11/09/2010

Felicidad / Jean Molla

Imaginez un monde où le bonheur est partout, total, plus qu'à portée de mains : dans vos mains. Un monde où le bonheur affleure sans cesse de vos lèvres. Bonheur à toi, ma belle. Un monde merveilleux où les Parhumains, ces organismes issus de la génétique vous exemptent de toutes ces tâches ingrates et avilissantes qui brident encore et toujours la voie de votre épanouissement personnel. Un monde, enfin, où l'on est prêt à vous contenter jusqu'à instituer deux, voire trois, fêtes de Noël par an afin que vous puissiez consommer jusqu'à plus soif. Oui parce qu'acheter, encore et encore, encore et toujours, mes chers amis, c'est se faire plaisir et quand on se fait plaisir c'est... le Bonheur ! N'est-il pas merveilleux ce monde, hein, dites ? Vous l'imaginez ? Non ? Pas assez ? Attendez. Je précise un peu les choses. Sur Terre, il n'existe plus que trois grands Etats-Continents : Les Etats-Unis d'Australamérique, La Chinasie, et la Grande Europe. Dans chacun d'entre eux, vous trouverez un Président à vie. C'est tellement plus simple. Une seule ligne politique s'inscrivant dans la durée, il faut bien se le mettre en tête, cela évite bien des désagréments. N'ayez crainte toutefois, ces bouleversements ne se sont opérés que pour votre bien. Ce n'est pas pour rien, après tout si un ministère du Bonheur obligatoire a vu le jour.

L'Etat est le garant du Bonheur individuel. Il peut avoir recours à tous les moyens, y compris les plus définitifs, pour en faire bénéficier les citoyens.
Article 3 de la Constitution

Pour la plupart des analystes, le sentiment amoureux pour un parhumain est à placer sur le même plan que les pratiques fétichistes. On l'interprète généralement comme un signe d'immaturité. Le sujet, inapte; à diriger son désir sur un être réel, le projette sur un objet qui imite et contrefait l'humain et dont la charge fantasmatique est, à ce titre, considérable. Cette confusion – éminemment pathologique – entre l'original et sa copie doit être l'objet de toute l'attention du praticien et suppose une thérapie adaptée.
Traité de psychiatrie clinique, Dr Alain Cardon, Editions des GMR

Alors, quand je vous disais que ce monde là avait tout pour plaire ! Seulement, cet avis ne fait pas l'unanimité : un scientifique s'est amusé à jouer à Dieu le Père en trafiquant la dernière génération de parhumain, les Delta 5. La fonction de ces derniers était à la base de se transformer en Père Noël et de faire une surprise de choc à nos chères têtes blondes en passant par la cheminée ou tout autre passage un peu... étroit. Dorénavant, libérés de leurs mouchards, dotés de capacités physiques incroyables et à même de se transformer en ce que bon leur semble, l'équilibre des Grandes Nations est mis en péril. Heureusement, le ministère de la Sûreté intérieure qui a pour charge de veiller par tous les moyens à la préservation du Bonheur, dispose d'un agent redoutable, Alexis Decked. Ses états de service parlent pour lui. Il ne faut donc pas s'inquiéter.

Faites tourner, faites passer. C'est l'envie que l'on a en refermant ce livre qui mériterait une bonne tartine de superlatifs. Il me faudra pourtant résister à les utiliser car ils risqueraient alors de perdre de leur impact. Aussi je ne vais m'attarder que sur la mécanique de Felicidad, l'un des romans inaugurant la nouvelle collection poche pour ados des éditions Gallimard jeunesse, Pôle fiction (le livre étant initialement paru ici).

Il n'y a aucune difficulté à immerger dans la société dépeinte par Jean Molla. Le saut dans le futur qu'il exécute n'est pas vertigineux et les éléments qu'il apporte pour familiariser le lecteur avec celui-ci évoluent de concert avec l'histoire elle-même. De fait, je n'ai jamais eu l'impression d'avoir à subir une construction trop hachée, avec un discours descriptif d'un côté et, de l'autre, la fiction. Tous ces éléments s'imbriquent aisément, de manière à vous emporter très vite. Où ? Je ne vous l'ai pas dit ? Dans un monde mervei... effroyable – je reprends mes esprits - qui n'est pas sans rappeler ces dictatures où, pour le bien du Peuple, on a pu l'endormir puis véhiculer, voire appliquer, les idéologies les plus nauséabondes. Ici, les Bonheur à vous, lancés de manière mécanique résonnent comme des saluts d'un autre temps et dans lesquels résonnaient l'omnipotence d'un Pouvoir. Le Pouvoir, la marche du Pouvoir, ses rouages, ses dérives, la place de chacun dans la société, la vision de l'autre et l'accpetation de ses différences, Jean Molla aborde toutes ces thématiques sans céder à la simplicité ou à l'angélisme. Sous couvert de polar science-fictif, qui bien sûr fait penser à Blade runner (mais aussi, en ce qui me concerne à un vieux jeu sur amiga dont je ne parviens plus à me souvenir du nom...), l'auteur décrit un monde sous lequel on devine l'impact du passé, la marche du présent et une interrogation légitime pour un futur en gestation. Qui plus est, il le fait avec une histoire bien ficelée et des personnages aux apparences... trompeuses. Comme quoi, il faut toujours se méfier de tout, non ?

Merci une fois de plus à Brize pour m'avoir fait découvrir ce livre. Sa chronique est par là.

Faites passer, faites tourner !
CITRIQ

06/09/2010

may le monde / Michel Jeury

J’ai immédiatement répondu un oui de principe à la proposition de Biblioman(u) d’écrire ici, à l’occasion, quand le cœur m’en dirait. J’y avais pensé de mon côté. Puis, je crains de le dire, j’ai un peu dit non. Je lis beaucoup, ce qui ne signifie pas grand chose quant à la capacité de mes lectures. Particulièrement s’agissant de SF : je suis un dévoreur de mondes. Je crois sincèrement qu’alors je lis pour oublier. Un roman de SF est une branche d’où ululer dans mon coin à la lune. Je ne suis pas un lecteur éclairé de SF, je suis une sorte de taupe, j’y creuse mes obscurités. Entendons-nous : rien de plus facile que l’obscurité ; c’est la lumière qui est complexe. Je lis comme un ogre, un rien me guide vers mes cavernes aveugles – devine et songe. Ce qui à mes yeux me disqualifie complètement en tant qu’exégète. Je ne compte plus les chiteries que j’ai lues, soyons franc, aussi. Il me paraitrait fort peu élégant de commenter ces mésamours passagères ; on se trompe souvent quand on n’aime pas inconditionnellement. J’avais d’abord dit oui puis j’avais reculé. Ce n’est pas rare dans mon cas. Le ventre plus gros que les yeux. Je préférais me taire. J’avais connu certains petits mondo paradisio tout au long de l’été mais j’avais manqué de coup de foudre. On ne le dit pas assez : il arrive souvent que le plus gros travail soit celui du lecteur… Difficile toutefois de résister n’est-ce pas à un super héraut. D’autant qu’il est patient, attentif et toujours prêt à vous faire découvrir un nouveau livre, c’est-à-dire vous-même, cet autre ; sa sélection se fait de plus en plus serrée, il a ajusté ses antennes, il vous empathe pour finir tout entier ; à la fin de l’envoi il touche.

Animé d’une grande gaité de cœur, après que Livre-Homme-(Main), héraut aux supers pouvoirs, me l’a si justement et amicalement proposé à la lecture, je viens donc vous parler, à ma façon (désolé le cas échéant) de may le monde, de Michel Jeury, qui sort aujourd’hui, le zéro six zéro neuf deux zéro un zéro, en France, un peu partout. N’oubliez pas cette combinaison, elle pourrait bien vous ouvrir l’insoupçonné de votre propre monde.

M’est avis qu’existent autant de lectures d’un seul livre qu’il y aurait de mondes parallèles. Non. Qu’il y a de mondes parallèles. A la physique propre, la même une autre. Par exemple l'œuf monde Grandora où s’échangent des rires air-eau, tout gloutants. Où les apprentis-vivants nagent-volent à la rencontre du Mal, la foire aux proies. Les mondes 1 et 2 et celui de la lunatic fringe, marge et théâtre, hors du temps… Ces mondes ont l’air inventé, ce pourrait être ceux des rêves, dont on sait formellement qu’ils sont réels. Je vous les laisse découvrir par vous-même de la façon qu’il vous plaira. La particularité des parallèles est qu’elles ne se croisent pas. On passe de l’une à l’autre en sautant. Sautons à une autre lecture, voulez-vous ?

may le monde à n’en pas douter est un livre de SF. Il est une œuvre d’anticipation. Sa langue est déjà la nôtre, celle de nos enfants, de nos petits enfants, qui sait ? On pourrait la croire décalée, elle est logiquement (et joyeusement) futuriste. C’est dire si elle est attentive, ici et maintenant, à ce qui se dit dans le monde bonobo et alentour. Je ne vais pas vous la faire bonzarchic, voyez par vous-même.

may le monde à n’en pas douter est un livre de SF. Il est une œuvre d’imagination. De toute évidence ses personnages sont tous vrais, ils sont attachants, on les aime aussitôt. Pour autant ils changent d’identité tout le temps, font des sauts de côté, se forment puis se déforment dans un miroitement infini, de monde en monde. Changer/ ne pas est la grande affaire humaine, vous n’êtes pas d’accord ? Nous sommes ici en plein tourbillon. Qui est qui, on ne sait plus qui l’on suit. Filez les personnages, vous comprendrez.

may le monde à n’en pas douter est un livre de SF. Il est une œuvre d’idées. Sur le(s) monde(s), l’humanité, la vie et la mort, les êtres, tous les êtres, homme femme enfant, plantes et bêtes. Il est une œuvre de forêt, de foisonnement, d’ensemencement.

may le monde à n’en pas douter est une œuvre de Science-Fiction. Un auteur, Michel Jeury, y joue de tout son savoir, qui n’est pas mince, pour vous transporter de l’intérieur de votre quotidien vers la fiction. Rien ici n’est bizarre mais tout est étrange. Il tient du Docteur Goldberg autant que de Panthéra la panthère.

Autant de lectures que de mondes parallèles. Il y aurait tant et tant à dire. Lisez, à vous de jouer, à vous de sauter. Dans may le monde, bien sûr, il y a may. Comme joli mois de. Comme peut-être. Peut être, je devrais dire. Une fillette charmante, vivante à un point. C’est une autre lecture ici tout à coup, faite par un homme à une fillette malade, délicatement, chaleureusement, une lecture de chevet, un souffle dans la nuit, un espoir et une élévation, un calme et une rage, une réinvention… Et vice et versa.
On nous dit que Michel Jeury, auteur prolixe, fait retour à la Science-Fiction. Il me semble moi bien plutôt qu’il ouvre des perspectives le long desquelles j’espère me laisser changer à nouveau. Le plus tôt sera le mieux.

Merci aux éditions Robert Laffont et à Blog-O-Book pour cette lecture.

Torcol


may le monde, Michel Jeury, éditions Robert Laffont (Ailleurs et demain), 403 p.

02/09/2010

Une Brune aux yeux bleus / Charles Exbrayat

En ces temps de rentrée littéraire où, comme chacun sait maintenant, il faudra frayer son chemin à travers tables surchargées des libraires et les multitudes d'articles qui vont fleurir ici ou là. On aura l'impression que l'on parle toujours des mêmes livres jusqu'à l'indigestion. On aura notre petite polémique de l'année, les mêmes discussions sans fin à propos des livres qui seront noyés dans la masse, de ceux qui, si ça se trouve, ne seront même pas sortis des cartons dans l'optique des retours chez l'éditeur. En ces temps de remous répétitifs auxquels tous ceux qui attachent de l'importance à cette rentrée littéraire sont habitués, j'ai pour ma part décidé de parler d'un livre épuisé. Il se la raconte, là, le BiblioMan(u) hein ? Quel culot tout de même ! Il est là, bien au chaud derrière son petit écran à tapoter du clavier. Et vas-y que j'emprunte volontairement le Contre-Courant. Et vas-y que je surfe sur la vague snoboboïste !... pfff, franchement, c'est, c'est...

Frein aux ardeurs. Je n'exclus pas dans les jours ou les semaines à venir de parler des livres appartenant à cette rentrée littéraire. A vrai dire, certains me font déjà de l'œil, comme Corpus delicitis de Julie Zeh (qu'on m'a conseillé de lire à tout prix), L'Employé modèle de Paul Cleave ou même Les Artères souterraines de Warren Ellis. On verra. Rien n'est certain, hormis le fait que ce sont toujours les envies du moment, comme pour beaucoup, qui me guident.

Cette année, il aura fallu l'adaptation cinématographique de Ne vous fâchez pas Imogène pour que l'on reparle un peu de Charles Exbrayat, auteur ayant connu son heure de gloire pour ses romans policiers parus entre les années 50 et 80, ainsi que pour avoir dirigé la collection Le Club du Masque. Bien souvent quand on en l'évoque aujourd'hui, c'est par le biais de grands-parents ou de parents ayant conservé ses livres dans leur cave ou dans leur mémoire, livres qui, dans les deux cas, n'ont pas toujours pris la poussière. Cela peut paraître bizarre, mais je vous assure que lancer une discussion sur Chianti et Coca-Cola ou Les Blondes et papa peut engendrer des mines réjouies à leur seul souvenir de lecture.

Aujourd'hui, la plupart des livres d'Exbrayat sont épuisés. Si on veut en trouver il faut se tourner vers les bouquinistes, à moins de leur préférer les vides-greniers, où comme dans certaines attractions de fêtes foraines, à tous les coups on gagne. C'est à l'occasion de l'un d'eux que j'ai dégotté Une brune aux yeux bleus.

Dans les années 60, Deborah est une jeune bergère à qui père et frères ont appris à se défendre en toutes circonstances. La vie dans les Cévennes, entre Alès et Nîmes n'est pas faite pour lui déplaire mais certaines obligations l'obligent à se rendre à Annecy pour officier en tant que femme de chambre auprès des Nantilly, une famille appartenant à la haute-bourgeoisie savoyarde. Très vite mise au parfum par les autres domestiques, Deborah constate que derrière les artifices du prestige et de la bonne éducation se cachent en réalité les pires travers. Tous les membres de la famille convoitent en effet la fortune de l'Oncle Jérôme dont la mort tarde à venir... jusqu'à ce que quelqu'un se décide enfin à la provoquer.

A la lecture d'Une Brune aux yeux bleus, on ne peut que constater combien cette histoire a mal vieillie, combien l'écart entre cette société qui nous est dépeinte est la nôtre s'est irrémédiablement creusée, même si des constantes perdurent forcément. C'est en tout cas ce décalage qui surprend au début de la lecture. Le tout, en fin de compte, est de se laisser aller et de faire abstraction de ce dépaysement temporel. Si on y parvient on ne pourra qu'être enthousiasmé par le personnage de Déborah, la sublime Deborah, qui cogne à tout va en citant les Ecritures dès qu'on l'approche de trop près. On pourra aussi être sensible au comique des situations – bon, certaines scènes sont un peu trop grosses, je m'en voudrais de ne pas vous avoir avertis - et aux dialogues savoureux dans lesquels Exbrayat sait donner la part belle à chacun de ses personnages d'une manière si particulière, si vivante. Qu'importe alors si les noeuds de l'intrigue se dénouent trop facilement – les indices sautent aux pages comme des gyrophares dans la nuit –, on ressort de cette lecture avec un léger sourire aux lèvres, tout en comprenant pourquoi il est épuisé aujourd'hui.

Je ne saurais terminer ce billet sans vous inviter à traquer quelques titres d'Exbrayat dans les vide-greniers que vous rencontrerez sur votre route : Amour et sparadrap (l'art de la castagne entre irlandais et anglais), Tu n'aurais pas dû Marguerite, ainsi que ceux que j'ai cités plus haut, entre autres... La traque est lancée !

Pour finir, comme je n'aime pas partager mes lectures sans que les autres puissent en profiter sous prétexte qu'on ne peut plus les trouver, j'envoie Une Brune aux yeux bleus à la première personne qui me le demande. Et comme on me l'a bien fait remarquer, je ne suis certes pas un super-héros sachant voler dans les airs, mais je connais certaines formes de téléportation qui ne fonctionnent pas trop mal...

Une Brune aux yeux bleux, Charles Exbrayat, Club des Masques, 220 p.

26/08/2010

Le Trône de Fer. Intégrale 1 / George R.R. Martin

De mémoire, je crois ne jamais avoir lu ou entendu de critiques négatives sur le Trône de Fer. Bien au contraire, cette histoire de fantasy semble faire l'unanimité à tous les niveaux. Aussi, à force de m'entendre dire qu'il fallait absolument que je le lise, à force aussi de faire mienne l'idée que je devais bien avoir de la chance de ne pas l'avoir encore fait, ce n'est pas sans une certaine appréhension que je me suis lancé dans l'aventure. Je redoutais en effet de devenir la victime de ce phénomène courant faisant qu'après avoir entendu tant et tant d'éloges sur une œuvre, toutes les attentes la concernant ne sont finalement pas satisfaites ou comblées et que la déception soit au rendez-vous.


Eh bien, je ne serai pas celui qui fera la fine bouche ni celui qui trouvera à redire sur ce bouquin impressionnant. Pas l'once d'une remarque négative ne figurera dans ces lignes pour la simple et bonne raison que s'il y en avait une, voire même plusieurs, le souffle et la d
imension épique qui habitent ce premier tome de l'intégrale du Trône de Fer balayent tout sur leur passage.

J'avais déjà eu l'occasion de parler ici des Préludes consacrés à cet un
ivers médiéval développé (c'est le moins que l'on puisse dire!) par George R.R. Martin et des a priori pas toujours fondés touchant à ce type de manie des éditeurs, consistant à tirer sur la corde et faire paraître tout et n'importe quoi sous prétexte que c'est vendeur... Le Royaume des Sept Couronnes ne m'était donc pas totalement étranger. A vrai dire, la seule difficulté que j'ai rencontrée a été de me familiariser avec les personnages de l'histoire. Ils sont nombreux, appartiennent à des familles qui se sont mélangées et étoffées au gré des jeux du mariages et des manigances de Cour. Je me suis souvent référé à l'utile (!) liste des acteurs principaux du Trône de Fer pour savoir qui était le fils de qui, la soeur ou le frère de qui, quels liens unissaient les uns aux autres. Et une fois passé cette nécessaire difficulté – le foisonnement des personnages et la complexité des enjeux qu'ils suscitent étant essentiels à la marche du récit – je me suis littéralement laissé prendre au jeu. Je n'ai pas eu l'impression de lire une resucée de tous ces ouvrages de Fantasy auxquels je n'adhère plus depuis un moment déjà. Je ne vais pas refaire ici l'historique des griefs que je rencontre à l'égard du genre, je crois l'avoir déjà fait presque à chaque fois que j'ai parlé d'un ouvrage lui appartenant. Dans le Trône de Fer, point ou peu de magie, nul besoin de manichéisme forcené pour parvenir à captiver le lecteur. C'est le cœur des hommes - avec son lot de complots, de traîtrises, de courage, de couardise, d'amour, de veulerie et de complexité - qui fait battre celui de cette histoire où rien n'est jamais simple ni tranché.

L'étendue du Trône de Fer est encore vaste, il me reste pas mal de contrées à visiter, de personnages à rencontrer et d'aventures à suivre mais d'une certaine façon, j'ai déjà l'impression que George R.R. Martin a démontré qu'il est possible d'écrire une longue, très longue série, de Fantasy qui plus est, sans jamais lasser son lecteur. Dans tous les cas, on sera amené à en reparler.

CITRIQ

11/08/2010

Lectures de traverse

Parce que je commençais à me fondre un peu trop dans l'univers enivrant du Trône de Fer – voilà que je me mettais à donner du Ser à mes collègues de travail, à dégainer une dague imaginaire dès qu'une porte s'ouvrait par surprise, à frissonner, persuadé de me trouver à Winterfell rien qu'en ouvrant le congélateur – et parce qu'il faut bien aussi préparer la rencontre à venir au domaine de Bayssan avec Pascal Dessaint et Gianni Pirozzi en septembre prochain dans le cadre des Chapiteaux du livre, je me suis octroyé deux petites escapades littéraires bien différentes l'une de l'autre.



Pour la première, il s'agit des Derniers jours d'un homme de Pascal Dessaint, un roman bouleversant qui vous prend à la gorge dès les premières pages et qui ne doit jamais desserrer son étreinte jusqu'à son dénouement. Je n'en dirai pas plus pour le moment car ce grand, grand coup de coeur fera assurément l'objet d'un Blabla. A suivre, donc...

Pour ce qui est de la seconde escapade, on passe à un tout autre registre avec Des nouvelles de Mary, avant dernier opus des aventures d'Alex Cross, signé James Patterson. Depuis Le Masque de l'araignée, avec lequel je m'étais régalé voici plusieurs années, je suivais assez régulièrement les enquêtes de ce docteur en psychologie devenu flic, regrettant au final une écriture un peu trop légère et des situations abracadantesques. A la fin du Grand méchant Loup, servi par une traduction horripilante, je m'étais dit, c'est fini on ne m'y reprendra plus, faudrait voir à pas prendre les lecteurs pour des truffes. Mais voilà, c'est l'été, le moment parfois propice où on se plaît à s'adonner à la lecture popcorn et Des nouvelles de Mary s'est retrouvé dans mes mains au moment où se faisait sentir une fulgurante envie de lire un bouquin facile.[voix off : non mais regardez-le se dépatouiller avec sa tentative de justification : « je lis une daube après un livre splendide et j'ose les mettre côte à côte dans un même billet »... pfff, pathétique... tu parles d'une truffe, ouais!]

J'aurais pu craindre de me retrouver avec un popcorn un peu rance, un peu fade mais au final, pour être tout à fait honnête, c'est pas si mal. Il suffit de savoir à quoi s'en tenir. [voix off : il insiste le bougre!] C'est pas de la grande littérature, les chapitres sont courts, voire très très courts, c'est parfois écrit comme on jette du plâtre sur un mur sans le façonner après coup, le bonhomme se répète un peu beaucoup, mais allez comprendre, ça a fonctionné sur moi. Sans doute aussi parce que dans cette histoire de meurtres en série perpétrés sur des actrices de cinéma, on ne se retrouve pas une nouvelle fois avec le serial killer rencontré deux et trois livres auparavant. A lire, donc, tout en sachant qu'il ne restera certainement pas gravé dans la mémoire.

Voilà, alors après ces deux escapades, je m'en vais trouver refuge dans le Donjon Rouge...[voix off : à coup sûr, vous allez voir, il va oublier de prendre une lanterne.]

05/08/2010

Le Filet d'Indra / Juan Miguel Aguilera

Parmi tous les aspects abordés par la science-fiction, j'ai un faible pour les récits archéologiques. Vous savez, ces histoires où des vaisseaux atterrissent sur des planètes désolées où l'on a découvert les signes d'une civilisation ancienne, disparue dans d'étranges circonstances et qu'il conviendra naturellement de déterminer. Mais c'est pour les histories où d'énigmatiques et très anciens artefacts sont localisés sur la surface de la terre que mon faible est bien plus prononcé. Dans quel but sont-ils là ? Quels sont leurs fonctions ? Qui les a créés ? Que se passera-t-il si nous jouons aux apprentis sorciers avec eux ? Autant de questions qui ont la faculté de mettre mon imagination en ébullition et de lui faire emprunter des chemins insoupçonnés à mesure que l'histoire progresse. Si tant est que tous les éléments soient réunis pour y contribuer, comme ça a par exemple été le cas avec Anciens Rivages de Jack Mcdevitt. Ceux qui ont la chance de se le procurer – il est malheureusement épuisé – pourront découvrir un ouvrage prenant et facile à lire, auquel il n'aura manqué qu'une suite.

Mais en attendant, si vous partagez ce faible avec moi, si vous voulez découvrir Juan Miguel Aguilera – personnellement, j'ai trouvé ses livres assez inégaux - ou si, tout simplement, vous voulez vous laisser emporter par une histoire de science-fiction digne de ce nom, le Filet d'Indra devrait vous convenir. L'histoire, je vous l'ai presque déjà dévoilée. Cette fois-ci c'est un satellite qui révèle la présence d'un artefact – une géode de deux kilomètres de diamètre - enfoui sous terre dans le nord du Canada. Aussitôt découvert, une équipe de scientifiques est dépêchée sur les lieux pour tenter d'en déterminer l'origine. Les premiers résultats sont pour le moins surprenants : l'objet aurait plus de deux milliards d'années et sa forme n'a rien de naturelle.

Sur la base de cette histoire, Juan Miguel Aguilera embarque le lecteur dans un voyage trépidant où, une fois n'est pas coutume en science-fiction, se pose en toile de fond la question de la place de l'homme dans l'univers. On pourrait en avoir marre d'être une nouvelle fois confronté à cette grande question du Que suis-je ? Que fais-je ?, moi, dans cette immensité vertigineuse et oppressante. Mais là encore, une fois n'est pas coutume bis, tout dépend de la manière dont le sujet est traité et de l'angle d'approche adopté par l'auteur. Dans le filet d'Indra, Juan Miguel Aguilera ne déçoit à aucun moment. Peut-être parce qu'il conjugue habilement action, rebondissements et réflexion, ne provoque jamais de dichotomie trop franche (et trop barbante pour la peine) entre l'histoire elle-même, ses composantes, et la thématique sur laquelle elle s'appuie. Et peut-être aussi parce qu'il s'écarte des poncifs du genre, laisse la part belle à l'imagination en favorisant l'éclosion d'images fortes, dépaysantes, vertigineuses, induites par l'exploration d'un monde où tout est encore mystère et découverte. Où l'Inconnu n'a pas fini de nous surprendre...

Le Filet d'Indra, Juan Miguel Aguilera, traduit de l'espagnol par Christophe Josse, L'Atalante (Dentelle du cygne), 384 p.
CITRIQ

27/07/2010

Flashforward / Robert James Sawyer

Il est fort probable que le titre de cet ouvrage – et la couverture aussi tant qu'on y est – vous fasse penser à la série du même nom. Oui remarquez, c'est normal. C'est en effet le livre qui a poussé les scénaristes à adapter le roman de Robert J. Sawyer... en prenant son lot de libertés au passage et en façonnant le tout pour lui donner un format à même de séduire les producteurs et les spectateurs. Entendez par là que les personnages n'ont plus rien à voir avec ceux du livre et que l'action se focalise essentiellement aux Etats-Unis. Comme je passe très peu de temps devant les écrans, je comprends néanmoins aisément pourquoi les gars de la télé se sont emparés d'une telle histoire : le postulat de départ est captivant mais, plus encore, il est la base même d'une multitude d'histoires à raconter.

Je ne vais de toute façon pas vous parler de la série, je ne l'ai pas vue, et j'ai semblerait-il bien fait puisqu'elle a eu un effet flop complet. Enfin presque total. Suffisamment gratiné en tout cas pour ne pas remettre le couvert pour une saison supplémentaire.

Bref, il est tout de même temps pour moi de vous raconter l'histoire parce que mes nouveaux luminocapteurs lacrymologiques (une merveille ces petites bêtes!) m'indiquent que certains lecteurs de ce blog n'ont jamais entendu parler ni de la série, ni du livre. En avril 2009, au sein du CERN, l'organisation européenne pour la recherche nucléaire, une équipe de scientifiques menée par Lloyd Slimcoe et son associé Theo Procopides, procèdent aux derniers préparatifs de leur expérience dont le but avoué est de détecter le boson de Higgs. Ne me demandez pas de vous expliquer dans le détail ce que c'est, mais en gros, si j'ai bien compris, c'est un transfert de masse des particules consistant à recréer les conditions du Big Bang, sans le provoquer stricto sensu, cela va de soi. En très très gros, c'est une salade de particules malaxées en tous sens et, dans tous les cas, si le résultat est concluant, les conséquences pour la science seraient de l'ordre du révolutionnaire.

Seulement l'expérience ne se déroule pas du tout comme prévu. Pour des raisons qui restent encore à déterminer tous les humains se sont endormis instantanément dès la fin du compte-à-rebours. Mais plus qu'un simple sommeil, la plupart d'entre eux ont eu accès à une fenêtre de 1 minute quarante trois secondes sur leur futur, vingt et un an plus tard. A leur réveil, cependant, le monde est sens dessus dessous. Cette coupure momentanée n'a pas été sans conséquences et les décès sont nombreux : accidents de voiture, d'avions, chutes, incendies, opérations chirurgicales délicates interrompues... en plus des questions existentielles et les désordres personnels suscités par les visions, le monde doit se reconstruire, panser ses plaies.

Casse-gueule comme histoire, non ? Parce que c'est joli comme ça sur le papier, mais mine de rien l'auteur doit rendre tout ça crédible, maîtriser l'ensemble des implications de son scénario tout en s'attachant à ses personnages, à les faire évoluer au milieu d'un monde soumis au désordre le plus total. Du point de vue des répercussions de la catastrophe tant au niveau psychique que matériel, Robert J. Sawyer ne s'en sort vraiment pas trop mal. Il maîtrise l'environnement de son histoire et parvient à lui donner une tonalité assez plaisante. En revanche, il n'en est pas de même pour ce qui est des questions engendrées par les visions, sur les possibilités de chacun d'altérer le cours de son histoire et de l'Histoire en général. Libre arbitre ? Pas de libre arbitre ? Tout est-il tracé d'avance ? La ligne du futur est-elle aussi immuable que celle du passé ? Toutes ces questions n'ont rien de bien originales, soit, elles restent de l'ordre du connu et ne datent pas d'hier mais elles n'ont rien perdu de leur intérêt. Ce qui m'a gêné dans leur approche,et qui a, par la même occasion, altéré mon plaisir de lecture, c'est le contexte dans lequel les personnages se les posent. Prenez Lloyd Simcoe, par exemple. Suite à sa vision il n'a de cesse de se demander s'il doit se marier ou non avec sa compagne du moment et c'est pratiquement là sa seule préoccupation. Un peu léger au regard de la catastrophe sans précédent dont il semblerait qu'il soit à l'origine avec son expérience, non ?

D'autres éléments de la sorte, des aspects un peu invraisemblables, font perdre du crédit au récit, comme par exemple cette femme à qui il tarde presque de retourner travailler sur le site du CERN alors qu'elle vient de découvrir le corps sans vie de son enfant. Pour le moins surprenant.

Même la pointe de mystère planant autour de l'assistant de Slimcoe, Theo Procopides, n'est pas parvenue à m'intéresser véritablement. Lui n'a pas eu de vision ce qui laisse entendre qu'il sera mort d'ici 21 ans et grâce à divers témoignages rapportés par des tierces personnes, il met tout en œuvre pour découvrir les raisons de sa disparition et modifier le cours de son existence.

C'est finalement, je crois, la superficialité des personnages qui dessert ce livre, qui empêche d'y adhérer totalement. C'est d'ailleurs bien dommage parce que pour le reste, comme je l'ai dit, le potentiel de l'histoire est énorme, les trouvailles sont là, les détails aussi et les questionnements qu'il soulève sur nos choix, sur la marche du temps et la manière dont on l'appréhende sont tout à fait intéressants. Flashforward aurait pu être un très bon livre, il n'en est qu'un ersatz.

Peut-être aurez-vous un tout autre aperçu de ce roman, qui sait, avec Brize qui a mis sa chronique en ligne en même temps que moi (c'est pas beau ça, hein ?). Et comme je ne sais pas ce qu'elle en a pensé ne m'en veuillez pas si je déserte momentanément ce blog pour aller voir ça de plus près....

Flashforward, Robert J. Sawyer, traduit de l'américain par Thierry Arson, Milady, 384 p.
CITRIQ

20/07/2010

Les Naufragés de l'entropie. 2, Les Manuscrits de Kinnereth / Frédéric Delmeulle

Voici donc la suite très attendue de La Parallèle Vertov. Enfin, quand je parle de suite, ce n'est pas tout à fait exact. Comme l'avait en effet annoncé Frédéric Delmeulle dans plusieurs interviews consacrées à son travail en général et au premier opus des Naufragés de l'entropie en particulier, il n'est pas nécessaire d'avoir lu ce dernier pour apprécier Les Manuscrits de Kinnereth. Mieux, les lire dans le désordre ne risque en rien d'entacher le plaisir que l'on peut en retirer, et il faut d'ailleurs voir dans cet aspect l'un des - nombreux – attraits de cette série. Une série qu'on aurait d'ailleurs envie de voir se prolonger un bon moment, surtout si Frédéric Delmeulle parvient à maintenir ce niveau de qualité, cette virtuosité dans l'art de jouer avec le lecteur et de l'emmener vers des sentiers loin d'être battus et rebattus, malgré les premières apparences, quand bien même, c'est bien connu et tout à fait justifié ici, il faut s'en méfier.
Avec cette histoire de manuscrit retrouvé en d'étranges circonstances et signé de la main d'un proche de Jésus, un de ces manuscrits à même de faire trembler jusqu'aux fondations de l'Eglise Catholique, le premier réflexe est de se dire : «Et voilà, c'est reparti pour une Da Vinci connerie! ». Sauf que d'entrée de jeu – il joue, je vous dis, il joue – l'auteur nous rassure sur ce point.
Je crois que plus personne n'oserait raconter ce genre de choses aujourd'hui. Les temps ne sont plus au Da Vinci Code, Dieu merci!
Ouf !
Ensuite, lorsque les heureux protagonistes de cette folle aventure - dans laquelle figurent au casting le père de Child Cachoudas, évaporé dans le temps, l'ancienne compagne de ce dernier, sa fille, un groupe de rockeurs sexagénaires ainsi qu'un fonctionnaire de L'ONU – font route ensemble pour tenter de remonter la piste du cher disparu et se retrouvent grâce au sous-marin Vertov pour assister à la crucifixion de Jésus, on se dit une nouvelle chose, à savoir que l'on va avoir droit à une version revisitée de Voici l'homme de Moorcock, où le voyageur temporel n'endosse rien de moins que l'habit et la personnalité de Jésus. Ben tiens!
Cependant, c'est dans un tout autre périple que nous emmène Frédéric Delmeulle, fait celui-ci du matériau de l'Histoire, de l'Humain, de la Religion et des croyances qui lui sont inhérentes. C'est un voyage à la saveur particulière, appréciable, où tous les éléments qui le constituent sont à leur place, imbriqués les uns dans les autres, infiltrés dans et par les éléments de la Parallèle Vertov pour constituer, tout compte fait, un ouvrage original à mille lieux des sentiers battus et rebattus dont je parlais plus haut. Le tout servi indéniablement par l'humour, la finesse, l'érudition, et le plaisir du jeu, de l'écriture.
Et pour ne rien oublier, il convient de parler du final parce que des comme ça, où on ne s'appuie pas cette fois-ci sur d'autres références, où on se laisse prendre par le vertige des révélations, où l'on mesure la dimension réelle du bouquin, alliant divertissement et réflexion, des finals comme ça, je vous dis, on n'en voit pas tous les jours. Alors on savoure... en attendant une prochaine pépite.
Les Manuscrits de Kinnereth / Frédéric Delmeulle.- éditions Mnémos (Dédales), 286 p.
CITRIQ

01/10/2009

Communiqué


BiblioMan(u) a perdu la majorité de ses pouvoirs. Il se serait échoué dans un livre dont il ne parviendrait pas à ressortir malgré son envie constante de découvrir encore et encore de nouveaux auteurs, de continuer l'exploration de ceux qui l'ont émerveillé. Et avant que toute communication soit définitivement rompue avec lui, nous avons tout de même pu lui poser certaines questions.

‒ Qu'est-ce que tu fous, bordel ?

‒ Ben quoi, ça se voit pas, je lis.

‒ Et t'en es à quelle page, parce que ça fait un moment que t'as plus écrit là, tu t'en rends compte?

‒ 1435.

‒ Et c'est bien ?

‒ Super.

‒ Monsieur nous a habitué a être plus bavard. Qu'est-ce qui se passe?

‒ Je lis.

‒ Et peut-on espérer que BiblioMan(u) la grosse tête nous fasse part de ses commentaires.

‒ Hum... ?

‒ Et peut-on espérer que....

‒ Si je le fais, ce ne sera pas avec mon costume.

‒ Quoi ?

‒ Grommfff... on était vraiment obligé d'en arriver là ? J'ai perdu mes pouvoirs, voilà.

‒ Non ?

‒ Si.

‒ Oh, mon dieu, mais c'est terrible !

‒ C'est une question de point de vue. Moi je trouve pas ça si mal. Il est temps de passer à autre chose.

‒ Ah, et c'est quoi autre chose ?

ça, par exemple, qui me tient vraiment à cœur et où je pourrai toujours écrire des chroniques sur le blog Blabla , et à plein d'autres projets qui fourmillent de ci de là et qui ne demandent qu'à voir le jour. Autre chose, quoi. Qui change, qui se renouvelle et ne s'ancre pas, d'une certaine manière, dans une sorte de routine ronronnante.

‒ Alors voilà, c'est tout, c'est fini ?

‒ Ouaip'. Je lis.

‒ Et quand t'auras fini de lire, tu vas faire quoi ?

‒ Prendre un autre bouquin et... aller lire les autres blogs où tout un tas de passionnés s'en donnent à cœur joie, notamment Jean-Marc, Sandrine, Claude, Brize, El JC, Henri la grande gueule et de tant d'autres. Ah, et puis faudrait pas qu'elle croit que je l'oublie, La Manu ! Parce qu'il va sans dire que j'aurai toujours un énorme plaisir à lire ses chroniques, et à lui laisser des commentaires pour qu'elle lise enfin Le Croque-Mort a la vie dure !

‒ Oh, arrête... tu vas nous faire chialer...

‒ …

‒ …

‒ …

‒ … et là, tu lis toujours ?

‒ Oui. Je garde tout en mémoire, et puis, je tourne la page.

28/09/2009

Blabla



A l'heure où j'écris ces lignes, Blabla est encore sur la rampe de lancement. Le décollage est prévu aujourd'hui à 12 h 10 de notre méridien. Et si vous vous demandez à quoi peut bien ressembler ce module c'est par ici :

22/09/2009

Le Festin d'Alice / Colin Thibert


Découvrir un auteur, en ce qui me concerne, c'est un peu comme débarquer en territoire inconnu. Je suis d'abord un peu déboussolé, désappointé. Et puis, une fois mes marques prises, j'observe, j'explore, je m'imprègne et, au final, soit j'espère me retrouver en terrain connu, sur des rivages plus cléments, soit je profite pleinement du séjour et, quand vient la fin, je ne demande rien de mieux que de revenir sous les mêmes latitudes, avec l'espoir et la ferme intention d'être à nouveau surpris.

C'est sur cette dernière impression que j'ai terminé Le Festin d'Alice. Jusqu'à présent, je ne connaissais de Colin Thibert que le nom, pour l'avoir aperçu sur les étagères des librairies ou des médiathèques, sans jamais franchir la frontière qui me mènerait à son univers. Et pour tout dire, dans les premiers chapitres de cette histoire ô combien savoureuse, je me suis plusieurs fois demandé dans quoi j'avais bien pu m'embarquer.

Le Festin d'Alice commence en effet sur les chapeaux de roue avec une descente de police d'envergure. Il ne s'agit pas de débouler sur la scène d'un braquage ni d'appréhender de gros revendeurs de drogue. Non, l'interpellation s'effectue dans un appartement-ravioli, où une vieille Chinoise coordonne la cuisine de plats asiatiques dans des conditions ignorant les normes d'hygiène et de salubrité, le but étant de les revendre ensuite à des restaurants chinois. En amateur de science-fiction, je me suis félicité que l'odorama pour les livres n'ait tout compte fait pas encore été inventé - ici, l'évocation se suffit à elle-même. Mais tout de même, la scène surprend par son côté surréaliste ; par sa disproportion au regard des faits. Seulement, en ouvrant la fenêtre du quotidien, sur lequel le polar semble désormais avoir pignon sur rue, je me suis rendu compte que non, à bien y réfléchir, ce n'était pas si absurde - après tout, on voit bien des bambins en garde à vue pour moins que ça...

Cette fenêtre, Colin Thibert prend soin de la laisser ouverte tout au long de son récit, en jouant sur l'humour et le divertissement. Alors, on se familiarise avec cette magnifique Alice, cette somptueuse Alice, cette envoûtante Alice, fonctionnaire à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qui, contre toute attente fait main basse sur le magot de la vieille Chinoise, ainsi que sur un carnet dont elle espère bien tirer profit. Pour cela, elle entraîne dans son sillage un ancien chercheur au CNRS devenu traducteur. Et bientôt, la mafia chinoise se met de la partie.

Chassés-croisés, quiproquos, coïncidences, l'histoire roule et se déroule, servie en cela par toute une galerie de personnages auxquels on peine à trouver des qualités, même si, d'une certaine façon, c'est aussi cet aspect qui les rend si drôles et sympathiques, contribuant à faire du Festin d'Alice un roman qui ne manque ni de piquant, ni de... croquant.

Le Festin d'Alice, Colin Thibert, Fayard noir, 361 p.

Ainsi soit-il / Eli Gottlieb

A l'image de ce roman, je vais faire dans la brièveté. Enfin, je vais m'y essayer...
La mort tragique de son ami d'enfance pour lequel il vouait une admiration presque démesurée est l'occasion pour Nick de mettre noir sur blanc la souffrance qui l'habite et le ronge au jour le jour. Crise de la quarantaine, dit-il pour se rassurer, mais la source de sa douleur est bien plus profonde. En songeant sans cesse à Rob, jeune écrivain talentueux qui aurait tué sa compagne avant de se donner la mort à son tour, Nick ne fait rien d'autre qu'ouvrir la boîte aux secrets, laissée jusqu'à présent aux bons soins du subconscient.

Ainsi soit-il n'est pas un roman exceptionnel comme la collection de l'ouvrage nous inviterait à la penser. Au contraire. Il se lit aisément, ce n'est pas le problème mais il possède malheureusement un problème de taille : il fait preuve d'un manque d'originalité total. J'ai eu tout au long de sa lecture l'impression d'avoir déjà lu maintes et maintes fois la même histoire sous d'autres plumes. Les révélations qui sont faites sont pour le moins attendues. Et celle qui conclut le livre, qui se voulait de taille, ne percute pas et ne surprend pas non plus.

En un mot : bof.

Une impression partagée avec Brize

Ainsi soit-il, Eli Gottlieb, traduit de l'américain par Nathalie Perrony, 10- 18 (Les exceptionnels) 280 p.

13/09/2009

Les Voies de l'ombre. Tome, Stigmate / Nathalie Hug et Jérôme Camut


La suite, donc. Voici un peu plus d'un mois, je vous avais fait part de mon engouement pour le premier tome des Voies de l'ombre, Prédation, de Jérôme Camut et Nathalie Hug. Sans même penser une seule seconde que la déception pourrait être au rendez-vous, je me suis naturellement engouffré dans ce deuxième tome, pour retrouver Kurtz et tous ceux qui gravitaient autour de lui : chasseurs, traqués et victimes, alliés... ces catégories pouvant parfois se confondre tant les frontières entre les uns et les autres sont devenues logiquement et presque inévitablement floues.
Continuant d'affiner la psychologie de Kurtz, notamment à travers ses carnets qui ponctuent le récit, les auteurs en profitent aussi pour dépeindre les impacts et les cicatrices laissées sur les survivants de ce tueur hors norme. Et si, une fois de plus, le livre se lit assez vite – les phrases sont courtes, le style est alerte, comme on dit –, il n'en reste pas moins que plusieurs aspects, s'articulant sur divers pans de l'histoire, m'ont tour à tour interpelés, voire agacés jusqu'à freiner l'élan qui m'avait porté sur cette lecture.
La démonstration tendant à prouver que Kurtz n'est ni une bête ni un monstre sommaire, mais bel et bien un humain victime d'une société incurable, incapable de se contrôler et multipliant les dérapages de toutes sortes, ne m'a pas semblé concluante. Contrebalancée par les situations auxquelles le tueur manipulateur s'est trouvé confronté, celle-ci a même perdu de son crédit.
A travers plusieurs scènes, c'est en effet le côté surhumain qui ressort. S'il est aisé d'accepter l'intelligence du personnage, de la considérer comme le canevas essentiel de l'intrigue, il est plus difficile en revanche, la lecture faisant son petit bonhomme de chemin, de l'appréhender comme normale, ou humainement normale. Car c'est cela qui m'a gêné en fin de compte, de ne jamais avoir de surprise quant au sort de Kurtz, de ne jamais douter de son issue, même lorsqu'il semblait pourtant bel et bien plié.
Ajoutez à cela des scènes frôlant l'invraisemblable, des tergiversations et des réactions des victimes du tueur parfois difficilement crédibles, et le fait aussi que les carnets de Kurtz, dans ses invectives contre l'homme en société, m'ont farouchement rappelé un certain nemo on the net de Malhorne (un petit air de redite), et je referme le livre un tantinet déçu, même si je ne l'ai pas lu sans déplaisir non plus. Mais bon, autant j'avais tourné, viré autour de mes livres pour changer d'horizon alors qu'en fait je n'aspirais qu'à retrouver l'ambiance du premier tome des voies de l'ombre, autant je ne sais pas si je tenterai la plongée dans le troisième.
Les Voies de l'ombre. Tome 2, Stigmate, Le Livre de Poche (Policier/Thriller), 593 p.

02/09/2009

La Rivière rouge / John Hart

Cela fait maintenant cinq ans qu'Adam Chase s'est vu obligé de quitter sa ville natale pour New-York. Après avoir été acquitté du meurtre d'un jeune étudiant, il n'avait pas supporté les soupçons que sa famille portait encore à son égard. Et pour cause ! Sa belle-mère, la femme de son père, avait témoigné contre lui lors de son procès, persuadée de l'avoir vu commettre le crime.
Mais Adam ne voit pas d'autre alternative possible que de revenir chez lui dès lors que son ami d'enfance lui demande de lui porter secours, sans être plus précis pour autant. Seulement, à peine de retour, voici qu'un nouveau cadavre est découvert. Et comme de bien entendu, Adam devient le suspect idéal.

Je décrirais volontiers mes livres comme des thrillers ou des romans à énigmes mais ils tournent aussi autour de la famille. […] J'ai souvent dit que les dysfonctionnements familiaux constituaient une matière littéraire très riche, et c'est vraiment le cas. C'est un terreau fertile, idéal pour cultiver les secrets et les coups bas, et en faire des histoires explosives. (John Hart)

Voilà exactement le genre de thriller n'ayant pas d'autre prétention que celle de raconter une histoire et de se jouer du lecteur en l'amenant à explorer des pistes dont il se doute bien qu'elles le mèneront à des impasses. A ce titre, John hart est assez habile dans la manière qu'il a eu de tisser les fils de son intrigue. Bien évidemment, on le sait d'emblée, le retour d'Adam et le nouveau meurtre qui survient aussitôt, seront l'occasion d'éclaircir la première affaire encore jamais élucidée. Et l'auteur, par petites touches subtiles distribue toutes les cartes au lecteur, de sorte que celui-ci se trouve au fur et à mesure en possession de plusieurs mobiles, tenant tous la route. Et si l'identité du coupable lui a déjà effleuré l'esprit, c'est avec une phrase, une seule, une phrase à vous glacer les sangs, que la révélation s'opère.

Comme souvent maintenant, il convient de ne pas toujours faire confiance aux références citées en quatrième de couverture (John Hart, selon le Bookmark magazine soutiendrait la comparaison avec Raymond Chandler et John Grisham – j'en vois déjà qui grincent des dents. La Rivière rouge ressemble sans doute à bon nombre de thrillers, jouant sur des leviers qui ont fait leur preuve, mais John Hart a tout de même su y distiller une atmosphère prenante, si prenante que le livre se lit vite, très vite. De là à dire qu'il laissera un souvenir impérissable, ça, c'est une autre histoire...

La Rivière rouge, John Hart, traduit de l'anglais par Hélène Hiessler, JC Lattès, 405p.