26/10/2010

Docteur à tuer / Josh Bazell

La mode est aux bandes-annonces de livres.




Sympathique.

"En me rendant au boulot, je m'arrête pour regarder un pigeon se battre contre un rat dans la neige, et c'est là qu'un connard essaie de me braquer. Bien évidemment, ce crétin a un flingue qu'il me colle derrière le crâne. C'est froid mais pas désagréable, comme un massage shiatsu."

Ainsi débute Docteur à tuer, roman surprenant et bizarre, mais pas dans le bon sens des termes. Peter Brown est un ancien tueur à gages ayant loué ses services à la mafia et plus particulièrement aux Locano, la famille qui l'avait pris sous son aile dès son adolescence. Après avoir voulu quitter le milieu, après avoir bénéficié d'une nouvelle identité grâce au programme fédéral de protection des témoins, et après avoir repris ses études, Brown est devenu médecin dans un hôpital minable. Il coule des jours paisibles. Hormis bien sûr quand un petit malin s'amuse à le masser avec son flingue dès le matin. Mais ceci n'est après tout que de la roupie de sansonnet en comparaison de ce qui l'attend un jour à son travail : une vieille connaissance atteinte d'un cancer à qui on donne peu de chances d'en réchapper mais cependant assez valide pour contacter et informer qui de droit qu'il a remis la main sur Peter Brown, plus connu dans le milieu sous le nom de Griffe d'Ours.

Si l'on prend en compte cette présentation du livre, sa couverture, la bande-annonce et ne serait-ce que le premier paragraphe cité plus haut, on est en droit de se dire que Docteur à tuer relève de la comédie policière. Passé les premières pages, cela se confirme. On serait même dans une comédie policière relevant des codes de l'absurde. C'est original, un peu déstabilisant, mais pourquoi pas. Certaines situations sont franchement drôles, tout comme les notes de bas de page du narrateur, qui n'hésite pas au passage à égratigner allègrement le milieu hospitalier. Josh Bazell, lui-même docteur, s'en donne à cœur joie.

Seulement ça se complique très vite - et j'en reviens par là au "surprenant" et "étrange" du début de chronique - avec la construction et le découpage de l'intrigue. Bazell alterne en effet les épisodes à l'hôpital, le présent de Brown, avec la narration des faits qui l'ont amené à changer d'identité. Et là, on est tout à fait dans un autre livre. Le registre n'est plus le même, le ton est plus grave et l'humour réduit à l'état de peau de chagrin. Cette partie est intéressante en soi mais elle est en tel décalage avec le reste qu'au final, on se retrouve avec un polar hybride, pas franchement déplaisant mais pas franchement concluant non plus. Il faut dire qu'après Vendetta de Roger Jon Ellory, les atermoiements de ce Griffe d'Ours paraissent légers et bien fades. Je peux très bien me tromper mais je doute que son empreinte laisse des traces dans la durée... et ce, quelles que soient les bandes-annonces qu'on pourra toujours nous pondre pour allécher le lecteur.

Docteur à tuer / Josh Bazell, traduit de l'américain par Denise Beaulieu, JC Lattès, 305 p.

22/10/2010

Mille sabords !



La Planète SF est toujours en pleine expansion et après le millième article posté il y a quelques jours à peine, tout porte à croire qu'elle n' est pas prête de s'arrêter de tourner en si bon chemin. Les moussaillons de l'imaginaire s'en donnent à coeur joie d'explorer encore et encore les territoires de la Science-fiction, de la Fantasy, du Steampunk, des univers parallèles, du Cyberpunk et que sais-je encore...

Pour les rejoindre, participer au forum, il suffit de cliquer ici. L'équipage de ce navire flottant sera toujours prêt à vous accueillir. N'ayez crainte. A aucun moment vous ne serez ligoté au bout d'une planche, prêt à tomber dans un espace abyssal et insondable fourmillant de créatures... inquiétantes.

20/10/2010

La Première pierre / Ursula Le Guin

Il y a des auteurs que l'on connaît juste de nom, dont on serait même capable de citer les titres sans pour autant les avoir lus. Sans pour autant les lire un jour. C'est un peu comme s'ils faisaient partie des meubles. On sait qu'ils sont là et puis on ne leur prête aucune attention. A tort.

Fort heureusement, on croise parfois des personnes qui favorisent les découvertes. Grâce à Lhisbei (un grand merci à elle), j'ai en effet comblé un manque. J'ai enfin lu Ursula Le Guin ! Avec une nouvelle très courte certes, mais une bien belle, tout en finesse, où il est question de pierres comme le titre l'indique, de mosaïques de pierres qui délivrent des messages, d'individus qui doivent faire face à l'obscurantisme pour exprimer leur soif de liberté.

L'ouvrage est complété par une postface de l'auteur qui situe dans quel contexte elle a été écrite.

Ce fut là la découverte d'un auteur sur lequel je reviendrai certainement (j'ai depuis fait l'acquisition de Dons aux éditions de l'Atalante) mais aussi celle d'un petit éditeur, Le Souffle du Rêve. A suivre, en tout cas.

La Première pierre, Ursula Le Guin, nouvelle traduite de l'américain par Anne-Judith Descombey, éditions Souffle de rêve (Exoterre), 27 p.

19/10/2010

Juste avant le crépuscule / Stephen King, nouvelles lues par Michel Raimbault

Il est enfin fini le temps où l'on ne trouvait que des classiques et des romans du terroir en livre audio. Fini aussi celui des boîtiers de huit, neuf, dix CD pour un bouquin avoisinant les 350/400 pages dans sa version papier. La dématérialisation des supports est passée par là, le MP3 aussi. Aujourd'hui, l'offre s'est considérablement étoffée, s'est ouverte à tous les genres, et rencontre même un certain succès. J'ai d'ailleurs été surpris de voir l'espace et le nombre de titres qui lui était dédiée dans des librairies. En me procurant Juste avant le crépuscule, le dernier recueil de nouvelles de Stephen King, j'ai même été étonné que le lecteur, Michel Raimbault, ait rempilé après avoir déjà assuré le boulot pour Duma Key, livre audio paru dans la même collection. Le succès serait tel que, comme au cinéma ou à la télévision, les auteurs se voient attribués une voix ? Je me suis renseigné, j'ai fureté de droite à gauche. Le cas est encore isolé, hormis pour certaines maisons d'édition audio qui procèdent de la sorte, plus par nécessité en raison de la taille de leur structure et sans doute aussi de leur portefeuille, qui ne leur permet pas forcément d' acheter des voix.

Quoi qu'il en soit, il m'a fallu un certain temps pour me défaire d'une sorte de gêne en entamant Juste avant le crépuscule et ce, pour deux raisons. La première étant que j'ai immédiatement rattaché la voix à celle du narrateur de Duma Key. Le livre était assez long, j'avais eu le temps de m'y habituer. Ensuite, s'agissant de nouvelles, il m'a semblé que la tonalité grave et rocailleuse de Michel Raimbault ne correspondait pas toujours à l'âge ou au sexe des personnages, surtout lorsque les textes étaient à la première personne. Puis j'ai passé outre et me suis laissé emporter par les histoires... quand je n'ai pas littéralement décroché.

Le credo de Stephen King en matière de création, c'est de dire que "la vérité est dans les détails". On ne peut effectivement pas lui enlever de s'appuyer sur les petits riens du quotidien ou même d'évoquer un objet de façon si particulière pour aussitôt susciter une ambiance, voire même donner une authenticité à son récit. C'est dans l'équilibre des détails que ses histoires me semblent plus ou moins réussies.

Dans Juste avant le crépuscule, certaines nouvelles sont longues, trop longues et ne m'ont présenté du coup que peu d'intérêt. Dans le cas de celles-ci, ça n'a pas fait un pli, à chaque fois, j'ai perdu le fil de ma concentration, je n'écoutais plus.

En revanche, ce sont les nouvelles les plus courtes que j'ai trouvées particulièrement percutantes, à l'image de Fête de diplôme, récit de fin du monde, ou bien encore Le Rêve d'Harvey que je vous invite chaudement à découvrir. Il y a trois autres très bons textes dans le lot et où ne s'applique pas systématiquement le sceau de l'angoisse ou de la terreur. Petites mentions personnelles spéciales à Laissés pour compte, sa manière à lui d'évoquer le 11 septembre, Muet, où un représentant profite d'avoir pris un auto-stoppeur sourd et muet pour lui raconter les frasques de sa femme, et enfin, Ayana, histoire dans laquelle le narrateur est confronté à des miracles. Je n'en dis pas trop volontairement afin de ne pas gâcher votre plaisir à la lecture, si vous décidez de vous y plonger.

Sur douze nouvelles, seulement cinq sortent vraiment du lot. C'est, je crois, le problème avec ce genre de recueils, où l'on croise du bon et du moins bon.

Juste avant le crépuscule, Stephen King, traduit de l'américain par William Olivier Desmond, lu par Michel Raimbault, audiolib, 2 CD MP3, 18 h 35 mn

12/10/2010

Tokyo ville occupée / David Peace

26 janvier 1948. Tokyo vit sous l'occupation américaine. Dans un établissement bancaire de la ville, un homme fait son entrée, un brassard du ministère de la santé au bras. Prétextant une possible épidémie de dysenterie, l'homme enjoint aux membres du personnel d'ingérer le contenu de flacons qu'il a en sa possession. Les seize employés présents le croient et s'exécutent. Douze d'entre eux décèdent. Les quatre autres seront évacués et hospitalisés.

Pour le deuxième ouvrage de sa trilogie consacrée à Tokyo, David Peace a une nouvelle fois tissé la toile de son récit autour d'un fait divers ancré dans l'histoire du Japon. Il aurait très bien pu le faire de manière tout à fait linéaire, rapporter les faits les uns après les autres en les nourrissant de son souffle romanesque. Tokyo ville occupée n'aurait pas été la première ni sûrement la dernière transposition d'une affaire criminelle à être traitée de la sorte. La recette a déjà fait ses preuves. Les exemples ne manquent pas.

Mais David Peace a tenu quant à lui à rendre état de la complexité de ce massacre jusque dans la forme du roman, jusque dans le style. Tokyo ville occupée s'articule en effet autour de douze voix : celle des victimes, des policiers, d'une rescapée, d'un journaliste, d'un scientifique américain... toutes étant liées de près ou de loin à l'affaire. Et quand je parle de voix, c'est pour aller au plus simple car il s'agit en fait de pensées, d'articles, de carnets ou de lettres. Et c'est là tout le noeud du problème en ce qui me concerne. Non pas que je ne reconnaisse pas la prouesse stylistique de David Peace - c'est diablement écrit - ni l'envergure qu'elle apporte à Tokyo ville occupée. Seulement la dimension réelle du bouquin n'est à mon avis pas accessible si on ne se laisse pas prendre par le ryhtme, par la virevolte des mots ou des groupes de phrase parfois répétés, scandés, rabâchés et qui sont déversés sur les pages, dans la tête.

Je ne me suis pas laissé prendre par la mélopée.

Au regard de toutes les éloges que j'ai lues sur ce livre, de toutes les pistes de lecture qu'il induit, j'ai plutôt l'impression d'avoir été abandonné sur le bord d'une route... pas très fréquentée. De n'avoir jamais non plus été en mesure de déceler toutes les subtilités qu'il porte en lui. Je suis allé au bout parce que je sais que certains bouquins révèlent leur essence quelque temps après les avoir refermés. Cela n'a pas été le cas. Il a bien fallu me résoudre.

Tokyo ville occupée est un roman exigeant, qui demande des efforts. Ceux-là même que je n'ai pas été capable de fournir. David Peace a placé la barre très haut. Trop haut pour moi en tout cas qui, je le rappelle, suis un super-héros qui ne sait pas voler. Sinon...

Tokyo ville occupée, David Peace, traduit de l'anglais par Jean-Paul Gratias, Rivages (Rivages/Thriller), 352 p.


07/10/2010

L'Amour est une île / Claudie Gallay + interview de l'auteure.

Claudie Gallay signe une nouvelle fois un roman de grande qualité. Je me doute pourtant qu’elle était attendu après le succès des Déferlantes, d’ailleurs, moi, je l’attendais le roman suivant.

Et je ne suis pas déçue.

Contrairement à Carlos Ruiz Zafon qui après l’énorme buzz créé par l’Ombre du vent, nous avait resservi de l’Ombre du vent dans le Jeu de l’ange, Claudie Gallay, elle, a su s’extraire totalement de ses déferlantes, voire même de l’intégralité de son œuvre, pour nous convaincre encore du fait qu’elle est une grande, une très grande écrivain.

Avignon, l’été de la grève des intermittents du spectacle. Avignon caniculaire, Avignon qui saigne. Notez tout de suite qu’il s’agit là, de la première fois, que l’auteur intègre aussi concrètement son texte dans une époque.

Odon Schnadel possède un théâtre, le Chien fou, dans lequel cette année, il présente la Nuit rouge, pièce écrite par Paul Selliès, jeune auteur mort sans avoir été reconnu par le public. Sans même savoir que son texte serait publié. Marie, Marie l’écorchée vive, l’enfant de la trainée, la fille de Marie-Madeleine, la sœur de Paul Selliès, vient à la rencontre d’Odon, pour essayer de comprendre son frère, mort.

Et puis il y a Mathilde, dite, la jogar. La comédienne avignonaise reconnue internationalement qui revient au pays, après des années d’absence, alors qu’elle est au sommet de sa beauté, de son succès et de sa carrière. Mathilde l’ancienne maîtresse d’Odon. Mathilde est revenue....

Autour du texte de Paul Selliès va s’ouvrir une pièce, un lien, une intrigue entre Odon, Marie et Mathilde, dont l’issue retentit encore sous mes cellules mais dont je ne peux absolument rien vous dévoiler.


Une fois de plus, Claudie Gallay a réussi à m’extraire totalement de la surface de la terre pour quelques heures... et je n’aurai pas les mots pour la reconnaissance, m’entendez vous.

Bien au delà d’un simple roman, elle déroule sous nos yeux et entre nos mains, une tragédie contemporaine au cœur de son texte. Tout y est.

Le Choeur, porté par les intermittents en grève, qui hurle à la trahison, les héroïnes, la jalousie, les rapports frère/sœurs (récurrents dans toute l’ œuvre de l’auteur), la religion, le sacrifice, la vengeance, l’amour, la filiation, l’amitié, le théâtre.

Le tout dans une ambiance caniculaire, dans cette ville dont je reconnais au fil des pages les moindres recoins, qui n’est autre d’ailleurs que la ville de l’auteur elle-même. Avec jusqu’au bord des narines, les odeurs de cuisine, les lumières, le fleuve, la péniche.

Et puis, et puis il y a aussi, les personnages secondaires, capitaux. Ceux là même qui avaient contribué à la force ravageuse des Déferlantes, qui avaient aidé l’auteur a tout balayer sous le passage de sa plume.

Il y a Odile, la sœur de Jeff, enfermée avec ses 4 fils solaires et nus, il y a Jeff, l’homme à tout faire, du théâtre et de la péniche d’Odon, Julie la fille de Nathalie et d’Odon, les acteurs de la troupe d’Odon, et Isabelle. Isabelle reine magnifique à la peau usée par les ans, pilier du festival, amoureuse transie de la vie et de la jeunesse, des arts, ayant côtoyé chez elle les plus grands de Gérard Philippe à Calder en passant par Willy Ronis. Isabelle la reine, dont l’appartement servira de refuge à Marie loin de chez elle.

Et on retrouve toute la force physique de l’écriture de Claudie Gallay. Le rythme du roman est guidé par la mise en page. Une page et demie grand format de chez actes sud, jusqu’à trois maximum, et on reprend son souffle, on plisse les yeux, et on repart. Sous le soleil de plomb au cœur de cette tragédie aux symptômes modernes de l’auto mutilation par exemple ou de l’anorexie.

Et on tremble avec Marie qui porte sa fragilité avec une grâce vulgaire, on tombe amoureuse de la force et de la générosité d’Odon, on irait bien manger avec Odile et se faire raconter des histoires du temps d’avant chez Isabelle. Et on observe de loin, la beauté arrogante de Mathilde, on lorgne du côté de son succès et on ressent pour quelques secondes, ce pouvoir immense donné par un public, celui de la reconnaissance.

Et on comprend avec une force qui a à voir avec nos intimités que chaque chose porte en elle son contraire, que de l’amour naît la mort, et que nous n’y pourrons jamais rien. Que rêver et faire naitre la poésie reste une arme, puissante et si belle contre les fragilités de nos vies qui ne tiennent qu’à un souffle.

Gallay râpe nos peaux avec des phrases sans verbes. Courtes pour la plupart. Elle fait siffler à nos oreilles des phrases qui tombent comme des couperets. Elle invoque aussi pour nos esprits et contre leurs formatages à la chaîne, les contes et légendes, ou l’ancien testament, le requiem de Mozart, la poésie de Pessoa, les photos de Nan Goldin, et celle de la misère qui naît partout, même au fond des bouges.

Claudie Gallay réécrit pour nous, pour nos mémoires et nos épidermes, pour nos souffles et nos vies, une Antigone à faire pâlir Anouilh, et moi, je retiens mon souffle, jusqu’au jour où je pourrai à nouveau l’interviewer pour vous.


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03/10/2010

Les Royaumes crépusculaires / Mathieu Gaborit

Parmi les lecteurs de Fantasy ou de Science-Fiction, genres où les cycles à rallonge ont pignon sur étagères ou sur présentoirs, il y a principalement deux écoles dans lesquelles vous trouverez:

* ceux qui lisent les préquelles ou les nouvelles se situant dans l'univers d'un cycle pour se donner une idée avant de tenter le grand plongeon. Ceux là sont plutôt rares : bien souvent la parution de tels volumes s'effectue une fois que la série a connu un certain succès, ce qui suppose un nombre déjà important de titres.

* ceux qui lisent les tomes au fur et à mesure de leur parution, quitte à relire le ou les volumes précédents pour chacune d'entre elles, histoire de tout se remettre en tête.

* ceux qui attendent qu'un cycle soit terminé pour entamer sa lecture tout en ayant conscience qu'on n'est jamais à l'abri d'un phénomène de lassitude en cours de route ou de la parution post-mortem d'un manuscrit oublié au fond d'un tiroir et miraculeusement retrouvé.

Je fais pour ma part partie de la dernière catégorie, tout en ayant pratiqué la deuxième pendant un certain temps. Après tout, avec une intégrale, on est en droit de se dire que l'histoire est terminée, que l'on aura son début, son milieu, sa fin, et point barre. Quoique je dis ça, je dis ça, et le dernier volume du Trône de Fer de George R.R. Martin n'est toujours pas paru en langue originale tandis que les premiers tomes de son intégrale sont déjà sortis. Mais peut-être faut-il y voir là le signe de l'exception qui confirme la règle...

Enfin bref, quand est enfin venue l'heure de réunir l'ensemble des œuvres de Mathieu Gaborit gravitant autour des Royaumes crépusculaires, j'ai été plutôt enthousiaste. De cet auteur, je n'avais lu que les [réussies] Confessions d'un automate mangeur d'opium, écrites conjointement avec Fabrice Colin. Avec cette intégrale, c'était donc pour moi l'occasion de découvrir un univers dont je ne savais rien, sinon qu'il avait déjà rencontré un succès certain lors de ses premières éditions.

Seulement, je n'ai pas été emporté aussi loin que ce que j'aurais pu imaginer de prime abord même si le début était plus que prometteur. Le père d'Agone vient de mourir. A cette occasion, le jeune homme revient à la baronnie de Rochronde où l'accueil qui lui est réservé est à la hauteur de ses attentes : glacial. Agone avait depuis longtemps signifié sa volonté de ne jamais succéder à son père. Il avait préféré rejoindre la fraternité de Préceptorale, devenir itinérant et enseigner la lecture et l'écriture dans les campagnes. Autrement dit, il avait choisi la voie diamétralement opposée à celle que son père lui destinait. Cependant, en guise de testament, aux allures de dernière volonté, ce dernier l'enjoint de rejoindre le collège de Souffre-jour. Au bout de six journées d'enseignement, Agone sera libre de choisir entre la baronie ou Préceptorale, sans que personne ne puisse revenir sur sa décision.

Les Royaumes crépusculaires est un ouvrage original par bien des aspects. Mathieu Gaborit est parvenu à créer un univers à part entière, à la fois fouillé et intrigant. Malheureusement, je n'ai pas été transporté. Ce n'est pas ce monde si particulier et si riche qui m'a rebuté mais bien le style de l'auteur que j'ai trouvé trop descriptif, trop chargé. A tel point que j'ai eu l'impression de ne jamais vraiment avancer dans ma lecture, comme si chaque action était par trop décomposée et, paradoxalement, empêchait mon cerveau de générer des images précises, celles que cet univers méritait sans doute et que d'autres ont par ailleurs su puiser. De même, je n'ai pas été sensible à la psychologie d'Agone, tantôt très maître de lui, tantôt d'une naïveté désarmante, ce qui lui a fait perdre de la crédibilité à mes yeux. Certes un personnage n'a pas à être trop tranché, mais quand sa psychologie est à ce point si disparate, cela a tout de même de quoi décontenancer.

Néanmoins, ne lisez ici qu'un avis de lecteur rencontrant en général bien des difficultés avec la Fantasy. Je suis sûr que les Royaumes crépusculaires trouveront un lectorat bien plus... éclairé ?


Petit rajout de dernière minute suite au commentaire d'Efelle. L'intégrale des Royaumes crépusculaires est composé des ouvrages suivants :

Les Chroniques crépusculaires : Souffre-Jour ; Les Danseurs de Lorgol ; Agone.
Abyme : Aux ombres d'Abyme ; Renaissances ; La Romance du démiurge.

Les Royaumes crépusculaires, l'intégrale, Mathieu Gaborit, Mnémos (Icares), 484 p.