Certains,
en apprenant que la dernière parution française de Jonathan Coe
n'était autre qu'un receuil de nouvelles, auront peut-être éprouvé
un soupçon de déception. Les short stories n'ont pas toujours bonne
presse auprès du public. On reproche à cet exercice littéraire de
pêcher par sa brièveté, de générer une frustration quant à
l'impossibilité de suivre sur le long terme des personnages auxquels
on s'est attachés, quand on ne lui reproche pas non plus de n'être,
justement, qu'un exercice.
Si on
aurait apprécié sans peine de voir évoluer les différents
protagonistes des nouvelles qui composent ces Désaccords imparfaits,
de les voir s'étoffer dans un cadre romanesque, le recueil s'avère
réussi, comme si la double négation induite par le titre avait
révélé la positivité du texte. Mais, bien plus que dans une règle
mathématique, c'est dans la musicalité si chère à Jonathan Coe
que celle-ci s'affirme plutôt. Musicalité des textes – aucune
fausse note dans la traduction –, musicalité des êtres, pris dans
la ronde de l'existence, soumis à ces temps morts où tout est
encore possible.
Souvenirs
et nostalgie dans Ivy et ses bêtises où un frère et une sœur
reviennent sur la tombe de leurs-grands-parents avant de faire un
crochet par leur ancienne demeure. Une belle histoire tout en
délicatesse où Jonathan Coe, comme il l'indique dans l'introduction
à l'œuvre, rend hommage à son grand-père...
9e et
13e, angle de deux rues où réside le narrateur, mais aussi deux
notes de musique, des étapes dans la marche du temps. Que se
serait-il passé si ? C'est la question explorée ici par cet artiste
auquel une jeune femme demande s'il sait où est-ce qu'il y aurait un
coin pour dormir dans les parages... Une histoire séduisante où la
passivité le dispute à l'indécision, où le champ des possibles se
révèle dans la suspension des évènements, entre deux battements.
Version
originale raconte la dérive sentimentale d'un membre du jury d'un
festival de films d'horreur et de fantasy. L'un d'entre eux a été
écrit par une de ses anciennes amies, amoureuse de lui. Le rire
n'est jamais loin dans cette nouvelle, aussi bien dans sa description
du petit monde du cinéma de genre que dans l'évocation des regrets
et, là encore, dans l'indécision...
Journal
d'une obsession, pour finir, récit autobiographique, retrace la
fascination de Jonathan Coe pour le film méconnu, ou peu reconnu, La
Vie privée de Sherlock Holmes avec Billy Wilder. Ici, outre
l'hommage évident à l'acteur pour lequel Coe voue une certaine
fascination, ce sont la quête et le mystère, la préservation de ce
dernier, qui tissent la trame de cette histoire. Comme si tout savoir
de tout faisait perdre de la saveur aux choses. Comme si les
désaccords imparfaits éparpillés au cœur de ces nouvelles étaient
à laisser à l'appréciation de chacun, dans la part intime des
sentiments qu'elles recèlent...
5 commentaires:
Râââââh... Enfin de retour, et avec une belle chronique, en plus. Bravo Monsieur le Super héros, belle rentrée !
Merci Blop :) Je vais tâcher de m'appliquer pour la rentrée et... au delà !!!
très belle chronique !
je suis super fan de Coe, j'ai dévoré tous ses ouvrages... Beaucoup d'humour et d'intelligence dans son écriture.
J'attends toujours aussi ses bouquins avec impatience et jusqu'à présent je n'ai jamais été déçu ! Et effectivement, l'humour et l'intelligence de ses livres se combinent à merveille.
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