De
retour sur le blog après ce qui fut un joyeux périple dont vous
pouvez, si vous le souhaitez, avoir un aperçu à travers le journal de bord réalisé pour l'occasion. Le temps de reprendre ses marques et
c'est donc reparti...
…
avec, si je ne me trompe pas, une première chronique de manga dans
les colonnes du blog.
Les moments où je flâne devant les rayonnages dédiés au genre
sont rares. Raison numéro 1, j'ai lu très peu de mangas, ayant
toujours eu du mal à en déchiffrer les codes. En même temps si je n'en
lis pas plus, je ne risque pas d'y arriver... Raison numéro 2 :
la déferlante de titres proposés et leur amoncellement sur les
tables de librairie ont un effet dissuasif sur moi. J'en feuillette
bien un ou deux à l'occasion, mais rarement se produit le petit
frémissement qui m'inciterait à poursuivre l'exploration d'un
ouvrage pioché au hasard. Et la plupart du temps, aucun ne se
démarque des autres, comme s'il s'agissait au final d'une seule et
même entité. A l'exception de quelques auteurs vers lesquels je ne
rechigne pas à revenir, comme Jiro Taniguchi ou Naoki Urasawa, je me
dis régulièrement que, non, décidément, le manga, c'est pas ma
came. Pas de dénigrement là-dedans, juste un constat.
Alors pourquoi Wet Moon, là, tout d'un coup, hein ? Allez
savoir. Tout ce que je sais c'est qu'après en avoir parcouru
quelques pages, le fameux petit frémissement s'est produit et
aussitôt ma petite voix intérieure m'a soufflé : tu ne peux pas
passer à côté de ça ! Alors je l'ai pris, sans rien savoir
encore de l'histoire, qui vaut pourtant le détour....
Avant de se retrouver avec un éclat de métal fiché dans le
cerveau, l'inspecteur Sâta travaillait sur le meurtre d'un ingénieur
dont différents morceaux du corps avaient été retrouvés en
plusieurs endroits de la sation balnéaire de Tatsumi. Sâta, rendu
sur le lieu de travail de la victime avait été intrigué par le
comportement étrange d'une secrétaire, laquelle avait pris la fuite
sans qu'il parvienne à la rattraper. Peu de temps après, alors
qu'il était parvenu à la localiser, alors qu'il était à deux
doigts de lui mettre la main dessus, il avait perdu connaissance.
Sâta ne sait rien de qui s'est passé ce jour là, rien non plus des raisons de la présence de l'éclat de métal dans son cerveau. Nous sommes en 1966. Le premier
alunissage vient d'avoir lieu. Sâta, quant à lui, est certain qu'il
n'y a absolument aucune chance que les hommes aillent un jour sur la
lune. Cette lune qui l'obsède tant...
Il faut peu de temps à Atsushi Kaneko pour installer une ambiance où
le glauque le dispute à l'angoisse. Et
quand bien même cette
ambiance est omniprésente, elle ne cesse pourtant jamais d'évoluer
au fil des pages, sans toutefois atteindre les limites de
l'insupportable ni même du grotesque. Cela tient au mécanisme du
récit. Tout est ici affaire de paliers successifs. Chaque voile de
mystère levé laisse la place à un autre et, chaque fois, on
atteint un degré d'étrangeté supplémentaire. La perception de la
réalité s'en voit toute chamboulée, aussi bien à travers la
répétition systématique d'expressions que par l'apparition de
personnages aux particularités physiques déroutantes - voire
intrigantes au regard de leur nombre -, ou bien encore par les
bousculades graphiques qui se jouent du temps et des événements.
Cet égarement progressif du réel, cette immersion en terre instable qui donne le sentiment de pouvoir se renverser à tout instant,
suscite une forme de fascination trouble. Il devient alors impossible
de se défaire des filets de l'histoire. Remonter à l'origine de la
perte de connaissance de Sâta est une chose, connaître l'enjeu des
machinations sourdes qui gangrènent Tatsumi, voire le monde, en est
une autre.
Comme le souligne la quatrième de couverture, l'influence de David Lynch est évidente. Et s'il y a aussi du
Stanley Kubrick là-dessous, la référence la plus affichée et appuyée revient à George
Méliès. Sa célèbre figure lunaire, reproduite ici avec une
surface dégoulinante et un éclair malsain dans le regard, apparaît
en effet comme une balise à l'anormalité de l'histoire. De là à y
voir un hommage à une frange du cinéma, il n'y a qu'un pas. De là
à ce que ça m'amène à passer un peu plus de temps à fouiller
dans les étagères de manga et à reconsidérer mon point de vue sur
le genre, c'est un deuxième pas à envisager. Histoire d'avancer...
Bonne nouvelle, le troisième et dernier tome, celui qui donne toutes les clés - enfin normalement - est paru ce mois-ci. C'est tout de même appréciable quand ça ne traîne pas en longueur.
3 commentaires:
Je ne connaissais pas, tu as su titiller mon intérêt...
En cherchant dans la catégories seinen ou one shot, voire "manga d'auteur", vous pourriez peut-être trouver davantage de titres à même de vous intéresser. Un site comme manga news qui mentionne toutes les sorties, avec pas mal de chroniques ou de top de la semaine peut aider à s'y retrouver. Toutefois, le génie des mangas s'exprime à mon sens très bien dans les séries à rallonge, donc les shonen.
@manU: Mission accomplie ;)
@vegapunk: Merci pour cet éclairage. Je vais aller voir tout ça. J'avais beaucoup aimé les "20th century boys" mais il me semblait que ça aurait gagné à être un peu plus court... "shonen", je note quand même !
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