20/04/2008

Un Scanner à la morgue / Claude Broussouloux


Par une matinée du mois de novembre identique à bien d'autres, il a suffi que le transporteur frappe trois fois au rideau des livraisons pour raviver une certitude jusque là en sommeil : j'allais faire plusieurs rencontres et j'éprouvais l'amère frustration de ne pouvoir les apprécier toutes dans l'instant. C'est ainsi à chaque fois que je reçois des livres. Il y a ceux que j'attends, dont les auteurs me sont connus et...les autres. Ceux qui promettent et dont je ne sais au final que peu de choses.

C'était le cas de Un scanner à la morgue. Je ne connaissais ni l'auteur ni l'éditeur. On le sait, avec aussi peu d'éléments, la surprise peut-être totale, dans le pire comme dans le meilleur.

Quand, au moment du pointage, je tombai sur ce livre, je procédai comme à mon habitude. Je parcourus les premières lignes. Et sans même que je m'en rende compte, la première page défila, puis le premier chapitre. J'étais conquis. Par l'ambiance, l'histoire. Etant donné que j'étais au boulot, je ne me suis quand même pas étendu. Je notai les références et continuai de traiter les livres, me disant : "mon coco, la prochaine fois, je te louperai pas. Au retour de l'équipement, tu seras mien."

Il aura fallu plus de temps que prévu mais à son retour, quelques mois plus tard, je lui remis en effet le grappin dessus et ne le lâchai plus. La première ligne, la première page, le premier chapitre, c'était comme si je les avais lus la veille.

Je retrouvai Jacques, jeune médecin loin d'être passionné par son boulot. Le genre de gars égoïste, pas franchement sympathique. Pour ne pas avoir à supporter les jérémiades de patients plaintifs, il s'est spécialisé en radiographie. Pas besoin de s'épandre. On se positionne, clic, clac, merci bien, au revoir, emballé c'est pesé.

Puis Jacques est contacté par un de ses anciens profs pour un boulot complémentaire qui consiste à effectuer des radios aux cadavres de la morgue, occasionnellement. Louche mais Jacques accepte.

De ce roman assez court, je restai surpris par son côté mystérieux, intrigant. Cela ne tenait pas spécialement à la morgue et à son lot de cadavres que l'on cotoyait assez peu mais à cette incertitude qui planait sur les personnages et leurs intentions respectives. Oh, il y eut bien des moments où je me serais volontairement imposé écrivain pour secouer ce bougre de Jacques, faire en sorte qu'il se décide à ruer dans les brancards au lieu de subir la pression de ses mystérieux commanditaires, de se terrer chez lui, d'attendre.

Une fois le livre fini, je le refermai, un peu déçu par un dénouement suscitant le doute sur la crédibilité d'une telle histoire. Mais le temps passait et je gardai en moi son atmosphère si particulière et si prenante, alors... Déjà, j'étais sur une nouvelle piste de lecture et je me promis de garder un oeil et sur l'auteur, et sur l'éditeur.

14/04/2008

Le Vieil homme et la guerre / John Scalzi


Effectivement, à la lecture du Vieil homme et la guerre, on ne peut que penser à Etoiles gardes à vous ! (Starship troopers) de Robert A. Heinlein et à la guerre éternelle de Joe Haldeman. Cela tient essentiellement à son appartenance à une veine spécifique du space opéra que l'on qualifie, à tort ou à raison, de militariste.

Le canevas en est le suivant : les humains sont lancés dans une guerre universelle contre une ou plusieurs civilisations extra-terrestres. Enjeux économiques, planétaires, méconnaissance de l'autre (donc crainte), les raisons ne manquent pas pour envoyer des unités de combat se faire charcuter menu, selon les us et coutumes d'aliens contrariés. Cette trame est justement l'occasion de suivre le parcours d'un héros et de son groupe, de son enrôlement à la situation de combat, en passant par l'entraînement. Après, libre à l'auteur d'exprimer ses points de vue...

Alors ? Militariste ou pas militariste, le Vieil homme et la guerre ? Aborder ainsi l'ouvrage de John Scalzi est certes un peu réducteur mais c'est typiquement le genre de question que l'on se pose avec ce genre de bouquin, sans parler de ce que cela implique.

A ce propos, et quels que soient les sons de cloche que j'ai pu rassembler où l'on s'amuse à trouver du deuxième, voire du troisième degré là où il n'y en a aucun (mais ça rassure, c'est vrai...), le Etoiles, garde à vous ! de Heinlein est un must en matière de militarisme et de patriotisme dangereux. C'est dégoulinant, non pas de bave arachnide, mais de propos fallacieux pas très jolis jolis, pour rester poli.

En ce qui concerne le Vieil Homme et la guerre, car c'est de lui qu'il s'agit après tout, on ne se situe pas sur le même plan. L'ensemble est d'ailleurs assez rondement mené.

A soixante quinze ans, John Perry rejoint les Forces de Défense Coloniale (hum...) et quitte la Terre à jamais. Il n'a que deux certitudes sur ce qui l'attend : la guerre et le rajeunissement. Sur le déroulement de l'un et de l'autre, il ne sait absolument rien.

En plus du ton, de la voix du personnage, héros presque malgré lui et en proie au doute, Scalzi distille des trouvailles savoureuses qui donnent un intérêt certain à l'action et au récit. Qu'il s'agisse du processus de rajeunissement en lui-même, des brigades fantômes ou du bestiaire extra-terrestre, le lecteur y trouve son compte.

Tout juste peut-on regretter un certain flou autour des relations humains/aliens. Le contexte des guerres exposées et l'implication des forces en action et des institutions manquent de contours structurants. Mais j'ai cru comprendre que tout ceci allait s'étoffer au cours du deuxième ouvrage (il y en a trois en tout) : les Brigades fantômes. Rendez-vous est pris !

07/04/2008

Onze jours / Donald Harstad


Une nuit du mois d’avril, alors que le dégel n’a pas encore eu lieu, un patelin du cœur de l’Iowa va perdre de sa tranquillité. Il aura suffi pour cela d’un seul appel anonyme. Mais pas des moindres.
Une voix féminine, paniquée, affirme qu’il y a eu un meurtre dans une ferme des environs. Le shérif Carl Houseman et les membres de son unité se rendent sur les lieux. Un mort, étendu derrière la porte, la main coupée. De la personne qui a appelé, aucune trace. L’horreur ne s’arrête pourtant pas là. Quelques heures plus tard, on découvre trois autres corps atrocement mutilés dans une ferme voisine. Vengeance ? Folie ? Secrets enfouis ? Crimes satanistes ? L’investigation commence…
…sur un rythme endiablé. Il est vrai, le début est quelque peu déroutant. Le lecteur assiste aux communications des forces de police ponctuées de leurs codes de transmissions. Des chiffres, des chiffres, et encore des chiffres qui correspondent à la nature d’un délit, ou qui servent à confirmer ou infirmer les échanges, ect… Les agents eux-mêmes ne s’appellent pas par leurs prénoms mais par des nombres que l’on suppose hiérarchiques. Etonnant quand on sait qu’ils se connaissent tous, qu’ils n’évoluent après tout que dans un village où les inconnus ne sont pas monnaie courante. Application des procédures oblige, bien sûr, les communications étant toutes enregistrées à des fins d’exploitation potentielles. Harstad décrit une scène d’intervention sur une scène de crime telle qu’elle se déroule dans la réalité, le monsieur ayant appartenu lui-même aux forces de l’ordre.
Déjà, pourtant, le lecteur sent qu’il ne lit pas une intrigue policière classique ; que l’auteur n’a pas pour seule ambition d’apporter un coupable à un crime donné tout en maniant avec habileté l’art du rebondissement. Tout cela il le fait effectivement. Mais il ne s’en tient pas là. Il associe habilement à son histoire une description de la vie d’une unité de police rurale, de ses difficultés humaines et financières, des luttes de pouvoir et des jalousies qu’elle implique. La dimension du récit devient alors tout à fait saisissante.
Harstad ne s’embarrasse pas de descriptions superflues et on lui en sait gré. Il va à l’essentiel et, autant le dire tout de go, l’essentiel vaut vraiment le détour.

03/04/2008

Le Jeu de Cuse / Wolfgang Jeschke


Nous sommes en 2052. L'Europe peine à se relever d'une guerre nucléaire qui l'a en partie ravagée. Les problèmes écologiques ont gagné en puissance. Selon les zones, les hommes survivent tant bien que mal dans des immeubles quasiment abandonnés, soumis à l'assaut de bandes barbares à qui il ne reste que la violence pour s'exprimer.

Mais le cataclysme n'est pas total et la reconstruction s'amorce. C'est dans ce contexte périlleux que Domenica Ligrina termine ses études de botanique. Très vite, elle reçoit une réponse favorable au poste un peu obscur auquel elle avait postulé quelques mois plus tôt. Elle rejoint alors le projet "Renaissance de la Création" mis au point par le Vatican. Son but: sauver le monde traversant le temps, rien que ça.

Pour ceux qui apprécient les histoires d'exploration temporelle, cette histoire est des plus attrayantes. Le livre lui-même l'est malheureusement moins.

Je dis malheureusement parce que ça commençait plutôt bien, même très bien. La description que fait Wolfgang Jeschke de l'Europe dévastée est on ne peut plus réussie. Le décor et les personnages y sont bien campés et l'on se plaît à imaginer la suite, quand le voyage dans le temps va peu à peu s'annoncer, puis se concrétiser.

C'est là que le bât blesse. La transition n'est à mon sens pas bien amenée. A partir du moment où Domenica rejoint les rangs des scientifiques du Vatican avec quelques uns de ses collègues étudiants, on se perd dans des longueurs inutiles et l'on voit trop vite et trop bien les paradoxes qu'impliquent ce genre de récits. Ici, les ficelles sont trop grosses. J'en veux pour exemple sa première rencontre avec Frans. Celui-ci l'aborde avec une familiarité troublante, comme s'il la connaissait déjà. Eh bien oui, c'est le cas et l'on devine vite pourquoi. Ensuite, il y a cette histoire de femme qui la reconnaît lorsqu'elle était petite dans une galerie de peinture, ou de cette femme sur le bûcher. Non, nous ne sommes pas dans la galerie des surprises, bien au contraire.

Car, je vous fiche mon billet, là, maintenant, que si l'on vous annonçait que demain, oui, demain, ou la semaine prochaine si vous préférez (le temps de vous faire à l'idée...), vous alliez voyager dans le temps, vous seriez pour le moins surpris ! Domenica, elle, ne l'est pas, ou si peu. Elle ne s'attache qu'à la manière dont le transfert temporel s'éxécute. Et là encore, ce n'est pas très bien amené ni vraiment convaincant. Pour le dire simplement, c'est plutôt compliqué. Le soliton, moi, je n'ai compris qu'en surface.

Dès lors, j'ai quand même assisté au premier voyage qui ne survient qu'à la moitié du bouquin, à peu près.Ensuite, je me suis lassé, de la longueur du récit, sans surprise, donc.

Dommage, car j'aurais aimé me délecter d'une telle histoire, d'autant plus que j'apprécie particulièrement la qualité des livres et des choix de la maison dédition l'Atalante, découvreuse et partageuse d'auteurs de qualité, français ou étrangers.

Tout compte fait, dans le même genre (l'héroïne est aussi une botaniste), je vous recommanderais plutôt le Jardin d'Iden de Kage Baker. Un livre...surprenant !

28/03/2008

La Théorie des cordes / José Carlos Somoza


C'est la toute première fois qu'en me lançant dans un bouquin, je me suis fait la réflexion que, tout compte fait, j'aurais préféré ne rien connaître de l'histoire et me laisser ainsi entraîner par la découverte au lieu d'anticiper sur le résumé que j'en avais lu. C'est le problème parfois avec la quatrième de couverture. Elle n'est qu'une fenêtre, une lucarne qui ne laisse pas voir l'étendue d'une aventure et de son traitement, quand on ne la cantonne pas aux sphères de notre imagination. Rien de plus normal, après tout.

Mon intention n'est pas d'effectuer une pirouette afin d'éviter de me lancer dans un résumé ou de rédiger une chronique trop longue qui vous dissuaderait de la lire en entier ( fainéant, le BiblioMan(u)...hum?), mais plutôt de vous préserver de l'intrigue, qui mérite vraiment d'être explorée de manière tout à fait personnelle.

A la rigueur, sachez seulement que des canevas romanesques qui auraient pu s'avérer des plus classiques, José Carlos Somozà s'en dédouane aisément en dressant une histoire qui ne va jamais là où l'on aurait pu l'attendre. Il ne s'attarde pas sur des aspects que l'on aurait aimé plus fouillés ? Quand bien même! Il nous emmène dans un ailleurs tout aussi passionnant, pétri de passages réellement haletants.
Ne serait-ce que pour ces raisons, n'hésitez pas à vous jeter dans la théorie des cordes, roman érudit et mystérieux par excellence, et de vous y abandonner complètement. Essayez - si c'est à la lampe de chevet c'est encore mieux -, vous m'en direz des nouvelles.

16/03/2008

Malabar Trip / Cyril Montana


Long monologue écrit dans une langue volontairement branchée, ponctuée d'argot et de verlan, une langue que d'aucuns qualifieraient de "jeun's", Malabar trip raconte les tribulations d'un gars emmenant sa belle en Corse à dos de scooter.
Au-delà d'une simple description de déboires humoristiques sur la route des vacances, Cyril Montana dépeint la jeunesse des boulots précaires, toujours sur la corde raide, comptant ses sous encore et encor(s)e avant d'aller trouver le banquier pour des négociations infamantes ; une jeunesse déboussolée trouvant refuge tant bien que mal dans le sexe, le shit et l'alcool ; une jeunesse de la survie "au jour le jour".
Malheureusement, si les deux premières pages croustillantes à souhait (lisez-les, vraiment !) laissent présager une heureuse activité des muscles zygomatiques, et si le livre se lit presque d'une traite, il ne reste à la fin qu'un "Bof ; ouais, bof". Et puis on passe sans conserver grand chose de cette histoire.
Car, il faut bien le dire, la succession des scènes en Corse sont drôles mais sans plus, et les digressions du narrateur sur ses diverses expériences sexuelles, ainsi que les questionnements qu'elles suscitent ne sonnent jamais juste, oscillant sans cesse entre la gentille provoc' et une certaine morale à préserver.

Il ne vous reste donc plus qu'à lire les deux premières pages (décidément j'insiste) et...plus si affinités.

12/03/2008

Le Chat dans le cercueil / Koike Mariko

Si vous aimez le rythme lent, posé, très esthéthique de la littérature japonaise, n'hésitez pas à lire "Le chat dans le Cercueil".
Ce roman dit "policier" sort du registre des polars occidentaux. En effet les codes culturels sont si différents de nous autres, qu'il ne faut pas vous attendre à du suspens, de l'action ou bien à un roman noir.
C'est somme toute une histoire banale empreinte de fantastique, telle que pouvait l'écrire Edgar Poe ou Maupassant.
L'auteur Koike Mariko nous conte l'histoire dans le Japon d'après guerre, d'un homme veuf depuis peu, de sa fille qui n'a pour toute amie qu'une chatte se prénommant Lala et de leur jeune fille au pair. Une intrus va s'immiscer dans leur vie par l'intermédiaire du père qui n'a d'yeux que pour elle.
Ce quatuor vit avec des vérités cachées qui vont les mener jusqu'à la tragédie.
L'auteur créé ici une atmosphère psychologique qui vous oppresse et vous sublime à la fois.
Pour ceux qui deviendraient adeptes de cette littérature, je vous conseille de lire aussi Edogawa Ranpo.

10/03/2008

Les Intrus / Michael Marshall


Ecrivain presque accidentel d'un seul livre, Jack whalen a quitté la police de Los Angeles pour se retirer avec sa femme, Amy, dans une petite ville de la côte nord du Pacifique. Tout irait bien dans le meilleur des mondes si Jack ne se plantait pas tous les jours devant son ordinateur, sans grande conviction, sans réelle envie non plus, en attendant que les mots et l'inspiration viennent à lui. Et puis, il y a ce coup de fil de Gary Fisher, une connaissance du lycée, vite côtoyée, vite oubliée, qui remet toute son existence en cause. Gary lui demande en effet, au nom de leur ancienne amitié, de résoudre une affaire pour le cabinet d'assurances qu'il représente. Dans le même temps, la femme de Jack ne donne plus signe de vie et il semblerait qu'elle ne lui ait pas tout dit sur son passé.
Avant de devenir un auteur de frileurs best-sellers, Michael Marshall (Smith) donnait dans la science-fiction avec son nom complet. Aujourd'hui, certains de ses anciens romans sont bizarrement reparus dans des collections policières. A croire qu'il se vend mieux ainsi.
Il est vrai que la trilogie Les Hommes de Paille était réellement passionnante dans son genre. Un bon rythme, une histoire prenante, des révélations savamment dosées et des rebondissements tombant à point nommés. Bref, du bon frileur qui confirme que tout best-seller n'est pas forcément synonyme de navet littéraire comme le faisait si bien remarquer un chasseur de têtes de ma connaissance (cf. les commentaires sur la chronique du premier opus de Millenium.)
On retrouve la même énergie dans Les Intrus, et c'est ce qu'on peut d'ailleurs lui reprocher, avec le manque d'originalité ainsi que de menus détails qui sapent un peu le plaisir.
Par exemple, Marshall décrit d'emblée le narrateur comme un gars ordinaire, voire insignifiant, qui a conscience de cet état. Lorqu'il était étudiant, c'était un passe-partout. Flic, il en allait de même et ça lui convenait parfaitement ainsi. Et puis tout à coup, sans aucune transition, on se retrouve avec un type qui prend les choses en main, va à l'encontre des conflits, devient un véritable gros dur à qui il ne faut pas en conter. Bizarre...Avec le recul, c'est comme s'il n'y avait plus de différence entre le héros des Hommes de paille et des Intrus.
Autre détail, mais qui peut devenir profondément irritant : le nombre de coquilles, de mots manquants, d'accents non appropriés, ou de fautes d'orthographes (ça fait beaucoup, hein ?) qui ponctuent le récit et qui laissent entrevoir l'attention que les éditions M.Lafon portent à leurs ouvrages, surtout quand on sait qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé. Je ne m'étendrai pas sur les politiques éditoriales des uns et des autres mais....allez, je me cantonne aux points de suspension et je reviens au livre.
Au final, donc, Les Intrus reste un roman agréable à lire mais sur lequel on ne se précipite pas le soir en rentrant du boulot et qui, j'en ai peur, risque d'être vite oublié. Par conséquent, lisez plutôt les Hommes de Paille et il se pourrait bien que vous preniez une journée de repos une fois le livre commencé. Qui a parlé de se faire porter pâle ? Tssss.....

06/03/2008

Chroniques des ombres / Pierre Bordage


Je serais bien en peine de chroniquer l'ensemble des Chroniques des ombres. La raison en est bien simple, je n'ai pas fini de l'écouter. L'écouter ? De quoi il parle, le BiblioMan(u),là ? Il aurait pas un peu trop serré son masque derrière les oreilles hier soir ? La nuit a été longue de lectures perturbantes ? Tsss, tsss, tsss...que nenni. Je vous parle bien d'une aventure audio que je ne saurais trop vous inviter à découvrir.
S'il m'a été impossible d'aller jusqu'au bout, c'est tout simplement parce que cette histoire captivante (pour les amateurs du genre, j'en conviens...mais pourquoi pas aux autres, après tout) ne paraît qu'à raison d'un épisode par semaine, et que la première saison ne se terminera qu'en novembre 2008. Mais les débuts sont d'ores et déjà prometteurs. L'ambiance sonore (musique, bruits de portes, brouhahas ambiants, pages feuilletées) ainsi que les voix des comédiens incarnant chaque personnage sont autant d'invitations à l'évasion. Tout est fait (et bien fait)pour vous immerger rapidement dans cette histoire dont on ne peut qu'attendre la suite...avec impatience.
Un concept d'émission radiophonique, donc, remis au goût du jour, et qui fonctionne encore à merveille. En tout cas, en ce qui me concerne, j'adhère complètement à ce genre d'initiative. Les éditions Librio s'étaient déjà essayées à l'exercice des épisodes (en format papier) avec La Ligne verte de Stephen King d'abord, puis avec Les Derniers hommes de Pierre Bordage (encore lui!). Le fait d'attendre la suite de l'intrigue avait quelque chose d'excitant, donnait une dimension supplémentaire à l'acte de lecture.
Donc, allez-y, n'hésitez pas, d'autant que les 4 premiers préambules sont à télécharger gratuitement à partir du site des chroniques des ombres ou des éditions mp3minutes qui ont fait là du bien beau boulot, tout en étant prêt à renouveler l'expérience en développant l'offre éditoriale. A suivre, donc...

02/03/2008

L'Espace de la révélation / Alastair Reynolds



Deuxième tentative pour celui-ci. Lors de sa sortie française, en 2002, j’avais abandonné au premier quart en prétextant un " pas envie de lire du space opera tout compte fait ". J’avais gardé l’histoire en tête en me disant que j’y reviendrai sans doute à un moment plus propice. Et puis l’autre jour, une grosse envie de lire du space op m’a étreint en plein travail. Je vais en librairie. Je flâne…et je constate amèrement de visu que ça devient vraiment difficile d’en trouver. On sait que la fantasy se fait une place au soleil dans les rayons. Les gens y trouvent leur plaisir. Tant mieux ! Mais ceux qui cherchent du space op, c’est une autre affaire. Quand on en a déjà lu un certain nombre, qu’on recherche de la nouveauté, on se trouve confronté à : 1. des auteurs avec lesquels on n’accroche vraiment pas, 2. du hard-science de chez hard-science, 3. du léger de chez léger agrémenté de coquilles et de contre-sens que c’en est navrant, 4. l’absence de nouveautés.
Du coup, fort de cette constatation, je me suis rabattu sur l’Espace de la révélation, en me disant que cette fois-ci, ce serait peut-être la bonne.
Ben non.
Trois intrigues se superposent avant de converger enfin : lors de fouilles, Dan Sylveste met au jour une civilisation extra-terrestre aujourd’hui disparue pour d’obscures raisons ; Khouri, assassin professionnelle se voit engager pour une obscure mission ; Volyova est à bord d’un vaisseau à l’armement obscur.
On l’aura compris, ce livre est obscur à plus d’un titre. Peu engageant, mis à part pour les fans de hard-science qui sauront y trouver leur compte. Dommage car on se laisse tout de même emporter au départ mais les personnages restent fades (défaut récurrent aux ouvrages de hard-sf), ne parviennent jamais à nous surpendre, on a vraiment du mal à se représenter les scènes ou les objets décrits et finalement, c’est long, trop long…

Delirium tremens / Ken Bruen



Alors que j’étais lancé dans la lecture de Delirium tremens, un ami m’a demandé ce que je lisais en ce moment. Je lui ai raconté l’histoire en quelques mots. En le faisant, je me suis rendu compte que le récit que j’en faisais ressemblait à bon nombre de polars et, rendu ainsi, ça ressemblait effectivement au stéréotype du roman noir : un héros, ancien flic devenu détective privé, accroché à sa ville comme à l’alcool, reçoit la visite d’une femme lui demandant d’enquêter sur la mort de sa fille camouflée en suicide.
C’est vrai, des écorchés vifs, on en trouve beaucoup en littérature policière : le Rebus de Rankin, le Matt Scuder de Block, le Bosch de Connelly…et le Jack Taylor de Bruen, pour ne citer qu’eux. Mais cet aspect n’est pas gênant pour autant car ce qui les différencie les uns des autres, c’est la manière dont les auteurs traitent leurs histoires, et le style qui va avec. Je m’étais déjà fait la réflexion – à propos de Avocat criminel de David Cray ou de Ténèbres, prenez-moi la main de Dennis Lehane – à savoir que les histoires n’avaient franchement rien d’original, mais quelle claque à la lecture, vraiment !
Du style, Delirium tremens n’en manque pas. C’est même sa principale qualité. Des chapitres courts, des dialogues percutants, comme on dit. Jack Taylor se noie dans la première enquête qu’il nous livre, comme il se noie dans l’alcool, personnage à part entière et omniprésent du roman.
Pour ne rien gâcher, Ken Bruen ponctue l’histoire de références de livres (policiers pour la plupart, récents ou non), sans jamais être un frein à la lecture comme c’est le cas pour la physique des catastrophes, de Marisha Pessl, déjà chroniqué ici. Et l’on trouve même des phrases qui font écho : j’étais devenu un bibliophile dans le vrai sens du terme. Je n’aimais pas seulement lire, j’aimais les livres eux-mêmes. J’avais appris à en apprécier l’odeur, la reliure, d’impression, le contact des ouvrages entre mes mains.[…] Quand j’aimais l’apparence et le contact d’un livre, je me mettais à le lire.
En ce qui me concerne, il en sera sans doute de même pour la seconde aventure de Jack Taylor : Toxic Blues, car la griffe de Ken Bruen laisse des traces, à tel point qu’une fois le livre refermé, on a envie de savoir ce que va devenir ce bougre d’irlandais.

20/02/2008

Bad Monkeys / Matt Ruff


Décidément, Matt Ruff est à la littérature ce qu’Houdini était à la magie : un sacré prestidigitateur. Après la Proie des âmes où, en plein milieu, j’avais eu la sensation de m’être fait avoir comme un bleu, il récidive avec Bad Monkeys. Si ce n’est que le second n’est tout de même pas à la hauteur du premier, pour des raisons que je vais tenter d’éclairicir.
Quelques auteurs excellent dans cet art difficile de mener le lecteur en bateau. Pour ceux que j’ai eu l’occasion de maudire et de savourer il y a entre autres Denis lehane avec Shutter Island et Cormac McCarthy avec Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme. Ils opèrent l’un et l’autre dans des registres différents mais l’impression générale est la même. Ils s’émancipent des codes du roman noir, du roman tout court en fait, et suscitent la surprise, aussi bien dans la narration, la forme, ou même les deux. Forcément, ça agace un peu de s’être fait avoir, de perdre pied. Mais c’est tellement bien au bout du compte, surtout quand la qualité de l’écriture est de la partie.
Mais déjà, je parle trop. Le problème avec ce genre de bouquins quand on entreprend de raconter l’histoire, c’est que l’on peut seulement l’aborder sans trop rentrer dans les détails, ce qu’on meurt d’envie de faire. Alors, à mon grand regret je m’en tiendrai au strict minimum.
Jane Charlotte est arrêtée pour meurtre. Elle affirme faire partie d’une organisation secrète dont la mission est d’éliminer les êtres malfaisants, baptisés les " Bad Monkeys ". Interrogée par un médecin de l’aile psychiatrique de la prison où elle se trouve, elle relate les faits qui l’ont conduite jusque là.
L’histoire de Jane est proprement hallucinante. Pourtant, au début, on ne doute jamais de sa santé mentale. Nous sommes dans un roman dont la particularité, on le voit d’emblée, est de traiter de choses étranges. Le monde qu’elle dépeint nous est contemporain, les repères ne manquent pas. Puis on vient à douter tant les situations sont de plus en plus abracadabrantes, rocambolesques et surréalistes. Le psychiatre lui-même prend Jane en défaut à plusieurs reprises sur la cohérence de son récit ainsi que sur certains points précis qu’elle relate.
La gradation dans le n’importe quoi est évidente mais elle ne suscite jamais aucune confusion, seulement le doute. On ne nage pas dans un délire onirique sans queue ni tête. C’est fou, mais le lecteur est comme le psychiatre. Il engrange les données, attend la fin de l’histoire de Jane avant de porter un jugement. Elle raconte, il pose les questions.
Le seul problème dans la narration, et c’est en cela que certains pourront être déçus, c’est la longueur et l’accumulation de scènes d’action qui jalonnent la fin du livre, comme si on était face à un film captivant qui part tout à coup en eau de boudin alors qu’il aurait gagné à emprunter une autre voie.
Heureusement les dix dernières pages sont là et…je me tais.
Références volontaires ou pas, on ne peut s’empêcher de penser à des univers déjà rencontrés au gré des lectures, ou dans des films : Philip K.Dick, la série des Thursday Next de Jasper Fforde, à Matrix, Chapeau melon et bottes de cuir
Matt Ruff semble s’être bien amusé à écrire ce livre, pas aussi prenant que la Proie des âmes. Il s'agit plus d'une parenthèse dans laquelle il se permet quelques petites perles : j’ai passé dix jours dans le coma. Je me suis réveillée dans une salle d’hôpital plongée dans l’obscurité avec une télévision allumée pas très loin. Tom Cruise parlait d’un prêtre qui était mort en donnant les derniers sacrements à un pompier Ground Zero. Puis Mariah Carey s’est mise à chanter que nous avons tous un héros caché en nous, et je me suis dit qu’en fait, j’étais peut-être morte et que je me trouvais en enfer. Mais l’émission s’est poursuivie, de plus en plus de vedettes se présentaient pour chanter et raconter des histoires, puis il y a eu des appels aux dons, et j’ai fini par comprendre que je n’étais pas en enfer, mais simplement en Amérique.
Sans tomber dans un anti-américanisme primitif, moi, ça me fait rire. J'attends son prochain livre avec impatience.

13/02/2008

Témoin involontaire / Gianrico Carofiglio



Guido Guerrieri est devenu avocat sans trop savoir pourquoi, porté par il ne sait quel élan. A près de quarante ans, il n'a pas la flamme. Pire, il est maintenant usé, blasé par des affaires successives où la routine s'acoquine parfois à la honte. Guido s'éteint à petit feu. Il n'est plus que l'ombre de lui-même et entame sa descente aux enfers lorsque sa femme le quitte. Il continue de travailler, avec ennui toujours. Puis il reçoit la visite d'une jeune femme noire qui lui demande d'assurer la défense d'un vendeur ambulant sénégalais, Abdou Thiam, accusé d'avoir tué un petit garçon. Guido accepte et amorce ainsi un changement radical de sa vie.
Bonne surprise que ce témoin involontaire ! Dans tous les sens du terme puisque l'histoire ne ressemble en rien à ce que l'on aurait pu attendre à la lecture du résumé. Il n'aurait d'ailleurs pas été étonnant de le trouver dans une collection de littérature générale. Car à vrai dire, l'affaire et l'aspect juridique ne sont qu'une façade. Témoin involontaire est avant tout l'histoire d'un homme en proie à un mal de vivre évident et qui tente de remonter la pente, qui s'accepte et s'ouvre au monde.
On n'est pas ici dans un ouvrage où l'on explore à tout va les rouages de la justice, où l'on découvre à coups de rebondissements (ce qui est parfois bien égréable, bien sûr), les tenants et les aboutissants d'une affaire obscure. On est de prime abord surpris que ces aspects nous soient occultés, au point que l'on se demande si Guido consacre bien toute son énergie à défendre son client plutôt que de s'occuper de lui. Le procès tient cependant ses promesses, les joutes oratoires et les plaidoiries aussi. On se prête au jeu. Et on se laisse prendre par l'histoire de Guido, ses relations aux autres, notamment avec Margherita, sa voisine, et Abdou. Les pages défilent. Le ton est juste, l' histoire touchante.

07/02/2008

L'Affaire du cuisinier chinois / Pascal Vatinel



Voilà près de 2500 ans, sous le règne du roi Xuan, Zhang Chenfu, tout juste âgé de vingt ans, revient enfin chez lui. Passioné de cuisine, il a en effet sillonné une partie du monde afin de s'inspirer et de parfaire son art.
Dès son retour, son succès est tel que le roi lui-même entend bien profiter de ses talents culinaires quitte à remplacer son actuel Maître des Repas et Banquets, wang Yueming. A ce titre, il organise un concours entre les deux hommes. Ce n'est alors que le commencement de gros, très gros ennuis pour Zhang Chenfu qui, pour ne rien arranger, tombe sous le charme de la fille du roi, la princesse Yujin, elle-même courtisée par le cousin du roi qui ne voit pas ce rapprochement d'un oeil très - comment dire ? - amène.
En mai 2005, l'archéologue Li Zhenduo découvre 32 rouleaux de bambous qui retracent l'histoire du cuisinier chinois et de ses déboires et demande à un vieil ami, Wang Pei, de les déchiffrer. Mais très rapidement, les rouleaux disparaissent...
Si l'on regarde bien, depuis le Da Vinci Code, les histoires de manuscrits oubliés, perdus, retrouvés, détenteurs de secrets inavoués et inavouables n'ont cessé de sortir des imprimeries comme des petits pains tout chauds, la saveur en moins (les petits pains, pas le Da Vinci Code...). On frôlait, et on frôle encore parfois, de ci de là, l'indigestion.
Ici, point de templiers, de secrets ou d'épées (ou si peu), de remise en question d'un quelconque ordre religieux. Pascal Vatinel nous raconte deux histoires en une où les époques se chevauchent, tissent des « liens qui unissent les événements et les êtres à travers le temps. »
Comme en écho à ces paroles de Wang Pei, les deux récits suivent sensiblement la même trame : jalousies, complots, amour, vengeance...et l'on pourrait prendre le raccourci facile mais réducteur de penser qu'au bout du compte, l'Humanité n'a pas vraiment changé.
Les « méchants » sont identifiés immédiatement et, comme dans un bon vieux Columbo des familles, on attend de voir comment ils vont être confondus.
Au final, voici une bonne petite histoire, plaisante à lire et qui remplit bien son office : nous distraire. Un petit regret tout personnel tout de même : l'éditeur aurait pu glisser une ou deux petites recettes « impériales »...Gourmandise, quand tu nous tiens !