Serge Brussolo avait
laissé Mickie Katz en bien mauvaise posture à l'issue de Ceux-d'en bas, deuxième volet de la série consacrée à l'Agence 13, les
paradis inhabitables. Un livre et un revers de page plus tard, tout
est comme effacé et Mickie reprend du service. La dame n'est pas du
genre à lambiner. Qui plus est, l'agence a les comptes dans le
rouge. Pour remplir les caisses, elle n'hésite donc pas à envoyer
son meilleur élément en mission, quitte à jouer profil bas et
rompre avec la singularité qui la caractérise : redonner une
seconde vie et un nouvel éclat à des lieux ayant été l'objet de
scènes de crime.
Pour autant, Mickie n'est
pas au bout de ses peines. D'après les premiers éléments dont elle
dispose, il semblerait effectivement que la jeune femme ait quitté
le foyer d'une folie pour en investir un autre, d'une nature bien
différente mais tout aussi inquiétante. Devenir décoratrice pour
une série de télé, passe encore. Mais que penser lorsqu'il s'agit
d'un vieux feuilleton réputé maudit après la disparition de l'un
de ses acteurs principaux ? Que celui-ci a pour interprètes une
horde de vieillards ambulants ? Peggy Floyd, star déchue mais encore
riche, a en effet décidé de tourner de nouveaux épisodes du feu
First Lady dans son manoir, avec tous ceux qui, de près ou de loin,
avaient un jour travaillé dessus. La série n'est plus diffusée sur
les ondes mais dans les hôpitaux ou autres maisons de retraites pour
les quelques nostalgiques qu'elle compte encore. Et la malédiction
qui l'entoure n'a apparemment pas connu les ravages du temps, ne
s'est en aucune manière estompée. Mickie ne risque-t-elle pas d'en
faire les frais ?
Lire une page de Serge
Brussolo, ne serait-ce qu'une seule, cela s'apparente déjà à la
traversée d'une frontière. Celle qui sépare notre monde de
l'imaginaire de l'auteur. Vous pouvez toujours y aller bardés de vos
références, de vos guides ou de vos bagages glanés au cours de vos
précédentes incursions, traverser cette frontière, donc, de
quelque manière qu'on le fasse, cela revient irrémédiablement à
pénétrer en un territoire obscur, glauque et hostile, au gré
duquel, mystères, surprises et chausses-trappes sèmeront
l'exploration. Pas besoin de vous soucier d'un quelconque moyen de
locomotion, la peur et l'angoisse vous serviront de carburant.
Le chat aux yeux jaunes ne détonne pas. Pas du tout. Une fois la frontière traversée, vous
voici comme enfermé(e)(s) dans un grand magasin, peuplé de
mannequins de cire qui, après l'heure de la fermeture, se mettent
tout à coup à se mouvoir, difficilement, mécaniquement, laissant
apparaître les défauts de leur peau à la lumière ténue des
projecteurs.
Serge Brussolo, malgré
quelques pirouettes et invraisemblances scénaristiques vite
oubliées, nous offre donc une nouvelle fois un livre d'ambiance où
le malaise plane du début à la fin, un malaise largement imputable
à une mise en scène axée autour de vieillards se raccrochant à
leurs espoirs déchus. Des vieillards en quête d'une éternelle
jeunesse prompts pour cela à revêtir des costumes de latex de stars
disparues, s'avilissant encore et encore, comme pour ne pas se
laisser submerger par la déchéance.
Avec une intrigue
tarabiscotée comme lui seul semble capable de les édifier, Serge
Brussolo arrive à donner froid dans le dos et à vous laisser comme
un goût de poussière dans la bouche. Vous voilà prévenus.
Quoique, il se pourrait même que vous en redemandiez. Etrange, non ?
Agence 13, les Paradis inhabitables 3, Le Chat au yeux jaunes, Serge Brussolo, Fleuve noir, 284 p.
Agence 13, les Paradis inhabitables 3, Le Chat au yeux jaunes, Serge Brussolo, Fleuve noir, 284 p.
2 commentaires:
Un auteur incontournable qui, à mon avis, n'a pas la place qu'il mérite dans la littérature francophone. Un tueur !
Et qui mérite d'être lu. En tout cas j'aime beaucoup ce type de littérature qui s'adresse à un large public sans tomber dans la complaisance.
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