18/10/2012

L'Homme délaissé / C.J. Box

En ce moment, je fais dans les héros récurrents. Que voulez-vous, quand on se prend d'affection pour un personnage, on aspire toujours à le retrouver à un moment ou à un autre... Même si, pour cela, il est parfois possible d'éprouver une sorte de lassitude à son égard. Cela n'a pas encore été le cas avec Joe Pickett, garde-chasse du Wyoming. Et, à peu de choses près, je pourrais répéter ce que j'ai déjà dit en guise d'introduction à la lecture de l'ouvrage précédent, Sanglants trophées. Oui, l'engouement est toujours là, bien là et rien ne laisse supposer qu'il va s'arrêter à cet épisode. Quelques indics m'ont assuré que ce ne serait pas le cas. Si leurs informations venaient à être fausses, j'ai les moyens de leur en faire voir de toutes les couleurs, en leur faisant lire mes premiers romans d'amour.... et même les derniers. La punition suprême aura lieu en cas de récidive, avec mes polars. Ils le savent. Alors je leur fais un peu confiance.

Cette fois-ci, point de phénomènes étranges ou mystiques. L'Office des forêts demande à Joe de remplacer au pied-levé le garde chasse du Comté de Jackson. Will Jensen, son collègue et ami, s'y est en effet donné la mort. Trop de pression professionnelle, un divorce récent, l'attitude de l'homme avait changé du tout au tout ces derniers temps. De nature calme et raisonnable, attentif aux autres, l'homme ne se contrôlait plus. Il buvait, troublait l'ordre public, cédait à la paranoïa. Son suicide est survenu à un moment où les autorités n'auraient plus été en mesure de dissimuler ses frasques. Naturellement, Joe accepte sa nouvelle mission, il y voit peut-être là l'occasion de quitter à terme son propre Comté, où sa situation est de plus en plus précaire. Il sait cependant que le contexte à Jackson est particulier, qu'il sera attendu au tournant par pas mal de monde. Il le sait mais il est bien déterminé, comme d'habitude, à accomplir sa mission et à tenter de comprendre ce qui a pu pousser Will à se donner la mort.

On prend les mêmes et on... ne recommence pas. C'est sans doute là l'une des clés de la réussite de cette série. Il y a bien sûr des constantes, comme cette représentation presque systématique de lutte de David contre Goliath que C.J. Box met en place. Joe Pickett doit sans cesse faire ses preuves face à une hiérarchie récalcitrante et à des hommes d'affaires puissants, prêts à l'écraser à la moindre occasion, n'hésitant pas non plus à tenter de l'amadouer ni à s'efforcer de briser la carapace de son intégrité. La restitution de cette lutte est telle que personnellement je ne peux qu'y adhérer, et j'avoue qu'il y a bien des fois où j'aimerais me glisser dans sa peau à Joe, me planter devant la tête de buse en face de lui [moi] et y aller de mon impressionnante carrure – ne vous méprenez pas, je faisais ça gamin en sortant des westerns [ou du film Starfighter ; ou Indiana Jones; ou... liste non exhaustive], je revivais les scènes à renfort de bruitage ; quant à la carrure, je repasserai, cela va de soi.

Ceci dit, il est pénible le Joe, il a des valeurs qu'on voudrait bien voir un peu moins tranchées parfois, qu'il se laisse un peu aller, qu'il lâche un peu du lest mais, comment dire, on ne peut pas le changer comme ça non plus, d'une simple volonté de lecteur. Et puis si Joe n'était pas Joe, peut-être cette série n'aurait-elle pas le même attrait ? Allez savoir... Au fil des tomes pourtant, le garde-chasse prend quand même du poil de la bête... sans vouloir faire de jeu de mots. Sa naïveté semble s'étioler au fur et à mesure, et il n'hésite pas à faire front lorsque cela s'avère nécessaire. Au regard des aventures qu'il a traversées, on comprend aisément qu'il rechigne encore à se laisser marcher sur les pieds.

Les grands espaces sont encore une fois au cœur de l'intrigue, au cœur des luttes qu'ils suscitent inévitablement : préservation de la nature, prospection immobilière, enjeux politiques, rancoeurs... quand ces éléments se croisent, il y a fort à parier que les remous ne manqueront pas. Et à C.J. Box de nous surprendre une fois de plus quand tout laisserait supposer une fois encore qu'on avance en terrain connu. Oui, on prend vraiment les mêmes et... on ne recommence pas !

Les enquêtes de Joe Pickett à ce jour (parus en France) :
 

L'Homme délaissé, de C.J. Box, traduit de l'américain par Anick Hausman, Points Seuil (Policier), 350 p. 

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