse couler des larmes en forme de télé, en passant par Super-Je-change-d'humeur-à-la-vitesse-du-son, Super-Je-tente-ma-chance, pour finir par Super-Pantoufle qui parvient à transformer chaque jour en dimanche à la maison, voire au lit... Eux et tant d'autres, si vivants, drôles et, oui, si humains.

Il y a de très belles scènes dans ce roman, dont certaines rappellent un certain Boris Vian, une douce folie aussi ainsi qu'une dose d'absurde, de cet absurde qui n'égare jamais le lecteur en route pour la simple et bonne raison qu'il se nourrit de ce que nous sommes, passions, maladresses et doutes compris.

« Tom se remémora l'affreux appartement en sous-sol où il habitait à l'époque. Le pire, c'était le linoléum de la cuisine, tout rayé de traces de talons et de brûlures de cigarettes ; blanc à l'origine, il était devenu d'un gris perpétuellement sale.
Super-Perfectionniste ne pouvait pas supporter ça. Un mercredi, cinq jours après leur premier rendez-vous officiel, elle était arrivée avec deux seaux de peinture pour sol, bleu vif, et deux rouleaux.
« Excellente idée », avait dit Tom.
Ils s'étaient mis au travail immédiatement. Ils avaient commencé à l'endroit où le lino jouxtait la moquette. Ils travaillaient à reculons, à toute vitesse, recouvrant chacun la surface devant eux, puis reculant de quelques pas pour peindre à nouveau. Très vite, leurs pieds avaient heurté le mur du fond. Ils s'étaient retrouvés coincés, entourés de peinture fraîche. Tom avait relevé les yeux, Super-Perfectionniste avait souri.
« C'est malin ! Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? » avait demandé Tom.
Et Super-Perfectionniste l'avait embrassé (à la perfection). » 

Maintenant il ne me reste plus qu'à faire lire Tous mes amis sont des super héros au compadre Gilles qui ne me croit pas quand je lui dis qu'on peut-être un super héros sans cape, sans même savoir voler. Et avec mes Super-gros-sabots – va falloir que je songe à les enlever d'ailleurs – avec mes Super-gros-sabots donc, je lui dirai : « Et l'amour, ça donne pas des ailes, peut-être ? ». Mmhh...

Tous mes amis sont des super héros, Andrew Kaufman, traduit de l'anglais (Canada) par Anna Roen, Naïve, 111 p.

03/09/2011

La Volonté du dragon / Lionel Davoust

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Alors bien sûr tout le monde connaît (ou presque) les éditions Critic pour le succès qu'ils ont rencontré avec Le Projet Bleiberg de David S. Khara mais avant cela, cette jeune maison d'édition qui monte , qui monte et qui ne risque pas de descendre si l'on en juge les parutions à venir, cette jeune maison d'édition disais-je avait déjà fait ses armes (et quelles armes !) avec d'autres titres , parmi lequel cette Volonté du Dragon de Lionel Davoust. Vous m'excuserez, je suis sûr, la longueur de cette introduction dans laquelle, comme à mon habitude, j'ai voulu dire beaucoup de choses en une seule phrase.

Sauf que suite à ma lecture du Projet Bleiberg et des différentes interviews que j'ai lu des éditeurs en question, je n'avais pas encore franchi le cap de lire un autre de leur titre. Et j'ai beau chercher, je ne saurais vous dire pourquoi. J'avais bien sûr déjà vu le nom de Lionel Davoust circuler de ci de là, que ce soit pour ses traductions ou même pour ses nouvelles, je ne l'avais encore jamais lu avant de succomber au charme de Au-delà des murs, texte figurant dans l'anthologie Victimes et bourreaux paru aux éditions Mnémos à l'occasion du festival des Imaginales. C'est un texte relativement court mais dans lequel l'auteur esquisse de manière habile et concrète l'univers où évoluent ses personnages. Mais c'est surtout le style qui m'a frappé dans cette histoire. Lionel Davoust y fait preuve d'une puissance d'évocation incroyable, l'écriture est ciselée à un point tel que l'on ne demande rien de mieux que de retomber très vite sous la plume ayant suscité un tel engouement.

Ceci, c'était donc pour expliquer le cheminement qui m'a conduit à La Volonté du Dragon. Et le constat réalisé après Au-delà des murs est le même en ce qui concerne ce court roman. Dès les premières lignes, les premières pages, le style est là, efficace, percutant, musical aussi. Une nouvelle fois, Lionel Davoust se dispense de descriptions à rallonge pour nous emmener dans son monde, un monde qui trouve justement tout son écho dans l'économie et la précision de celles-ci, dans les images claires et saisissantes, les sons et les odeurs qu'elles génèrent immanquablement. Vous voulez être les héros du livre ? Vous l'êtes ! Car ils sont plusieurs à se partager la vedette... Tous les personnages du roman, sont en effet eux aussi extrêmement bien dépeints et chacun subit, d'une manière ou d'une autre, le tumulte de cette histoire ainsi que ses enjeux.


« Elle l'avait reçu dans ses jardins privés à Asreth – la ville tentaculaire dont les tours d'argent se reflétaient dans le lac de Mara, où vibrait jour et nuit le ronronnement de milliers de réacteurs draniques, crépitante d'énergie, de savoir et d'activité, la mégapole qui avait donné son nom à un empire entier – le plus grand que le monde ait jamais connu. D'eolus Vasteth, l'un des treize généralissimes commandant les invincibles Légions impériales, avait franchi les immenses salles nues de son palais cristallin aux murs ornés de mystérieuses arabesques d'or et d'acier, et, sur les sols métalliques incrustés de verre, figurant des cartes du ciel et du monde, ses pas avaient libéré des claquements secs dépourvus d'échos semblables à de brèves voyelles inarticulées.

Puis au terme d'un long couloir doré où régnait une lumière diffuse, il avait ouvert une lourde double porte de fer d'apparence curieusement antique et jamais restaurée, probablement plus ancienne que tout le complexe, pour déboucher sous un enchevêtrement dense de frondaisons mêlant palmes grasses et pleurs de saules, parmi les cris perçants d'oiseaux invisibles et le murmure de fontaines. »


En règle générale, à quelques exceptions près, je fais un résumé des histoires qui sont passées à travers mon bandeau. Et bien celle-ci fera partie des exceptions quand bien même c'est la deuxième fois pour cet éditeur. Là, j'ai essentiellement voulu m'attarder sur l'impact qu'avait eu ce livre sur moi, plus sur la forme que sur le fond qui, pourtant, ne manque pas d'intérêt non plus. Mais soyez tout de même assuré(e)s que le plaisir sera sans doute encore plus grand si vous plongez dans l'inconnu, si vous vous fondez dans cette histoire qui résonne effectivement de bien des manières avec notre monde à nous, et pas forcément pour le meilleur. Croyez-moi, le jeu en vaut la chandelle...

Et pour avoir ici rédigé la chronique dans laquelle figure le plus de liens depuis la création de ce blog, j'en rajoute deux où vous pourrez trouver d'autres avis sur La Volonté du dragon : Traqueur stellaire, Dragon galactique.

La Volonté du dragon, Lionel Davoust, éditions Critic, 171 p.
CITRIQ

30/08/2011

Le Citron / Kajii Motojirô


Sakura no ki no shita ni wa …
(Sous les cerisiers …)
Sakura no ki no shita ni wa shitai ga umatte iru!
(Sous les cerisiers sont enterrés des cadavres!)

Motojirô Kajii fût l'un des grands poètes japonais du début du siècle dernier. Peu connu durant sa courte vie (il est mort à 31 ans !), il est aujourd'hui reconnu et très apprécié au Japon notamment grâce à ses nouvelles Le citron, Sous les cerisiers et Jours d'hiver
J'ai découvert cet auteur totalement au hasard, en lisant le manga Les lamentations de l'agneau de Kei Toume. Dans le tome 2 de cette série était cité le texte Sous les cerisiers. Juste une phrase, la première de cette nouvelle, et me voilà au pôle littérature de la médiathèque pour chercher le texte intégral. Motojirô Kajii nous y dévoile sa vision de l'univers avec poésie, dans des textes courts mais toujours vrais. Juste une pensée ou une observation, et notre esprit est emporté dans un tourbillon de réflexions qui mène bien souvent au delà des apparences.

Le citron, c'est un recueil de nouvelles (huit pour l'édition Picquier Poche), une sélection de textes de cet auteur si surprenant. Motojirô Kajii a du lutter pour vivre, pour survivre. Et pourtant il réussit à garder les pieds sur terre mais surtout à vouloir faire partager sa passion de la littérature. Créateur de magazines littéraires, écrivain, c'est surtout un philosophe que la maladie a emporté trop tôt...

À découvrir...

22/08/2011

Seeker / Jack McDevitt

J'ai longtemps tourné, viré et tourné encore autour de Seeker en librairie. Il y a plusieurs raisons à cela. La plus évidente étant que mon enthousiasme à l'égard des livres de Jack McDevitt a toujours été assez inégal. J'ai été ébloui par Anciens rivages – je ne suis pas le seul, non, non, non – et suis resté mitigé quant à la série consacrée au personnage de Priscilla Hutchins dont certains titres me sont tombés des mains quand je ne pouvais en lâcher d'autres, à l'image de Chindi dont je garde encore vivement en mémoire une scène où l'équipage d'un vaisseau rencontre une civilisation extraterrestre pour le moins surprenante...
Mais plus que ces considérations, c'est le changement d'éditeur qui m'a interpellé : les éditions de L'Atalante auraient-elles renoncées à suivre l'auteur en raison d'un fléchissement des ventes des précédents ouvrages parus ? N'auraient-elles pas cru dans le potentiel de cette nouvelle série dont, il est utile de le préciser, Seeker est le troisième opus ? Et autre interrogation, pourquoi justement commencer par un tome qui n'entame pas la série ? Parce que celui-ci a reçu le prix Nebula et que cela fera de lui un titre plus « vendeur » ? Parce que les autres sont moins bons, plus anecdotiques ? Seront-ils seulement traduits et édités en France ?
A vrai dire, je n'ai pas encore aujourd'hui la réponse à ces différentes questions mais je ne désespère pas de les obtenir. Je ne me suis tout simplement pas encore lancé dans ces investigations – une bonne déconnexion de temps en temps, ça ne fait pas de mal – mais je le ferai sous peu et reviendrai sans doute ici même compléter cette chronique au fur et à mesure que j'engrengerai les réponses. D'ailleurs, si vous en avez vous-même certaines (voire toutes, hein), n'hésitez pas à les partager dans le fil des commentaires.
Finalement, après m'être dit « non, tu peux attendre, tu le prendras au boulot », le « oui mais quand même ça n'a pas l'air si mal que ça » a fini par l'emporter parce qu'encore une fois, il s'agit d'un ouvrage qui donne la part belle à l'archéologie du futur et que je ne sais pas résister à ce type d'ouvrage, comme je le soulignais déjà dans la chronique concernant le Filet d'Indra de Juan Miguel Aguilera.
Résultat, c'est plutôt réussi même si l'approche du futur de Jack McDevitt est assez déroutante parce qu'elle n'est tout simplement pas commune. Ce qui ne l'empêche pas d'être défendable.
Dix mille ans dans notre futur, à peu de chose près. Les humains ont quitté le berceau de la Terre ont colonisé plusieurs planètes, en ont terraformées certaines. Dans leur essaimage, lls n'ont rencontré qu'une civilisation extraterrestre encore vivante avec laquelle, bon an mal an, ils ont réussi à pactiser.
Alex Benedict, antiquaire archéologue et son assistante Chase Kolpath vivent sur Rimway. Leur travail consiste à déterrer des objets de civilisations disparues, de dénicher des fouilles dont ils revendront ensuite le fruit de leurs trouvailles aux plus offrants, ce qui ne manque pas de faire grincer des dents les organisations archéologiques officielles. La plupart du temps, ce sont Alex et Chase qui se lancent dans la chasse aux trésors mais il arrive que des particuliers leur demandent aussi d'authentifier un objet et bien sûr, de leur en révéler la valeur. C'est dans ce dernier cas de figure qu'ils tombent un jour sur une tasse émanant du Seeker, un vaisseau d'une colonie légendaire ayant fui l'oppression terrienne du 26ème siècle dans le seul but de fonder un monde utopique dont personne, absolument personne ne devait connaître la localisation.
Une grande partie du roman s'articule autour d'une enquête relative à la tasse en elle-même, consistant à savoir dans quelles circonstances elle a été trouvée pour la première fois, puis à déterminer pourquoi ceux qui sont entrés en sa possession n'ont rien révélé d'une découverte dont l'écho aurait pourtant été retentissant. C'est une partie bien menée, intrigante à souhait au terme de laquelle on n'attend plus qu'une exploration spatiale à même de fournir son lot de révélations.
Et l'on n'est pas en reste puisque Chase s'envole en effet en territoire extraterrestre, communément appelés les Muets, capables de lire dans les pensées, afin d'obtenir les ultimes renseignements à même de les mettre, Alex et elle, sur la voie de la Colonie perdue. Rebondissements, suspense, action et révélations, selon une adroite association, sont effectivement au rendez-vous.
Tout ceci se lit avec un plaisir certain mais une chose est sûre cependant, Seeker risque peut-être d'en rebuter plus d'un. Car l'avenir suggéré par Jack McDevitt est bien loin de ceux dessinés par un Peter F. Hamilton ou un Stephen Baxter. On a beau être dix mille ans dans le futur, on ne peut pas dire que le « sens of wonder » soit la préoccupation essentielle de l'auteur. On a bien des vaisseaux spatiaux capables de franchir des distances faramineuses, des intelligences artificielles à même de les gérer, des hologrammes d'humains disparus ayant voulu laisser une flatteuse image d'eux-même, mais à part ça on ne peut pas dire que l'on soit noyé par des considérations scientifiques ni même par des inventions que tout lecteur aurait été en droit d'espérer.
Il semble que Jack McDevitt situe ses préoccupations ailleurs, dans une volonté de focaliser son attention sur une perspective archéologique ainsi que sur des humains dont les aspirations et les besoins n'ont pas beaucoup évolué. A savoir qu'ils vivent un quotidien que l'auteur nous fait parfois partager en évoquant des sorties au restaurant, en citant des titres de musique ou de livre qui ont eu un certain succès quelques années en arrière seulement, ou même en évoquant la fatigue, le besoin de se reposer, le stress lié au travail... Et comme je le disais un peu plus haut, c'est assez déroutant (au premier – et dernier – sac en plastique qui est apparu au détour d'une page, je me suis demandé si je lisais bien un bouquin de SF) mais c'est du coup assez original et pas dénué de charme non plus puisqu'on n'a pas l'habitude de voir ça dans des ouvrages qui nous parlent d'un futur lointain. Sans compter que l'histoire est plutôt haletante et réserve quelques belles surprises. Seul le personnage de Alex Benedict à qui est consacrée la série paraît un tantinet pâlot, le beau rôle allant à Chase, narratrice de cette histoire.
Voilà, en fonction des éléments que j'ai rapportés ici et de vos propres goûts en matière de Space Opera, il vous revient de faire à votre tour votre propre choix. Lira, lira pas ?


6 septembre 2011 : Voici donc les réponses aux questions posées un peu plus haut lors de la rédaction de cette chronique. Je remercie Stéphane Watelet pour sa disponibilité et les administrateurs du forum des éditions L'Atalante pour m'avoir aiguillonné dans mes brèves recherches...

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BiblioMan(u) : L'auteur était auparavant édité en France chez un autre éditeur, comment a-t-il "basculé" chez vous ? 

Stéphane Watelet : Découragement de l'Atalante  devant l'affaissement des ventes de SF... en général (...c'est une hypothèse)

Hypothèse confirmée si l'on en croit les messages laissés sur le forum de l'Atalante, visible ici...

BiblioMan(u):  Seeker est le troisième tome d'une série, pourquoi avoir commencé par celui-ci et non par le premier ?

Stéphane Watelet : C'était le plus emblématique et lauréat du prix Nébula, comme vous l'aviez pressenti...

BiblioMan(u): Justement , comptez-vous éditer les autres tomes ?

Stéphane Watelet: Si le succès est au rendez-vous , oui, bien sur...
Pardon pour le caractère très prosaïque de nos réponses auquel on peut (quand même) 
ajouter un coup de cœur pour la "patte" de McDevitt (cette scène de pré-ouverture fonctionne quand même pas mal !)


Seeker, Jack McDevitt, traduit de l'américain par Michèle Zachayus, Télémaque, 442 p.

CITRIQ

07/08/2011

L'Affaire Jennifer Jones / Anne Cassidy

Trois jeunes filles sont parties dans la forêt. Seules deux d'entre elles sont revenues vivantes. La troisième est morte. Assassinée par l'une de ses copines. Naturellement, l'affaire a fait grand bruit. Six ans après les faits, Jennifer Jones a changé d'identité, a été placée chez Rosie – qui sait tout d'elle et de sa situation – quand tout le monde la croit encore en prison. Pourtant depuis quelques mois Jennifer Jones, devenue Alice Tully, travaille comme serveuse, s'est constituée un groupe d'amis, a un fiancé avec qui elle s'entend très bien et s'apprête à poursuivre des études. Sa réinsertion est sur la bonne voie. Pour autant, elle n'oublie rien de son passé , de sa mère démissionnaire, ancien mannequin déchu et toujours avide de se trouver sous la lumière des projecteurs, quitte pour cela à bafouer la confiance de sa fille, à en jouer, en abuser même. Bien sûr, elle se souvient aussi du meurtre et de ses circonstances. Elle archive tous les articles de presse la concernant. Avec le temps, ceux-ci se sont espacés mais voilà que de nouvelles informations commencent à circuler avec l'annonce de sa sortie imminente de prison. Informations qui coïncident avec l'arrivée d'un détective dans la bourgade. Il pose des questions en brandissant une vieille photo de Jennifer. Comme s'il savait déjà tout de sa libération anticipée.
Impossible en lisant L'Affaire Jennifer Jones de ne pas penser au cas des enfants-tueurs de Liverpool qui avait ébranlé la Grande-Bretagne en 1993. Impossible de croire qu'Anne Cassidy n'y a pas songé elle-même en se lançant dans cette histoire. Certaines similitudes permettent en tout cas de le penser, ne serait-ce qu'en ce qui concerne la thématique mais aussi la durée d'emprisonnement, la volonté des instances judiciaires de réinsérer au mieux et à brève échéance ces jeunes accusés, ou même encore dans la fébrilité, l'acharnement et les déboires médiatiques suscités par de telles affaires.
La comparaison s'arrête cependant là car Anne Cassidy a su se dédouaner totalement du fait divers, si on peut l'appeler ainsi, pour laisser libre cours à sa propre histoire, où ce qui l'intéresse n'est pas le drame en lui-même mais les circonstances qui l'ont amené à se produire. Qui plus est , elle le fait d'une manière tout à fait habile et subtile – la construction du roman est remarquable -, de sorte que le lecteur se trouve alternativement captivé à la fois par le présent et le passé de Jennifer Jones. Par exemple, longtemps dans l'histoire on ne sait pas quel enfant a été assassiné, ni quelles raisons ont poussé Jennifer à perpétrer cet acte. On ne doute pas que la réponse viendra, bien sûr, mais cela entretient un certain mystère, toujours présent, que l'on garde dans un coin de la tête, et qui contribue même à nous immerger un peu plus dans le parcours de Jennifer Jones. Pas tant pour savoir que pour comprendre.
Sous prétexte que le récit touche au meurtre d'un enfant, on aurait pu redouter qu'Anne Cassidy s'ingénie un peu trop à tirer sur les cordes du violon. Or, sa musique est ailleurs, dans la complexité des protagonistes de cette histoire et des sentiments qui les animent. Elle est même au-delà, dans l'évocation de l'enfance, dans la cruauté dont elle se fait parfois l'écho mais aussi dans les attentes qui lui sont relatives.
Anne Cassidy évoque d'une bien belle manière le sentiment d'abandon de Jennifer, sa sensation d'isolement, son envie d'être considérée, d'exister enfin au yeux des autres. Elle aborde aussi le sexe, la prostitution, la mort, la reconstruction de soi, la repentance, l'acharnement médiatique sans jamais paraître moralisatrice, sans qu'à aucun moment on ait l'impression d'être plongé dans un vaste fourre-tout thématique. Au contraire, tous ces éléments s'intègrent aisément dans le fil du récit.
Malgré l'annonce faite sur la couverture comme quoi ce livre avait reçu le Prix du meilleur livre adolescent en 2004 en Angleterre, j'ai redouté en l'entamant de devoir le refermer assez vite. Je craignais de me trouver face à un récit gnagnan et culcul la pral. J'en suis ressorti admiratif, tout ébaubi. Eh oui, ce genre de chose est bien sûr possible à la lecture d'un ouvrage. Et on aurait tort de penser que la littérature adolescente est exempte de produire un tel effet.
L'Affaire Jennifer jones, Anne Cassidy, traduit de l'anglais par Nathalie Laverroux, Milan jeunesse (Macadam), 320 p.

27/07/2011

Captif / Neil Cross

Kenny n'en a plus pour longtemps. Il le sait. Le verdict est tombé, implacable : tumeur au cerveau. A tout casser, il en a pour six semaines. Autant dire, très peu de temps. Plutôt que de succomber à l'abattement ou à la colère, Kenny décide de dresser la liste des personnes qu'il a déçues d'une façon ou d'une autre, d'aller à leur rencontre et trouver les mots pour leur dire combien il regrette, combien il les aime, combien elles ont été importantes à ses yeux. Parmi elles, il y a Callie Barton. Callie, il l'a connue au collège, puis il l'a perdue de vue. Il demande alors à une de ses amies, inspectrice à la retraite, de retrouver sa trace. Tâche difficile car même la police s'est cassée les dents sur l'affaire Callie Barton. Celle-ci a en effet disparue de la circulation du jour au lendemain. Son mari, Jonathan a un temps été suspecté, de sérieux doutes ont pesé sur lui. Il l'avait déjà battue. Mais faute de preuves et de corps, l'affaire a été classée. Kenny, lui, est persuadé de la culpabilité de Jonathan et va tout mettre en œuvre pour le prouver, malgré le peu de temps qu'il lui reste. Et c'est justement ce temps qui lui manque, s'enfuit à toute vitesse, qui va le pousser à commettre l'irréparable, amener les deux hommes à s'affronter, se confronter dans un rapport de force pour le moins inégal et violent. Aux dépends des uns, des autres, et de ses proches en particulier...
Captif est un roman qui se lit vite et bien. Police conséquente, interligne prononcé, marges importantes. Les phrases sont courtes, basiques dans leur construction. Le sujet, verbe, complément est de rigueur. Personnellement je n'ai rien contre, c'est parfois dans la sobriété que les mots révèlent toute leur portée, qu'ils claquent, percutent, ou trouvent la voie de la justesse, quand ce n'est pas tout cela à la fois. Cela dépend du contexte. Du style, aussi. Captif a un peu manqué le coche de ce point de vue là. Peut-être justement parce que tout va trop vite, que les intentions de Kenny se révèlent - à peine - dans la précipitation. Il n'y a pas de gradation réellement perceptible dans sa colère, dans la violence de ses actes, dans l'ambivalence de sa morale, de ce qu'il pense être juste ou pas. Tout s'opère sans vraiment de nuances, ce qui a pour conséquence directe de mettre le lecteur en retrait, de couper net la voie de l'empathie. Et à un ou deux près, il en va de même pour les autres personnages, non pas qu'ils se soient révélés trop caricaturaux, mais juste sans chair et sans saveur, comme désincarnés. Neil Cross a beau leur faire exprimer la douleur, la peine, le dégoût, le désespoir, ces sentiments ne résonnent ni n'éclatent jamais en nous. Finalement, on glisse dessus comme sur ce roman qui ne devrait pas me laisser un souvenir impérissable.
Captif, Neil Cross, traduit de l'anglais (Grande-Bretagne) par Renaud Morin, Belfond (Belfond noir), 350 p.

23/07/2011

Au Fil de Cl0 - 2 - : CSU de Caroline Terrée

Un peu de jeunesse dans ce monde d'adultes …

Les policiers étant de mise sur ce blog, je reste dans la tendance en vous présentant THE série policière pour pré-ados que j'adôôôre ! Attention les yeux : voici l'équipe du CSU qui débarque...

Bon première question : qu'est-ce que le CSU ? C'est le Crime Support Unit (ou, en gros, l'Unité Anti-Crime). Qu'est-ce qu'ils font ? Euh … ben lutter contre le crime, c'est des gentils quoi ! Basés où ? Laissez-moi vous embarquer dans ce magnifique pays qu'est le Canada, et plus précisément à Vancouver, lieu de tournage de nombreuses séries comme Sanctuary, Kyle XY ou encore Supernatural... Bref, un décor de rêve pour des histoires captivantes.

Dans cette équipe, je demande en premier lieu Nick Ballard, un monsieur muscle ancien officier de la Gendarmerie Royale du Canada, un géant au grand cœur. Puis, Connie Chang, experte dans la collecte et l'analyse d'indices matériels, un détachement professionnel agrippé à un sens profond de la hiérarchie. Après, Keefe Green, le petit dernier de l'équipe, génie de l'informatique et fou du travail, pouvant enchaîner des heures en bureau ou sur le terrain sans avoir besoin de se reposer. Et pour finir, il y a Kate Kovacs.

Kate, c'est l'enquêtrice, la chef de l'équipe mais surtout la narratrice de chaque roman. Kate, c'est une intelligence hors normes, une rapidité de réflexion terrible, et un courage à toute épreuve. Mais Kate c'est aussi un passé douloureux, des émotions en pagaille et une empathie qui trouve votre cœur dès le premier chapitre. Personnage complexe et en même tant fascinant, elle nous emmène avec elle à chaque enquête, comme si nous faisions partie de son équipe.

Et celles-ci ne sont pas toujours très simples à résoudre … À la façon de 24 H Chrono, on suit l'histoire heure par heure, étape par étape, en sachant que le temps est compté. On essaye de tout faire pour retrouver une victime, un tueur, de rendre la justice … mais le passé a tendance à ressurgir, surtout au moment où on ne l'attend pas.

Ce que j'aime dans ces romans, c'est en premier lieu la façon dont l'auteur, Caroline Terrée, arrive à nous submerger dans le monde de Kate. Grâce à son écriture fluide, on plonge dès le prologue dans un nouveau monde. On vit avec la narratrice : on enquête avec elle, on souffre avec elle, on s’essouffle avec elle. On est vraiment transporté dans son univers qui n'est pas toujours facile à vivre.

Je tiens aussi à tirer mon chapeau à l'auteur pour le rythme qu'elle donne à chacun de ses romans. On est pris dans un tourbillon d'émotions, de faits qui font qu'on ne peut pas couper sa lecture au milieu du livre. Si on le commence, on est obligé de le finir dans la foulée !

Toutes ses enquêtes sont très bien menées. Et même si celles-ci sont indépendantes, je vous conseille de les lire dans l'ordre : le mystérieux passé de Kate y est peu à peu dévoilé …


Huit tomes pour huit enquêtes tous parus aux éditions Milan dans la collection Macadam :
Portée disparue ; Le Phénix ; Le Dragon rouge ; Mort blanche ; Le Prédateur ; Impact ; Sacrifices ; Équinoxe.



19/07/2011

Au Fil de Cl0 - 1- : Mini Syros Soon

Vous en avez marre de lire des romans trop gros, avec trop de pages ou trop de tomes ?!? Ça tombe bien, moi aussi ! (Désolée Mauvaise Graine, je lutte contre ton pavé de 990 pages!) Et pour cela, rien ne vaut un petit tour dans les rayons jeunesse et plus particulièrement dans la collection Mini Syros (de Syros, bien sûr!).

Plusieurs genres littéraires pour plusieurs types de lecteurs : Mini Syros « Polars », Mini Syros « Romans », Mini Syros « Paroles de Conteurs », et celui qui m'intéresse le plus... Mini Syros « Soon » !! Cette sous-collection, spécialisée dans les histoires de science-fiction, est dirigée par Denis Guiot, grand critique littéraire spécialiste de la SF mais surtout créateur de la collection « Autres Mondes » chez Mango !! Rien que ça !! Et il s'est bien entouré le Mister Guiot : Jeanne-A Debats, Ange ou encore Éric Simard signe trois des six premiers titres de la collection ! Et pour vous, et rien que pour vous, petite présentation de deux titres phares de la collec'.



Premier édité : À la poursuite des Humutes, de Carina Rozenfeld. Carina Rozenfeld pour moi c'est avant tout l'Auteur (avec un A majuscule s'il vous plaît !) de la trilogie La Quête des Livres-Monde. Alors quand je vois un autre de ses romans, je saute littéralement dessus !! À la poursuite des Humutes, c'est un peu l'histoire des X-Men... Un enfant qui vit dans un monde où les personnes différentes sont persécutées et où lui-même est différent. Un enfant terrorisé par sa propre différence et par les adultes consentants de la persécution. On y retrouve le thème de l'acceptation de soi, la peur du regard des autres mais aussi la crainte de décevoir ceux qui nous aiment …






Premier dans mon
cœur : Opération « Maurice », de Claire Gratias. Dans ce livre, Claire nous fait voyager dans le temps pour sauver un poisson rouge nommé Maurice... mais qu'est-ce que ce poisson rouge a de si important ?!? Ça vous le saurez en lisant le livre mais je peux vous dire que ce livre m'a beaucoup touchée. On y parle de regrets, de compréhension de la vie quotidienne et de la valeur des choses et gens qui nous entourent. On a tous déjà regretté des paroles, rêvé d'effacer certains de nos actes, tenté de revenir en arrière en sachant pertinemment que c'est impossible... sauf pour Noé à qui on offre une seconde chance en tentant de lui faire comprendre qu'il doit sauver Maurice ! Après ce n'est qu'une occasion à saisir : il faut juste savoir faire le bon choix...





A la poursuite des Humutes, Carina Rozenfeld, Syros (Soon), 38 p.

Opération Maurice, Claire Gratias, Syros (Soon), 41 p.


12/07/2011

Les Vestiges de l'Aube / David S. Khara

Chaque fois qu'un livre avec des vampires s'étale sur les tables des libraires comme plagistes au mois d'août sur la Côte d'Azur, je me joins aux mille et une voix qui s'élèvent tout de même en disant que jamais, ô grand jamais, on ne me prendra à lire une de ces histoires surfant sur un fond de commerce diablement rentable, comme on ne me prendra pas, non plus, à m'allonger sur un sable brûlant au milieu de mes congénères.
Et voilà. Voilà. Je pourrais mentir en prétextant que non, non, je ne savais pas, je vous assure. Je le connais même pas cet auteur, et son livre encore moins, pensez-donc. Quoi ? J'ai déjà parlé de David S. Khara ici-même? Ah, maintenant que vous le dites, oui, c'est vrai je m'en rappelle vaguement. Très bien, oui. Comment oublier ? C'était une heureuse découverte. Mais son histoire avec le vampire, là, Werner quelque chose, non ça, voyez, ça ne me dit rien. J'ai consulté plusieurs chroniques à son sujet ? Visionné des vidéos concernant sa première édition aux éditions Rivière Blanche ? J'ai commandé ces mêmes Vestiges de l'Aube pour la médiathèque ? Moi ? Moi, j'aurais fait une chose pareille ? Vous divaguez ma parole ! Même quand on ne parlait pas encore autant des vampires, je n'ai jamais été attiré par ces histoires débiles de suceurs de sang. D'ailleurs, vous ne trouvez pas ça dégoûtant, vous ? Bram Stoker, Anne Rice ?... Même pas en film, non, je vous assure. Bon, dites, ces divers points éclaircis, je peux y aller maintenant ?Vaquer à mes saines lectures ? Comment ça, non ? Que j'avoue ? Mais avouer quoi bon sang ? Que je l'ai lu ? Apprécié aussi ? Non mais là, on touche le fond, vrai... hé, pas la peine de me regarder comme ça hein, je ne suis pas du genre à avoir honte de mes lectures, non, non, non. De mauvaise foi ? Là, en revanche...
Bon. Très bien. J'allais en parler des Vestiges de l'Aube. C'est vrai, j'allais le faire. J'attendais juste de savoir comment et quand, c'est tout. Des fois, c'est pas mal d'attendre un peu, de laisser décanter, voyez. Mais là, bien sûr... si on me pousse dans mes retranchements.
Je n'ai pas été lire la première version du livre de David S. Khara pour comparer avec celle-ci. Je ne crois pas que je le ferai. Je sais que l'occasion lui a été donnée d'explorer plus avant l'ambiance et la psychologie des personnages qu'il avait créés, de fouiller tout ça, d'aller plus loin et qu'il en a profité. Ça se comprend. Quand on a écrit un premier roman, qu'on s'est investi dedans et qu'on vous propose ensuite d'exploiter toutes ses potentialités, d'en révéler d'autres facettes, il serait bizarre de ne pas en profiter.
Ce qui, je crois, donne toute la dimension de ces Vestiges de l'aube, c'est toujours chez David S. Khara, cette préoccupation de toucher à la littérature populaire. Et encore, je ne sais pas s'il s'agit d'une préoccupation où si c'est une approche naturelle. Il faudrait lui demander. Quoiqu'il en soit, ce qui me plaît à nouveau ici, c'est à la fois l'accessibilité du texte et cette façon qu'a l'auteur de jouer avec les ambiances et les codes, de tisser des morceaux d'Histoire dans la trame du récit, pour finalement, encore une fois, nous inviter à vivre une aventure digne de ce nom. Sans pour autant oublier non plus de terminer sur une note bien mystérieuse que tout amateur d'histoires à feuilleton ne manquera pas d'apprécier.
Petite précision tout de même. Mon approche pourrait laisser penser que Les vestiges de l'Aube se résume à une seule histoire de Vampire dans laquelle David S. Khara se serait amusé à déplacer le curseur des normes communément admises autour de ce thème : un pieu dans le cœur ou pas ; monstre sanguinaire ou pas ; sensible ou non à la lueur du soleil... etc, etc... En fait si ces aspects là sont effectivement abordés, la trame se situe aussi ailleurs. Les Vestiges de l'aube, si vous voulez, c'est un peu le mariage idéal du polar et du fantastique.
Hein ? Le résumé, au moins ? Ah, non je n'y avais pas pensé. A croire que chaque fois que j'évoque un livre de cet auteur, je préfère vous en laisser la surprise. Peut-être en sera-t-il de même en novembre prochain pour la sortie de « Projet Shiro », qui sait ?
Pardon ? Vous me trouvez un peu pâlot ? Ah ça, mais ça, voyez, c'est que j'ai lu Les Vestiges de l'Aube à la maison, plutôt que d'aller à la plage sur la Côte d'Az... Non, non c'est pas ce que je voulais dire, enfin vous comprenez, moi la plage tout ça c'est... c'est... de la mauvais foi, oui.
CITRIQ

06/07/2011

Le Passage / Justin Cronin

Cher Bibliomanu, chers Bibliomaniaques
Il m’aura donc fallu plus de temps pour vous préparer une petite chronique que pour finir cet OVNI de 990 pages. Le soleil d’été n’y est pour rien. Il faut simplement du temps pour digérer une telle œuvre.
J’hésite toujours à me lancer dans la rédaction d’une critique lorsqu’un auteur a réussi à faire naître autant d’émotion en moi à la lecture !
Et pourtant, je n’ai pas été rapide. Je n’ai pas dévoré ce roman en deux jours. J’ai pris mon temps. J’ai savouré chaque chapitre, chaque retour à la ligne et chaque arrivée de nouveaux personnages.
Depuis bien longtemps, un roman de Science-Fiction ne m’avait pas porté aussi loin. La construction est complexe, l’écriture impeccable, les descriptions des lieux léchées, et que dire des personnages !!!
Les acteurs de ce roman sont vivants, attachants, dotés d’une personnalité propre. Cette impression de toujours les avoir connus et de devoir les laisser sur le bord de la route est parfois douloureuse.
Pour faire suite à la demande de sa propre fille, Justin Cronin imagine les aventures d’une jeune demoiselle qui sauve le monde. Enfin qui devrait sauver le monde parce que pour le moment nous n’avons que le premier tome entre les mains.
Le Passage est l’histoire d’hommes, de femmes survivants à des attaques sanglantes dans une Amérique post-apocalyptique.
Tout part d’une forêt bolivienne, d’un mystérieux virus, de l’abandon d’une petite fille par sa mère dans un couvent, d’une expérience scientifique sur un condamné à mort, du FBI, et d’un train… Ca vous aide ? Non, évidemment, mais il est très complexe de vous donner plus d’informations sans vous gâcher le plaisir de découvrir chaque pièce du puzzle, chaque revirement de situation par vous-même.
La seule information à donner est celle-ci : il se passe près d’un siècle entre la première partie et la moitié du roman. Lorsque vous pensez avoir déjà tout vécu, vous n’avez encore rien vu ! Vous vous dites, après quelques jours de lecture, que décidemment, ce premier tome est beaucoup beaucoup trop court.
Après pas mal de déception littéraire en cette première moitié 2011, Le Passage nous apporte une bonne bouffée d’oxygène !
Le plus dur est qu’il va falloir attendre la sortie et la traduction du second volume et qu’entre temps, Amy et les survivants vont avoir du mal à se passer de notre aide.
Bien à vous,
Mauvaise graine



01/07/2011

Le Silence pour preuve / Gianrico Carofiglio

S'il y a bien un personnage pour lequel je suis prêt à arrêter toute lecture en cours, c'est bien Guido Guerrieri. J'ai déjà eu l'occasion de dire tout le bien que je pensais de lui lors de ses premières apparitions dans Témoin involontaire et Les Yeux fermés. Naviguant sur d'autres eaux que la seule blogosphère, je n'avais pas évoqué Les Raisons du doute, roman tout aussi saisissant et touchant que les précédents, tout aussi enthousiasmant que ce dernier titre, paru il y a peu, Le Silence pour preuve.
Cette fois-ci, Guido Guerrieri, avocat pénaliste à Bari, est contacté par l'un de ses confrères. Celui-ci se trouve dans une impasse et ses clients sont désespérés. Leur fille, Manuela, a disparu corps et bien depuis bientôt six mois. Sans de nouveaux éléments concluants, la police est prête à clore définitivement l'enquête. Leur seul espoir réside donc dans Guido Guerrieri qui, à sa propre surprise, accepte de les aider en jouant de ses différents contacts et en interrogeant tour à tour les différents amis de la jeune femme, les dernières personnes à l'avoir vue vivante.
Si Guido quitte sa robe de prétoire pour endosser un habit de détective dans lequel il ne sent pas très à l'aise, il ne perd cependant rien de son attrait, de son humanité qui le rend si authentique, fort et fragile à la fois. Dans le Silence pour preuve, on suit l'enquête pas tant pour avoir le fin mot de l'histoire que pour toucher du doigt les tourments qu'elle génère en Guido, les incertitudes et les troubles qu'elle réveille en lui. Vous l'aurez compris, ce n'est pas l'action qui prime ici mais plutôt une forme d'introspection. Une introspection qui se matérialise contre le sac de boxe de Guido, sac auquel il a pris l'habitude de s'adresser dans ses joutes expiatoires, ou au cours de ses errances nocturnes dans Bari, voire même à travers les personnages qu'il côtoie : une ancienne prostituée qu'il a défendue des années plus tôt et avec laquelle il noue une réelle amitié, un inspecteur de police avec qui il a déjà eu l'occasion de travailler, ou bien même ce trafiquant et néanmoins client que Guido sait apprécier pour la franchise et l'honnêteté dont les éminents protagonistes de l'univers judiciaire dans lequel il évolue sont loin de toujours faire preuve.
Rien n'est tout blanc ou tout noir dans l'univers de Guido. Tout s'y conjugue en nuances et la nostalgie ne manque pas de s'y inviter de la plus désarmante des manières. Mais le plus impressionnant, avec cette série consacrée à Guido Guerrieri, c'est sans doute la déconcertante facilité avec laquelle Gianrico Carofiglio nous délivre la complexité de son personnage, un être en perpétuelle construction.
Vous ne me croyez pas ? Allez donc faire un tour par ici, par , ou même encore par ...
Le Silence pour preuve, Gianrico Carofiglio, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, éditions du Seuil, 247 p.

24/06/2011

La Fraternité du Panca. Tome 4, Soeur Onden / Pierre Bordage

Pour inaugurer le nouveau et bienvenu challenge de Mr et Mme Lhisbei, le Summer StarWars, consacré au psace opera et au Planet opera, je pensais commencer avec une valeur sûre, à savoir le quatrième tome de la Fraternité du Panca de Pierre Bordage. Conquis par les trois premiers tomes (avec quelques réserves pour le second tome tout de même), j'étais tout disposé à me laisser emporter par une nouvelle course folle dans les étoiles.
Malheureusement, cela n'a pas été le cas. En partie d'ailleurs pour les même raisons que j'avais évoquées concernant Soeur Ynolde. Si le souffle et l'écriture sont toujours au rendez-vous avec Pierre Bordage (on se demande même comment il pourrait en être autrement), j'ai plus que jamais eu l'impression de relire les mêmes scènes sous un autre habillage et d'y trouver certains mécanismes – oserais-je dire des automatismes ? - dans la description des personnages et de leurs intentions. Cela n'aura sans doute échappé à personne, les femmes tombent très souvent sur des hommes qui n'ont qu'une idée en tête : les besogner tant et plus et tant pis si elles ne sont pas d'accord.
Autre récurrence, l'apparition systématique des frères du Sât qui, à force, font plus office de pauvres pantins inutiles et bien démunis qu'autre chose. A l'occasion de l'une d'entre elles, l'image de X-Or, le fameux Shérif de l'espace que certains d'entre vous ont peut-être connu, m'a traversé l'esprit, presque malgré moi. A la fin des épisodes, après moult coups de pieds et pirouettes accessoires, X-OR débinait toujours ses adversaires de la même façon, d'un coup de sabre laser pourfendant l'air, action par laquelle il aurait pu s'épargner bien des plaies et des bosses en y recourant plus tôt. Aucun effet de surprise. Comme dans Soeur Onden, où c'est l'impression de redite qui prévaut.
Je regrette vraiment d'avoir été contraint de mettre un terme à ce voyage avant son terme. Je me console en me disant que je trouverai bien une navette pour une autre escale, quitte à retrouver plus tard une autre histoire de Pierre Bordage. Je n'ai pas de doute là-dessus.

La Fraternité du Panca. Tome 4, Soeur Onden, Pierre Bordage, L'Atalante, 448 p.

CITRIQ

22/06/2011

Les Visages / Jesse Kellerman

Ethan Muller dirige une galerie d'art. Entre l'installation des expositions, les catalogues à réaliser, les artistes à gérer, le temps libre est une denrée rare. Aussi, quand Tony, le bras droit et ami de son père avec lequel il n'entretient plus aucune relation, lui demande de le rejoindre d'urgence pour évaluer des œuvres dont il est entré en possession, Ethan est tout disposé à refuser. Mais la curiosité finit par l'emporter. Qui plus est, le résultat va bien au-delà de ses attentes. L'œuvre est magistrale, colossale, unique : des milliers de dessins et croquis qui, mis bout à bout sur leurs quatre faces - si tant est qu'il soit possible de les exposer en un même lieu - se combinent au point de révéler leur essence, tourmentée et exaltée. Sur certains d'entre eux figurent des visages d'enfants, enlevés et tués des années auparavant. Et Ethan ne peut même pas compter sur l'auteur de ces dessins pour en savoir plus à ce sujet. Il s'est tout simplement évaporé dans la nature et personne, pas même ses voisins, ne semble à même d'en donner une description concordante.

Il faut croire que le phénomène se répand. Une fois n'est donc plus coutume, on nous sert du thriller là où il n'y en a pas. Ce n'est même pas moi qui le dit mais Ethan Muller, le narrateur de cette histoire. Il a au moins le mérite d'être clair. Alors que s'annonce la fin du livre, il avertit même le lecteur de ne pas s'attendre à un énorme rebondissement ni à une quelconque scène d'action époustouflante. Par là même, il s'affranchit des codes, les détourne à souhait. On peut y voir là une volonté d'ancrer son personnage et son histoire dans une réalité, de rendre l'un et l'autre aussi crédibles et véridique que possible. Après tout, dans la vie, la vraie vie, les choses ne se passent jamais tout à fait comme dans un roman.
Ce genre de démarche est loin de me déplaire d'autant que le formatage thrilleristique sur les scènes de fin – action, parlotte, action, fin, voire double fin avec retournement de situation de derrière les fagots – a de plus en plus tendance à m'éloigner du genre.
Seulement un tel parti pris n'est pas non plus synonyme de réussite. Il n'a en tout cas pas été un élément déterminant à mon adhésion au roman. Ou à mon manque d'adhésion, en l'occurrence. Car cette volonté de raconter, de nous raconter une histoire comme si elle s'était réellement passée, souffre d'une construction pour le moins hasardeuse. La narration est en effet coupée d'interludes, visant à retracer les origines des Muller sur le territoire des Etats-Unis, au 19ème siècle. C'est d'abord intrigant, prenant aussi, même si on se demande ce que ça vient faire ici. A chacune de ces coupures on avance dans le temps. Puis les liens qui unissent tous ces personnages les uns aux autres s'éclairent.
Le problème en fait, c'est que dans ces évocations, Jesse Kellerman procède là encore à des flashbacks, certains n'étant d'ailleurs d'aucun intérêt et s'avérant du même coup assez poussifs. Lors des derniers interludes, il va même jusqu'à remonter à nouveau le cours du temps pour se consacrer à un personnage central de l'histoire. Ça ressemble un peu à du je m'arrange comme je peux pour tout dire et tant pis si c'est un peu cahin caha. Ça l'est.
On le devine, sans que l'on sache trop comment, l'ensemble des éléments qui sont rapportés dans ce contexte narratif sont connus de Ethan Muller. Aussi on s'étonne que les révélations qu'ils véhiculent ne transpirent pas dans ses réflexions ni ne sèment jamais vraiment le trouble en lui. Ce garçon là est insipide, les autres personnages aussi. La description de l'art contemporain qui est faite dans le roman l'est tout autant. Quant aux relations conflictuelles entre le père et son fils, peu explicitées, elles ont un arrière-goût d'artifice. Comme si elles n'existaient que pour les besoins d'un histoire, où tout arrive plus ou moins comme un cheveu sur la soupe. Alors je n'ai rien contre les cheveux, je n'ai rien contre la soupe mais quand ils entravent mes lectures, ça me navre.
Les Visages, Jesse Kellerman, traduit de l'anglais par Julie Sibony, Sonatine, 471 p.

14/06/2011

Homo erectus / Tonino Benacquista

Qu'on ne s'y méprenne pas. Avec son livre, Tonino Benacquista ne vient pas marcher sur les plates-bandes de J.M. Auel et de ses romans préhistoriques, même si dans son cas il est aussi question de l'évolution de l'homme avec, vous l'aurez remarqué, un petit "h". Raison pour laquelle sans doute, ce titre, Homo erectus, sonne comme un écho aux mutations successives que l'Homme a pu connaître depuis qu'il s'est dressé pour aller de l'avant, vivre et s'adapter à un environnement soumis lui aussi à de perpétuels remous.

Tonino Benacquista s'est arrêté sur notre époque, comme pour dresser une photographie de la complexité de la condition masculine aujourd'hui, de l'essence de ses aspirations, de ses doutes, de ses faiblesses et des moyens dont il dispose pour y faire face.

Dans ce livre, l'auteur est parti du postulat selon lequel il existerait une confrérie, une congrégation, un cercle – à chacun son terme – dans lequel des hommes se réunissent pour parler de leurs expériences sentimentales, de leurs échecs amoureux. Bizarrement, sans qu'il y ait d'explication rationnelle au phénomène, le nombre de participants à ces réunions reste toujours le même, à peu de choses près. Les hommes vont, viennent. Une fois, deux fois, sans cesse. Tour à tour ils prennent la parole, se livrent, exposent leurs cicatrices existentielles marquées au fer d'une palette d'émotions dont ils ne peuvent se départir : rancœur, jalousie, nostalgie, soif de vengeance... Et quand bien même chaque histoire se nourrit au fond du même matériau, l'amour, toutes trouvent leur déclinaison dans la personnalité des intervenants qui s'en font le relais ainsi que dans la disparité de la réception et de l'interprétation faite par les auditeurs. De sorte que dans tous les cas, chaque histoire revêt un caractère unique.

Tonino Benacquista nous propose de suivre trois hommes, trois témoins représentatifs de la diversité de la condition masculine. Denis travaille dans une brasserie. Il pense avoir subitement perdu tout attrait auprès des femmes. Yves est poseur de fenêtres. Sa femme l'a trompé et depuis, il consume son capital dans les bras de prostituées dont on lui a vanté les mérites. Quant à Philippe, c'est un philosophe bien connu du milieu intellectuel. Il porte encore sur ses épaules le poids d'une immense déception sentimentale que même l'aura d'une célèbre top model avec qui il entame une relation ne semble vouloir le délester.

Il y certains journaux qui dans leur cahier littéraire s'amusent au jeu des « en hausse » « en baisse » où, en l'espace de quelques lignes, des journalistes encensent ou descendent un bouquin. Il faut se méfier de ces petites bestioles dans lesquelles leur auteur s'essaye – ô malheur - à l'humour, histoire qu'on revienne y jeter un coup d'œil la semaine suivante. Car, si j'ai vu Homo erectus dézingué ici ou là, j'estime pour ma part avoir bien fait de ne pas succomber à ces sirènes répulsives. Non, Tonino Benacquista n'a pas écrit un nouveau Saga, ni un nouveau Quelqu'un d'autre. Non, il ne nous embarque pas dans le milieu de l'art contemporain ni ne nous invite à suivre les tribulations de mafieux. Il explore de nouvelles pistes. Avec toujours la belle inventivité et la fluidité sans faille qui le caractérisent. Au point même de nous faire regretter de quitter un personnage pour un autre, avant de nous happer aussi sec pour une nouvelle exploration des sentiments, et nous emporter finalement dans une ronde réjouissante.

La corde de l'émotion ? Oui. Mais qui oserait se plaindre de la voir ainsi se mouvoir sous l'impulsion de tels accents de vérité ?

03/06/2011

La Vie comme elle va / Alexander McCall Smith

Avant d'être bibliothécaire, j'ai été libraire, et avant ça encore, bibliothécaire. Si je vous dis ceci, ce n'est pas uniquement pour me péter les bretelles – mais quel super-héros qui s'est autoproclamé comme tel ne le fait pas, hein, dites ? - ni entretenir le gonflement de mes chevilles sous prétexte que sans ledit gonflement, mes chaussettes finiraient par retomber sur mon pied, mollassonnes et pathétiques. Non, si je vous le dis, vous pensez bien que cela a, aussi, un rapport avec le livre dont je vais parler aujourd'hui, à savoir La Vie comme elle va, 5ème tome des aventures de Mma Ramotswe signé Alexander McCall Smith.
Donc, si vous suivez toujours, après avoir été bibliothécaire et avant de le redevenir, j'ai été libraire. Dans un café-librairie. Anglais. En France. Un magnifique endroit, avec un plafond en pierres voûtées, ce genre de lieu où il fait bon lire en buvant un café, un thé – je ne faisais pas la bière -, ou un smoothie que je mettais huit plombes à préparer. En tant que préparateur de jus de fruits, je n'étais pas très doué. Ni en tant que libraire d'ailleurs. Mais à cette occasion, j'ai tout de même connu de beaux moments. Comme l'organisation de concerts de musique ou la mise en place d'un club de lecture. C'est à travers l'un de ces derniers que j'ai fait la connaissance de Mma Ramotswe, première femme détective du Botswana. Il y avait eu une dizaine de personnes pour venir parler des Larmes de la girafe, dont certaines (les personnes , pas les larmes) avaient vécu dans ce pays d'Afrique. Elles n'avaient bien sûr pas manqué de faire le parallèle entre la fiction avec la réalité. Deux aspects qui ne manquaient pas de points de concordance.
On ne peut pas lire les aventures de Mma Ramotswe sans avoir envie à un moment ou un autre de se rendre au Botswana.
« En Afrique, on était bavard, on s'interpellait d'un côté de la rue à l'autre ou à travers une étendue de savane, et peu importait si les passants entendaient. Des conversations entières pouvaient ainsi se tenir alors que l'on continuait à avancer chacun dans sa direction, parlant jusqu'à ce que les voix deviennent trop faibles ou trop lointaines pour être intelligibles, jusqu'à ce que les mots soient happés par le ciel. »
Alors bien sûr, le roman est traité sur le mode de la comédie, voire même de la fable ou du conte, l'approche pouvant même paraître un peu naïve par moments, mais la réalité, les préoccupations, les interrogations sur le devenir de ce pays, sur la perte des traditions, sur une modernité galopante et étouffante sont bel et bien là d'un opus à l'autre.
« Le Botswana avait été un pays à part et il le restait, mais il l'était davantage du temps où chacun, ou presque, respectait les anciens usages. Le monde moderne était égoïste et peuplé d'individus indifférents et mal élevés. »
Pour autant on n'éprouve jamais une quelconque impression de redite entre chaque aventure, et le texte ne connaît jamais de perte de vitesse. Pour la simple raison qu'il n'y en a pas, de vitesse. La vitesse, ici, elle n'a pas sa place. Il est même étonnant de voir qu'à l'heure où pas mal d'intrigues policières vont à cent à l'heure, carburent aux rebondissements, Mma Ramotswe trouve quant à elle son rythme de croisière dans un certain éloge de la lenteur et de la contemplation. Avec brio.
« Observer les gens et se demander ce qu'ils faisaient constituait un passe-temps traditionnel au Botswana. La nouvelle mode, qui voulait que l'on se montrât indifférent aux autres, semblait difficilement acceptable. Regarder les gens n'était-il pas un signe que l'on s'y intéressait, que l'on refusait de les traiter comme de parfaits étrangers. »
L'enquête ici est inexistante. On pourrait le regretter. Là encore, il n'en est rien. L'impact... non pas l'impact, le mot est trop fort, trop percutant... disons alors l'enthousiasme dans La Vie comme elle va, provient encore et toujours des personnages. Ils sont si marqués et si authentiques qu'il se rappellent à nous avec une facilité déconcertante, quand bien même on les a perdus de vue depuis longtemps. Cependant, cette fois-ci, l'enthousiasme vient aussi des rapports hommes / femmes qui sont dépeints.
« Nous savons toutes que ce sont les femmes qui prennent les décisions, mais nous devons donner aux hommes l'impression que ces décisions sont les leurs. Il s'agit d'un acte de charité de notre part. »
Ah ça, vous pouvez prendre n'importe quel homme de cette histoire, aucun n'a le beau rôle : perfide, sournois, calculateur, timoré, obsédé, vénal... Dis comme ça, ça fait très caricatural, mais c'est traité d'une telle manière que c'est en réalité très drôle.
Je le disais, l'envie de découvrir le Botswana est là. Mais je me connais, une fois sur place je serai sans cesse à l'affût de LA camionnette blanche de Mma Ramotswe. C'est dur parfois de faire la distinction entre la fiction et la réalité d'autant qu'on peut se poser la question de savoir si elle existe vraiment, hein... mais je ne vais pas ouvrir ce débat là, j'ai un bain de bouquins à prendre.
Pas facile d'être un super-héros des livres, moi j'vous l'dis...