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03/08/2013

Ciels de foudre / C.J. Box


Oui je sais. Dans la dernière chronique, je vous avais fait miroiter un billet sur L'Arbre à bouteilles et En attendant la vague. J'avais juste oublié que C.J. Box était passé avant et je voulais en parler avant que ma mémoire ne l'égare complètement. Parce que, à mon humble avis, ce Ciels de foudre ne fera pas date.
  
Tandis qu'il ramène chez elle l'amie de sa fille Sheridan, Joe Pickett, garde-chasse du Wyoming, est témoin d'une violente rixe impliquant le père de la jeune fille et ses deux frères. Leur mère Opal Scarlett à peine disparue dans la rivière, les voilà qui se déchirent pour la succession du ranch dont l'étendue et le potentiel en font l'un des plus prestigieux de la région. Alors que la rivalité qui oppose les trois hommes bouleverse l'équilibre de Saddlestring et de ses environs, un homme, John Wayne Keeley, prépare sa vengeance à l'encontre de Joe. Il ne compte faire aucun quartier...

Il fallait bien que ça arrive à un moment ou à un autre. A force de dire là, et là que C.J.Box montait à chaque fois d'un cran dans ses enquêtes consacrées à l'inspecteur Joe Pickett, je me doutais bien que ça ne pouvait pas durer. Je n'espérais pas un essoufflement, j'avais juste dans un coin de la tête l'idée qu'il pourrait survenir à un moment ou à un autre. C'est parfois le cas avec les héros récurrents. Ils nous deviennnent tellement familiers qu'ils ont parfois du mal à nous surprendre. Les schémas se répètent, de même, semble-t-il, que les scènes de leur vie quotidienne, par lesquelles nous sommes aussi venus à les apprécier. C'est le cas ici, que ce soit dans l'opposition entre Joe et sa hiérarchie ou dans les déboires familiaux qu'il rencontre, notamment avec sa belle-mère, revêche parmi les revêches.


Esoufflement aussi, peut-être, parce que C.J. Box, avec l'apparition de John Wayne Keeley, va puiser dans une précédente enquête pour en constituer une nouvelle. Comme s'il n'avait pas pu trouver le moyen de se renouveler autrement, le temps de ce roman. Une petite facilité bien utile en tout cas pour relever une intrigue peu enthousiasmante. L'opposition des frères Scarlett et le mystère planant autour de leur mère, de ce qu'elle est devenue, ne sont en effet pas des plus palpitants. Si C.J. Box maîtrise son cadre, le Wyoming et ses grands espaces, s'il maîtrise aussi ses personnages clés, il ne parvient pour autant jamais à surprendre. Ciels de foudre, malgré son titre est un livre qui ronronne, d'une absence évidente de nuances. Et c'est d'autant plus surprenant que C.J. Box, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, ne nous avait pas habitué à ça. Qu'à cela ne tienne, ça ne m'empêchera pas de juger sur pièces avec le prochain...

Ciels de foudre, C.J.Box, traduit de l'américain par Etienne Menanteau, Seuil (Points), 2010, 340 p.

19/07/2013

Une Fiat rouge, un livre qu'a fait Tropper, des QR-Code étranges et Miséricorde

Une fois n'est pas coutume, les lectures s'enchaînent sans que je prenne le temps de coucher mes impressions sur le clavier au fur et à mesure. Alors voici un nouveau petit diaporama des livres lus ou écoutés dernièrement. Au programme : un peu de tout.

En travaillant en médiathèque, vous vous doutez bien que la tentation est grande d'emprunter les bouquins. D'autant plus lorsque ladite médiathèque est imposante et que le budget suit. Je ne dis pas ça pour enfoncer le clou auprès de certains de mes consœurs (spéciale dédicace à Blop) ou confrères qui savent que mon budget d'acquisitions de polars est équivalent à celui dévolu à leur établissement dans sa globalité. Non, il s'agit pour moi d'illustrer la difficulté que l'on peut avoir à résister devant tant de livres vous appelant du dos ou de la couverture quand on les remet en rayon. Néanmoins, en ce qui me concerne, il y a deux moments où cette tentation est particulièrement difficile à juguler : au retour de l'équipement et le samedi, bizarrement, où quelque chose doit planer dans l'air, la décontraction communicative des lecteurs, qui sait...

L'autre jour, un samedi où l'empruntomètre était à son maximum, j'ai donc jeté mon dévolu sur Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage de L.C. Tyler. Un roman présenté comme un petit bijou d'humour anglais sur fond de polar. Le livre est effectivement plutôt drôle au début mais... seulement au début. L'ennui pointe vite le bout de son nez et l'humour n'est pas aussi ravageur que le laissaient entendre la quatrième de couverture et les rabats, lesquels revêtent de plus en plus les fards du marketing. Il y a bien quelques petites saillies assez croustillantes dans le livre, des clins d'yeux relatifs à l'écriture du polar, une mise en abyme de circonstance, mais voilà, ça ne casse finalement pas trois pattes à un canard. Je suis pourtant assez friand d'humour britannique en général, mais apparemment pas à celui de L.C. Tyler qui, pour info, frappera à nouveau dès septembre avec les mêmes personnages dans Homicides multiples dans un hôtel miteux des bords de Loire. Je ne pense pas tendre l'autre joue.

 



Il y a d'autres fois où l'empruntomètre auquel je faisais allusion n'a pas le temps de se manifester. Vous rentrez de congès ou de week-end. Frais. Dispo. Et là,vous avez la surprise, teintée de joie et d'appréhension de découvrir la pile de bouquins que vous aviez réservés dans une fièvre n'ayant pu être assouvie, tout ça parce que quelqu'un s'est mis en tête de lire avant vous les titres que vous recherchiez. Si ce n'est pas la pile de livres réservés, c'est un ouvrage laissé par votre collègue avec écrit sur le post-it posé dessus : « Il faut que tu le lises ! ». C'était vraiment bien vu la dernière fois avec L'art du jeu de Chad Harbach, ça l'a été tout autant avec Une dernière chose avant departir de Jonathan Tropper. Bon, elle n'a pas pris de grands risques la collègue, nous affectionnons tous deux cet auteur. A vrai dire, lui non plus n'a pas pris de grands risques. Tropper connaît toutes les ficelles de la comédie et il n'hésite pas à les utiliser. Mais à si bien les utiliser que le livre se lit avec une avidité certaine : des personnages hauts en couleur, des dialogues qui font mouche et suscitent le rire, des situations cocasses. Pas étonnant tout compte fait que le nom de Jonathan Tropper apparaisse au générique d'une série, Banshee, même si en l'occurrence le ton est un peu plus grave. Personnellement, j'ai trouvé Une dernière chose avant de partir un peu en deçà de C'est ici que l'on se quitte (lui-même bientôt adapté au cinéma) mais il serait tout de même dommage de bouder son plaisir...un plaisir idéal pour la période estivale, qu'on se le dise.


Ensuite. Ensuite, un peu de lecture ado, de bonne lecture ado, signée Claire Gratias. A croire que je fais dans la récurrence des auteurs mais après Opération Maurice et le Signe de K1, lire le premier tome d'Orphans, la double disparition, a sonné comme une évidence. Marin, à 17 ans, est à un âge où il manifeste ses désappointements de manière un peu vive. Notamment auprès de sa famille. Peu de temps après une altercation avec sa mère, le jeune homme reçoit un texto énigmatique : « Il y a des jours où tu rêverais d'être orphelin ? Tu ne supportes plus tes parents ? Deviens acteur de ta vie. Rejoins-nous sur www.project.orphans.com ». Une chasse au QR Code en pleine ville et le voilà tout à coup transporté dans ce qui semble être une réalité parallèle. Car là où il a atterri, ses parents sont morts, sa sœur n'a jamais existé. Qui plus est son oncle et sa tante semblent être rassurés de le revoir après sa disparition... Dans ce premier tome, Claire Gratias pose toutes les bases de son histoire, lève plus de mystères qu'elle n'en dévoile, sans que cela se révèle gênant. Au contraire. Le contrat est plus que rempli, l'attente est là. La suite est prévue en octobre.



On continue ? On change de registre et de support avec Miséricorde de Jussi Adler Olsen. Le texte est lu par Eric Herson Macarel, lequel a prêté sa voix à plusieurs ouvrages, tous genres confondus et, à l'entendre, on comprend pourquoi. Sa voix capte immédiatement l'auditeur, favorise la concentration, et révèle toutes les subtilités d'un texte. Pour autant, ce n'est pas à son style que Miséricorde doit son intérêt, ni à son intrigue dont on devine assez vite les tenants et les aboutissants. Alors si ce n'est ni le style ni l'intrigue que reste-t-il donc à ce livre qui mérite qu'on s'y attarde, me direz-vous ? Les personnages sans doute, et les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres : l'inspecteur Mørck, désabusé après avoir perdu un de ses coéquipiers dans une affaire tandis qu'un autre se retrouve paralysé à vie. Lui s'en est finalement plutôt bien sorti mais il n'a plus goût à rien. Même ses supérieurs veulent le mettre au placard - le sous-sol de la préfecture de police - en saisissant l'opportunité de la création d'une nouvelle cellule dévolue aux enquêtes inabouties, le Département V. Pour lui servir d'homme à tout faire, on lui attribue les services d'Assad, un réfugié politique syrien, dont le sens de l'observation, la bienveillance et la perspicacité vont l'amener à devenir l'assistant direct de Mørck. Comme je le disais, l'intrigue ne laisse pas la place à beaucoup de surprises. Néanmoins, pour le lecteur, le jeu consistera plus à se demander comment l'histoire sera résolue, par quels biais et quels sacrifices les personnages en viendront à bout. Et si l'on regarde Miséricorde sous cet angle là, c'est vraiment très bien fait. Qui plus est, on ne rechignera pas à retrouver Mørck, Assad, et bien d'autres encore, dont on sent que l'importance s'étoffera dans les prochains ouvrages. A suivre donc avec Profanation et Délivrance.

Voilà, voilà, voilà, c'est fini pour aujourd'hui. Il y a de fortes chances que je revienne bientôt vous causer de L'Arbre à bouteilles de Joe.R. Lansdale et de En attendantla vague de Gianrico Carofiglio. Du lourd, du très lourd. Du très très très très très lourd. Dernièrement on m'a conseillé d'adopter l'attitude « less is more ». C'est pas toujours facile. Mais bon, on n'a pas idée non plus d'écrire de tels chefs-d'oeuvre !

Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage, de L.C. Tyler, traduit de l'anglais par Julie Sibony, Sonatine, 2012, 231 p.
Une dernière chose avant de partir, de Jonathan Tropper, traduit de l'américain par Christine Barbaste, Fleuve noir, 2013, 336 p.
Orphans, tome 1, Double disparition, de Claire Gratias, Rageot, 2013, 288 p.
Miséricorde, de Juri Adler Olsen, traduit du danois par Monique Christiansen, lu par Eric Herson-Macarel, Audiolib, 2 CD MP3, 14 h 34 et aux éditions Albin Michel, 496 p.

29/09/2012

Les Voleurs de Manhattan / Adam Langer

Ian Minot aspire à devenir écrivain. A être publié. La mince affaire... Ian essuie refus sur refus pour des nouvelles qu'on lui reproche d'être sans surprises, sans saveur, désincarnées. Anya, sa petite amie roumaine dont il doute qu'elle restera longtemps avec lui, écrit aussi. Remarquablement. Au point de se faire repérer par un agent lors d'une soirée-lecture réputée pour dénicher les talents de la littérature contemporaine.

Chaque jour qui passe renvoie Ian à son échec, à la vacuité de son existence, alors que partout s'affiche la nouvelle coqueluche très tendance de la littérature nord-américaine, Blade Markham. L'homme s'invite partout : des plateaux télé aux affiches dans le métro jusqu'au Morningside Coffee, lieu de travail de Ian. C'est là, que Jed Roth, un homme au pourboire généreux, lui met tous les jours l'ouvrage de Markham l'usurpateur sous le nez. Car il ne fait aucun doute pour Ian que le bonhomme n'est pas un vrai écrivain, qu'on ne peut qualifier ainsi une personne mettant des «yo » en début et en fin de chaque phrase. Ce sentiment, Jed Roth le partage. Et la venue de cet ancien éditeur au Morningside Coffee, avec le livre tant plébiscité toujours en évidence, n'est pas innocente.

Il a un marché à proposer à Ian : s'approprier un roman que Jed a rédigé des années auparavant, le réécrire, faire croire qu'il s'agit de mémoires pour ensuite annoncer la supercherie. Ian pourrait faire ainsi une entrée fracassante dans le monde de l'édition et vendre alors ses nouvelles comme jamais il n'aurait osé l'imaginer. Sur le papier, l'affaire paraît simple. Dans la réalité, les choses seront un tantinet plus compliquées. Reste à savoir sur quel pan de la réalité Ian se situe, de quelle vérité il se fait l'intermédiaire.

Les Voleurs de Manhattan est une œuvre dans l'œuvre d'une œuvre. Adam Langer fait dans la mise en abyme et celle-ci lui réussit, comme elle réussit à son lecteur. Première petite touche, la page de titre avec la mention « mémoires » biffée à la main, remplacée par « roman ». Lui succède une dédicace un peu obscure qui ne prendra sa signification qu'après la page 191, aussi bien pour la personne initialement nommée que, une fois encore, pour le lecteur. Si ces éléments surprennent et intriguent à l'entame du roman, ils contribuent néanmoins à donner une dimension réellement surprenante, vertigineusement fascinante, une fois le livre refermé. Chaque chapitre correspond à un titre ou à la référence d'une œuvre ayant défrayé la chronique pour la supercherie dont elle a fait l'objet. La liste n'est pas exhaustive...

La mise en abyme se révèle aussi dans le format du livre. Les Voleurs de Mahnattan fait près de 260 pages. Tout comme le roman de Jed Roth, au titre similaire, dont Ian Minot sera finalement l'auteur. Adam Langer sème faussement le trouble. Personne n'est dupe mais cela se révèle bien habile pour aborder le mensonge, la supercherie, qu'elle soit littéraire ou humaine. Et de remettre en cause la sincérité, l'authenticité d'un certain milieu éditorial américain où le succès importe plus que la qualité d'un ouvrage, d'une société où il devient primordial d'être connu, reconnu pour avoir la sensation d'exister vraiment. A l'image d'un Ian Minot, personnage ô combien attachant, ou de ses comparses du Morningside Cofee, l'une exerçant la peinture, l'autre la comédie. Créer pour exister. Mentir, parfois, omettre, pour créer.

Adam Langer conclut son livre en beauté dans un pastiche de polar où les rebondissements savamment orchestrées se succèdent, où l'humour transpire de chaque paragraphe, où les personnages éclatent dans leur transgression à exister entre les lignes et bien plus encore, dénués de toute superficialité. Des êtres qui ne sonnent pas faux au service d'un roman authentique !

Les Voleurs de Manhattan, de Adam Langer, traduit de l'américain par Laura Derajinsky, Gallmeister (Americana), 264 p.