Qui ? La question est
posée. J'allais dire qu'elle ne quitterait pas le lecteur de la
première à la dernière ligne mais en réalité ça peut ne pas
être le cas. Car personnellement, cette interrogation m'a assez vite
parue superflue. Pourquoi ? On va se pencher sur cette autre
question.
Qui ? C'est l'histoire
d'un meurtre survenu en 1994 à Carpentras, dans le lotissement du
Grand Chêne. Le meurtre d'une enfant, assassinée et violée. Jamais
résolue, l'affaire a beaucoup fait parler d'elle. Dix-neuf ans plus
tard, une émission télévisée revient sur les faits, remet en
perspective le déroulement de l'enquête, ses rebondissements. Le
soir de sa diffusion, quatre hommes la regardent, en compagnie de
leur épouse. Quatre hommes parmi lesquels figure l'assassin.
Ceux d'entre vous qui
auront déjà lu Jacques Expert savent l'attention toute particulière
qu'il apporte à la construction de ses histoires. Il les peaufine,
les soigne dans le seul but de surprendre le lecteur, de déjouer les
certitudes qu'il peut avoir. Adieu en est sans doute l'exemple le
plus révélateur. Le problème avec Qui ? vient paradoxalement
de cette attention portée à la construction du récit. En invitant
ouvertement le lecteur à devenir l'enquêteur de l'histoire, Jacques
Expert a trop verrouillé son récit. Derrière chaque indice
disséminé à travers la voix d'un des suspects, on devine sa
volonté d'ouvrir des pistes, lesquelles se referment presque
aussitôt lorsque la focalisation se fait sur un autre assassin
potentiel.
La faute en incombe peut-être à l'approche du récit. On prend en effet connaissance de
l'environnement de l'assassin dès sa prise de parole dès le
prologue : marié, père de deux enfants, fille et garçon, il
trouve une certaines quiétude dans le jardinage. Les quatre
hommes auront les mêmes
caractéristiques. Au fil des pages, le profil du tueur va s'étoffer et
chaque fois, chaque fois, les éléments qui le constituent pourront
s'appliquer à chacun des suspects. Ceux-ci semblent tous identiques,
presque indissociables. Si bien qu'au final, l'identité du meurtrier enfin
révélée ne surprend guère, quand bien même toute la construction du
récit s'articulait autour de sa divulgation. L'intérêt s'est
émoussé au fil de la lecture. Dommage, mais que ça ne vous empêche pas pour autant de lire les autres livres de l'auteur.
Qui ?, de Jacques Expert, Sonatine, 2013, 350 p.
5 commentaires:
J'ai entendu l'auteur lors d'une récente émission radio et j'ai eu envie de lire ce roman policier à la construction tout à fait originale, me semble-t-il. Ton billet me donne du coup envie de lire "Adieu" qu'une amie m'a prêté.
je trouve ton analyse du roman très pertinente. j'avoue que je n'avais pas vu cela sous le même angle, mais je comprends mieux pourquoi, alors que j'avais plutôt aimé le livre, je n'avais pas pour autant enthousiaste à sa lecture.L'auteur a effectivement trop verrouillé son récit.
Amitiés
@Sandrine: "Adieu" est vraiment remarquable. N'hésite pas à revenir me dire ce que tu en as pensé :)
@La petite souris: Content de te voir ici (mais bientôt j'espère en mode "live" à Frontignan) ! C'est d'autant plus dommage pour ce livre car j'étais impatient de le découvrir...
Tout l'art du polar, pour accrocher le lecteur, est de le surprendre en permanence. Chacun de nous a sa recette, que ce soit la fausse évidence, le coup de théâtre, tout est bon pour garder le lecteur enfermé dans les 300 ou 4000 pages...
Etre surpris a du bon, en effet, mais j'avoue aussi trouver parfois mon compte avec des héros récurrents où la surprise n'est plus de mise...
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