Il est possible que vous
vous trouviez un jour avec des personnes ayant vécu de plein fouet
les années 80, que ces personnes aient baigné, enfants ou ados,
dans cette culture qui a... comment dire... laissé des traces. Il
est probable également que vous vous trouviez avec ces personnes le
jour même où – cela arrive une fois l'an en moyenne – ils y
vont de leur soirée revival, saupoudrée de références de films ou
de séries, agrémentée de souvenirs de parties de jeux vidéos
épiques, farcie jusqu'à l'indigestion de chansons de variétés et
de dessins animés cultes. La soirée avançant, les classiques ayant
suscité jusqu'à des sifflements bizarres dans vos oreilles, le jeu
consiste alors à trouver des pépites oubliées, lesquelles une fois
verbalisées arrachent des cris extatiques ou des onomatopées d'une
autre planète aux personnes vous entourant. Se voir ainsi propulsé
des années en arrière peut en effet provoquer des comportements
pour le moins étranges. Là encore, vos oreilles en sont pour leur
frais.
Ernest Cline, auteur du
livre Player One, sorti en fin du mois de janvier, a dû vivre une de
ces soirées. Plusieurs même. Ça ne fait aucun doute. Impossible, à
la lecture du livre, d'imaginer qu'il ne s'y soit pas adonné avec
une ferveur presque mystique. Son âge est à ce titre assez
révélateur...
2044, rien ne va plus sur
Terre. Une grande partie de la population mondiale a préféré se
réfugier dans une réalité virtuelle, l'OASIS, plutôt que de subir
les affres du quotidien, cumulant conditions climatiques
désastreuses et inégalités sociales jamais atteintes. Dans
l'OASIS, dans l'étendue presque sans limite qu'elle suppose, Je
peut être un autre, et tout se révéler possible... ou facticement
possible. Le créateur de cet univers à nul autre pareil, James
Halliday, est décédé voici quelques années, sans héritier à qui
léguer sa fortune colossale. Aussi a-t-il décidé de lancer une
chasse singulière : celui qui saura trouver l'Oeuf caché dans
l'OASIS remportera le gros lot, se montant à plusieurs milliards de
dollars. Pour ce faire, il faudra résoudre bon nombre d'énigmes
relatives aux années 80 dont il était fan (euphémisme quand tu
nous tiens!), et dénicher trois clés ouvrant chacune un portail
virtuel. Wade Watts alias Parzival est de la partie et n'en revient
pas lui-même lorsque, à dix-huit ans, il est le premier à mettre
la main sur l'une d'entre elles.
Ce n'est indiqué nulle
part sur le livre mais il convient de le savoir, Player One s'adresse
à un public de jeunes lecteurs ou aux nostalgiques des années 80.
Le problème c'est que je doute que les jeunes lecteurs actuels
s'intéressent vraiment aux nombreuses et vieilles références
citées dans le livre, hormis dans un souci de curiosité. La plupart
d'entre elles leur passeront au-dessus de la tête à moins de
prendre constamment des notes et de les répercuter ensuite sur un
moteur de recherche. Quant aux nostalgiques des années 80, qui
auraient peut-être vu là une occasion de s'éviter une énième
soirée revival où il auraient certes pu briller - pour avoir pris
des notes la fois précédente -, tous ne seront certainement pas
sensibles à la tonalité trop young adult du récit.
Qui plus est, on trouvera
dans Player One des considérations malheureusement déjà vues et
revues, mais surtout mieux vues et revues ailleurs. Ici, tout paraît
bien gentillet et naïf dans la représentation de la Réalité
opposée au monde virtuel (c'en est presque comique de voir le
concepteur de l'OASIS affirmer que rien ne vaut la VRAIE vie quand
lui-même a vécu comme un reclus dans son propre univers...
pince-moi je rêve!), ou bien même dans l'approche de l'identité,
de l'image que l'on renvoie aux autres et du souci que l'on peut y
apporter, dans la crainte d'un rejet.
Personnellement, à part
retrouver des références de films et de jeux vidéos (qui m'ont
permis de bien rire en visionnant Le joueur du grenier), l'intérêt s'est émoussé au fil de
cette histoire bizarrement trop linéaire et sans surprise, où les
gentils sont bien gentils, les méchants bien méchants, et qui
s'avère finalement assez décevante.
Player One, de Ernest Cline, traduitn de l'américain par Arnaud Regnauld, Michel Lafon, 2013, 407 p.
3 commentaires:
Je vais le tenter quand même et on verra si l'effet revival agit sur moi (cure de Jouvence ?).
La matière est là en tout cas ! :)
BiblioManu vous êtes trop beau!!! Que dites-vous? vous allez censurer mon commentaire???!! <3
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