Pour prendre la mesure
d'une œuvre et de son évolution, voire de sa maturation, il convient
parfois de revenir aux sources de celle-ci. En règle générale, je
commence toujours un cycle romanesque par le premier tome qui le
constitue. Cependant, ma première rencontre avec le sombre
inspecteur Erlendur ne s'étant pas pas faite avec son enquête
initiale mais avec Hiver Arctique (avant de continuer avec l'écoute
de Hypothermie, puis avec La Rivière noire, même si Erlendur en est
absent), il me semblait important de combler les trous, tant pour les
enquêtes en elles-mêmes que pour l'histoire personnelle tourmentée
du personnage, pour laquelle l'auteur use d'un saupoudrage méticuleux
dans la succession des ouvrages.
L'hiver est aux portes de
l'Islande. La pluie s'invite, la température baisse. C'est dans ce
climat pas encore franchement hostile qu'un homme est retrouvé mort
dans son appartement. N'était ce message laissé sur le corps du
défunt, la police aurait pu conclure à un accident domestique.
Erlendur, accompagné des inspecteurs Elinborg et Sigurdur Oli
entament l'enquête selon les procédures classiques. Très vite, la
nature de l'homme qu'ils ont découvert se révèle et oriente les
investigations vers des faits perpétrés il y a plus de quarante
ans. A cette époque, Holberg, la victime du meurtre, aurait violé
une jeune femme. Celle-ci serait tombée enceinte, aurait mis au
monde une petite fille qui devait périr quelques années plus tard à
la suite d'une tumeur au cerveau.
Tout comme dans La
Rivière noire, La Cité des Jarres soulève le problème du viol
fait aux femmes, de la reconnaissance d'un tel acte aux yeux de la
justice et de la société. Si le premier roman fait état de
l'utilisation du Rohypnol, la drogue du viol, les circonstances de
ceux perpétrés dans La Cité des jarres – le cas n'étant pas
isolé – remonte à bien plus longtemps, comme si d'une manière
implicite, au fil de ses ouvrages, Arnaldur Indridason avait voulu
montrer que la problématique n'avait pas changé, les femmes
redoutant toujours d'être considérées comme coupables quand elles
ne sont que victimes, au point de ne pas déclarer les violences
qu'elles ont subies.
Autre point soulevé dans
la Cité des Jarres, et pas des moindre, le programme de fichage
génétique entrepris - et abandonné depuis 2003 - en raison d'une
homogénéité ethnique issue de son Histoire. Entre Recherche et
affaire de gros sous, Arnaldur Indridason frappe tout droit entre ces
deux approches, avec l'éthique comme cœur de cible, quand bien même
le fichage incriminé n'est pas sans importance dans le résolution
et l'explication de l'affaire.
A la lecture de La Cité
des Jarres, on comprend aisément pourquoi le livre a remporté le
succès qui fut le sien à sa parution. Outre le « dépaysement »
qu'il suscite, aussi bien par les lieux et les noms des personnages
que par des codes comportementaux qui peuvent parfois sembler
atypiques, notamment dans les dialogues, La Cité des jarres
comblera le lecteur de polar par la qualité de son intrigue et la
richesse de ses personnages. Ça fait un peu cliché de dire ça,
mais rassurez-vous, le livre lui, en est dénué (de clichés!) et
par les temps qui courent, par les livres qui paraissent, ça mérite
d'être souligné.
Pour finir, une petite
précision quand même, La Cité des Jarres pourrait très bien
combler aussi ceux que le polar rend frileux...
La Cité des jarres, Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury, Seuil (Points), 330 p.
4 commentaires:
Il y a bien 5 ou 6 ans que j'ai lu ce livre et je me souviens encore de cette histoire, surtout de la banque génétique, ça doit être un signe...
...de qualité, oui je pense. En tout cas, jusqu'à présent aucun des livres que j'ai lus de cet auteur ne m'a déçu. Bien au contraire.
Moi j'ai eu la chance de découvrir cet auteur par ce premier roman publié en France. Je navigue donc dans le sens du fleuve de son imagination créatrice!^^ J'aime beaucoup cet écrivain et l’atmosphère si particulière qui se dégage de ses romans. Par contre je n'ai pas encore eu le temps de lire les deux derniers ! Content de retrouver mon cher Bibliomanu !! ^^
@La Petite souris : et content de te trouver ici ;) Les deux derniers ne mettent pas en scène Erlendur mais successivement deux des inspecteurs qui l'accompagnent. J'aime bien cette approche qui permet de fouiller d'autres personnages en les mettant sur le devant de la scène.
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